«  Vers la fin de l’après-midi du samedi 10 décembre, une bagarre éclate dans la rue d’Isly (aujourd’hui rue  Ben M’hidi, ndlr) à hauteur du « Monoprix » (aujourd’hui le musée MAMA, ndlr) entre des ultras européens et des Algériens. D’autres incidents ont lieu à Belcourt […] à Hussein-Dey […] au Clos Salembier… »(1) De nombreuses victimes algériennes tombent sous les coups des hommes du F.A.F. (Front de l'Algérie Française). A la surprise des autorités coloniales qui croyaient la rébellion écrasée depuis la terrible répression de 1957, les Algériens descendent par milliers des quartiers populaires et investissent le centre d’Alger.

Ce mouvement pour l’essentiel spontané, mais soutenu par le Front de Libération nationale (FLN), fut le signal du déclenchement d’un immense mouvement populaire qui, à partir du 11  décembre, allait déferler sur toutes les villes d’Algérie aux cris de Vive l’Algérie musulmane, Vive l’Indépendance (Tahya Istiqlal), FLN vaincra, Libérez Ben Bella, Lagaillarde au poteau… En tête des cortèges, des jeunes et des femmes qui lancent des youyous. Le Général De Gaulle  arrivé la veille en Algérie, interrompt sa tournée de propagande et rentre précipitamment à Paris, ce dont il ne se vantera pas et la presse aux ordres n'en parlera pas.

Le 11 décembre, les parachutistes du 18^e RPC quadrillent  Alger. « Ils ouvrent le feu à l’arme automatique sur la foule des manifestants »(2) faisant des centaines de morts. Cette boucherie, loin d’effrayer les Algériens va décupler leur élan patriotiques et  des foules encore plus nombreuses vont défiler les jours suivants en brandissant les couleurs de l’Algérie indépendante, croissant rouge sur fond  vert et  blanc.  « Chacun est comme élevé au-dessus de lui-même. » (3).

« Les manifestations de décembre marquèrent un tournant. », écrira le Professeur Gilbert Meynier (4). A la veille du référendum en France du 8 janvier 1961 sur « l’autodétermination » elles en accélèreront le processus. Elles confirmeront la représentativité du FLN et auront une influence décisive sur les délégués à la 15^e session de l’Assemblée Générale du l’ONU (septembre 1960-avril 1961) dont la résolution sur l’Algérie sera votée  par 63 voix Pour, 8 Contre et 27 Abstentions. Cette « résolution se prononce en faveur de : 1/Le droit du peuple algérien à la libre détermination et à l’indépendance ; 2/ La  nécessité impérieuse de garanties adéquates et efficaces pour assurer que le droit de libre détermination sera mis en œuvre avec succès et justice sur la base du respect de l’unité et l’intégrité territoriale de l’Algérie ; /3 Que les Nations Unies ont la responsabilité de contribuer à ce que ce droit soit mis en œuvre avec succès et avec justice. » (5)

La guerre durera cependant encore un an, avec son cortège de victimes en Algérie et en France (17 octobre 1961 à Paris), avant la signature des Accords d’Evian le 18 mars 1962 et le cessez le feu le 19 mars à midi.

Bernard DESCHAMPS

10 décembre 2020

1-« LA GUERRE D’ALGERIE, sous la direction d’Henri Alleg », Temps Actuels, 4^e trimestre 1981, tome 3, pages 265 et suivantes.).

2- « HISTOIRE INTERIEURE DU FLN, 1954-1962 », Gilbert Meynier, Fayard, novembre 202, pages 465 à 467)

3- La Guerre d’Algérie, ouvrage cité, page 272.

4- Histoire intérieure…, ouvrage cité, page 466.

5-La Guerre d’Algérie, ouvrage cité, page 277.