Combien étions nous? 150 ? Davantage ? La salle du Conseil Général s'est avérée bien exiguë pour accueillir la foule qui se pressait à la réception offerte par le Consulat d'Algérie à l'occasion de la remise de la médaille du 50e anniversaire de l'Indépendance. Que toutes et tous en soient ici, une nouvelle fois, chaleureusement remerciés. Cela m'a fait chaud au coeur et je m'en réjouis pour l'Algérie. Michel Berthier qui était le maître de cérémonie, remercia le Consul d'Algérie M. Khaled Mouaki Benani, MM. Dahman Smaïl et Bouarrou Youcef, Consuls-adjoints et salua la présence des conseillers généraux: Patrick Malavieille et Jean-Michel Suau, vices-présidents et de Christian Bastid; Alain Clary, député-maire honoraire de Nîmes; Youcef Mahouche, vice-président de la communauté de communes du Pays Grand'Combien; Mme Laurette Bastarolli, adjointe au maire de Bagnols sur Cèze; Maître Chantal Chababon-Clauzel, bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Nîmes; la moudjahida Fatima Krim; Mme Odile Djébaïli et Malek Djebaïli venu spécialement d'Alger; Mohamed Bouricha et Abderrahman Defnoun, anciens de la "Glorieuse équipe de foot du FLN; Mme Martine Gayraud, secrétaire départementale du PCF et Charles Ménard, responsable départemental du Parti de Gauche; Valère Barazza, ancien secrétaire général de l'UD-CGT; Mme Faouzia Bessa, épouse de Zoheir Bessa, directeur d'Alger Républicain; Claude Mazauric, professeur émérite des universités; Jean-Pierre Neel, compositeur et chef d'orchestre; M.Mme Raymond Cubells de France-Algérie Béziers; Mme Nicole Ziani, présidente de France Palestine Solidarité Nîmes; Mme Julia Bastide; Salem Marchi, enseignant; Djaffar Amir, président de l'Association des Algériens du Languedoc-Roussillon et de l'Aveyron; Lakdar Qéjiou, Président de France-El Djazaïr; Braham Iherkouken, président de Familles et Amis de l'Algérie: Ali Tourki et Foudil Djoudi, responsables de l'Amicale des Algériens en Europe.
Parmi les personnes empêchées et qui avaient adressé leurs excuses, Michel Berthier mentionna: M. Damien Alary, président du conseil général; Wiliam Dumas et Patrice Prat, députés du Gard; les conseillers généraux, Edouard Chaulet, Olivier Gaillard et Jacky Valy; Mme Nicole Bouyala, ancien maire de Saint Quentin le Poterie; M.Mme Brouard, conseiller général de Saint Savin sur Gartempe; Omar Bessaoud de l'Institut Agronomique Montpellier- Méditerranée; Raymond Huard, professeur émérite des universités; Jean Asselmeyer, cinéaste; Ghouti Bendedouche, cinéaste algérien; El Hadj Bensalah, ancien directeur de la cinémathèque d'Oran; Jean-Christophe Clap, chef de cabinet du Président Alary.
Le buffet préparé par le CAT de l'APAJH, était offert par le Consulat d'Algérie à Montpellier. Les vins étaient
du Gard et d'Algérie (La cuvée du Président)
Monsieur le Consul d’Algérie,
Messieurs les Consuls-Adjoints,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je suis, vous l’imaginez, heureux de la distinction qui m’est décernée par M. le Président de la République Algérienne et que vous venez, Monsieur le Consul, de me remettre.
Je la dédie à celles et ceux qui, en France, ont soutenu le légitime et juste combat du Peuple algérien pour son indépendance.
Il y a 50 ans, le 18 mars 1962, les Accords d’Evian conclus par les représentants du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne et de l’Etat français, reconnaissaient le droit à l’indépendance de l’Algérie, mettant ainsi fin à 132 années d’occupation coloniale et à 7 ans, 4 mois et 18 jours d’une guerre atroce dans laquelle la France perdit son âme.
Ces accords furent ratifiés par référendum en France et en Algérie. Ils furent approuvés par 90,06% des suffrages exprimés à l’échelle nationale de notre pays ; 91% dans le Département du Gard ; 94% à Aigues-Mortes et 96% à La Grand’Combe.
C’est le mérite du Général de Gaulle, d’avoir eu le courage – il dut affronter plusieurs tentatives d’attentats – de conclure cette paix après avoir, il est vrai, accentué la pression militaire durant les quatre dernières années de la guerre, de 1958 à 1962.
Faire progresser et triompher en France la reconnaissance de la légitimité du combat du Peuple algérien pour son indépendance et la nécessité de négocier avec son représentant authentique le Front National de Libération, fut un long et difficile combat. Des décennies de conditionnement idéologique, à l’école, dans la presse, la littérature, les arts, avaient formaté le Peuple de France qui croyait en toute bonne foi que l’Algérie c’était la France, pour reprendre la formule célèbre de François Mitterrand. Il fallut déconstruire cette idée par un long et patient travail d’explication. Cette action prit des formes diverses. Certains s’impliquant dans une aide directe au FLN. Ce fut le cas des réseaux Jeanson et Curiel et, dans une acception chrétienne, des réseaux de la Cimade qui furent particulièrement actifs dans le Gard.
Dans ce département, d’importantes manifestations exigèrent avec de plus en plus de force, dans un premier temps la Paix en Algérie, puis l’Indépendance. Des militants, des élus, des hommes de foi, des personnalités gardoises contribuèrent à éveiller les consciences et marquèrent cette époque de leur empreinte : Robert Jonis, un des responsables départementaux du PCF et les députés communistes Gilberte Roca et Gabriel Roucaute; des Pasteurs protestants, Idebert Exbrayat, Laurent et Michel Olivès ; des élus socialistes, le Dr. Jean Bastide et le Dr. Emile Guigou, en rupture alors avec leur parti; Attilio Francini et Jean Fabrègue de la CGT ; Ninou Schwartz de l’Union des Femmes Françaises ; le Professeur Jean Brunel et Lucien Vincens, responsables du Mouvement de la Paix ; des responsables du PSU comme Jacques Compère-Roussey et Fernand Vigouroux; Gabriel Bergonnier, responsable du Secours Populaire ; Jean Chabanis de Christianisme social ; André Raulet de la Ligue des Droits de l’Homme; Paul Marcellin et André Sarran de la Fédération des Œuvres Laïques ... et tant d’autres que vous me pardonnerez de ne pouvoir citer.
Le département du Gard connut de grandes manifestations pour s’opposer au départ des soldats rappelés sous les drapeaux en 1956. Elles furent réprimées par le pouvoir en place qui destitua trois Maires communistes : Alexandre Molinier d’Aigues-Mortes, Sylvain Boissier de Cardet, Narcisse Bolmont de Chamborigaud et 36 militants gardois furent traduits devant les tribunaux militaires. En 1958, un jeune ouvrier communiste d’Aigues-Mortes, Marc Sagnier écrivit au Président de la République son refus de porter les armes contre le Peuple algérien. Il paya son geste courageux de onze mois de bagne, en dehors de toute décision judiciaire, à Timfouchy dans le sud algérien.
Les Algériens travaillant dans notre département, en particulier dans le bassin minier des Cévennes et sur le chantier de Marcoule, apportèrent eux aussi avec le FLN, dans les conditions difficiles de la clandestinité, leur contribution au grand combat patriotique de leur Peuple et les noms de Aïssa Mokrane (ancien mineur à Alès et qui vit maintenant à Alger) ; de Mohamed Ben Belkacem, « le professeur » ; de Mohand Cherif Djenkal mort au combat; de Mohammed Djenidi ; de Abdallah Hideche ; de Messaoud Alaoua ; de Fatima et de Mohamed Krim ; de Mohand Bachir Sali, sont toujours présents dans la mémoire de leurs compatriotes. Le milieu du football se souvient aussi des noms de Mohamed Bouricha, d'Abderrahman Defnoun (qui nous font la joie d’être des nôtres) et de Amokrane Oualiken qui, en 1958, ont tout quitté, famille et situation confortable pour rejoindre à Tunis, « La glorieuse équipe de foot du FLN ». Nous avons le plaisir d’avoir aussi parmi nous, mes amis la mujâhida Fatima Krim, Mokrane le fils de Yahia Dahmouche et Youssef Mahouche parent de Lakhdar Mahouche. Malheureusement le mujâhid Abderrahman Djoudi n’a pu se déplacer en raison de sa santé.
Je salue également la présence nombreuse de petites filles et de petits fils de mujâhidûn venus spécialement d’Alès et de La Grand’Combe.
Jamais les patriotes algériens de la région n’organisèrent d’attentats contre nos compatriotes, pourtant la répression fut cruelle, allant jusqu’à la torture à l’eau et à l’électricité pratiquée à Saint Hippolyte du Fort.
Cinquante ans cela est court à l’échelle de l’histoire de l’humanité, mais l’Algérie est depuis devenue une grande nation respectée dans le monde. Sa voix est écoutée pour sa politique de Paix, comme en témoignent une nouvelle fois, ces temps-ci, son soutien au Peuple palestinien ainsi qu'à l’Autorité palestinienne et sa recherche persévérante d’une solution pacifique à la situation du Mali. C’est un diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, qui a été désigné par les Nations Unies pour tenter de trouver une issue négociée au drame que vit la Syrie.
Ce ne fut pas facile de bâtir une société nouvelle, pour ce Peuple décimé par huit années d’une guerre atroce et privé d’une partie de sa population d’origine européenne poussée à l’exil en 1962, par les crimes de l’OAS. Il releva cependant le défi avec courage et aujourd’hui des Ecoles, des Universités, des Hôpitaux existent sur l’ensemble du territoire, alors que 10% seulement des petits Algériens étaient scolarisés avant l’indépendance et que les épidémies, la tuberculose notamment, faisaient des ravages. Ce Peuple déjà si éprouvé par la dure lutte menée pour son indépendance contre une des armées parmi les plus puissantes du monde, fut également confronté à une terrible guerre civile manipulée de l’étranger, qui fit quelque 200 000 victimes durant la décennie noire des années quatre-vingt-dix. Il s’en est relevé et l’Algérie a aujourd’hui retrouvé la paix.
L’Algérie est un immense chantier. Des grues partout. Des autoroutes, des ponts, des barrages hydrauliques, des immeubles locatifs en nombre sont construits et, dans ce pays où existent le multipartisme et une presse irrespectueuse et très combative, d’importantes réformes sont en cours pour approfondir la démocratie. Le peuple algérien évolue à son rythme en toute souveraineté et il n’accepte pas qu’on lui dicte sa conduite de l’extérieur. Nous devons respecter sa volonté.
C’est cette réalité que les voyageurs qui s’y rendent découvrent et que continuent de nier les revanchards de « L’Algérie française » qui ont, en mars dernier, ici même, mis notre colloque d’historiens en état de siège.
Le Peuple algérien qui a combattu victorieusement le colonialisme français, n’a pas de haine pour le Peuple de France. Il aspire au contraire au développement de liens durables d’amitié avec notre pays et notre Peuple. C’était l’objectif du projet de traité d’amitié décidé en 2003 par les Présidents Bouteflika et Chirac et enterré depuis par Sarkozy. Dans quelques jours, le Président Hollande se rendra en voyage officiel en Algérie. Son élection a soulevé un grand espoir dans le Peuple algérien et sa condamnation du pogrom du 17 octobre 1961 à Paris a été saluée comme un geste important, même si des pas restent encore à faire pour reconnaître et condamner définitivement le crime que constituait le colonialisme. On peut légitimement espérer que cette visite marquera un tournant dans les relations entre l’Algérie et la France. C’est mon vœu le plus cher.
La distinction que vous me remettez aujourd’hui, Monsieur le Consul, témoigne de la reconnaissance par l’Algérie de l’action menée en France pour l’indépendance de votre pays. Elle témoigne également de la volonté de l’Etat algérien de nouer et d’approfondir des relations confiantes d’amitié avec notre pays. Je la reçois comme telle. Certes j’étais et je suis toujours très engagé dans cette démarche, mais d’autres ont fait tellement plus que moi. Aussi vous me permettrez de dédier cette médaille tout spécialement à mon camarade Marc Sagnier qui, le 4 mai 1958, écrivit au Président de la République française :
« Monsieur le Président,
J’ai longuement réfléchi à la guerre que nous poursuivons depuis quatre ans et j’ai pris la décision de vous informer de mon refus d’y participer […] car ma conscience m’ordonne de ne pas faire la guerre à un peuple qui lutte pour son indépendance.
Je ne refuse pas d’accomplir mon service militaire, car j’aime mon pays qui fut toujours à l’avant-garde de la lutte pour les libertés et je veux être capable de le défendre s’il est attaqué, aussi je me tiens à la disposition des autorités militaires. »
Marc nous a quittés prématurément en 1995. Les sévices qu’il avait subis en détention ne sont pas étrangers à son usure précoce. S’il vivait encore, c’est lui qui aurait mérité de recevoir cette distinction et il serait heureux des progrès accomplis par l’Algérie, malgré d’immenses difficultés, depuis l’Indépendance.
Vous voudrez bien, Monsieur le Consul, transmettre à Son Excellence Abdelaziz Bouteflika, Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire, mes sentiments de profonde gratitude pour cette distinction qui honore tous les amis de l’Algérie.