Je suis né avec l’Humanité créée le 18 avril 1904 par Jean Jaurès. Plus exactement, sa lecture  fut pour moi comme une renaissance. J’avais 19 ans lorsque j’ai adhéré au Parti communiste français et commencé à lire régulièrement son quotidien. J’étais déjà un militant très engagé pour l’indépendance des colonies, mais c’est à l’Ecole normale d’instituteurs de Poitiers, en classe de philo-lettres que je découvris vraiment les Communistes et leur journal.

   Je ne fus pas acquis d’emblée, un peu désarçonné par son contenu et par le ton parfois sentencieux,  heureusement disparu depuis. Mais très vite je m’y attachai, y trouvant des sujets et des analyses que je ne trouvai pas ailleurs et qui répondaient à mon attente : la Paix, les peuples du Monde, les luttes ouvrières…Pas sans erreur parfois, mais qui n’en commet pas ? Nous nous sommes trompés au sujet de l’Union soviétique.

   En 1950-1951  la guerre faisait rage contre les peuples en lutte pour leur indépendance en Corée, en Indochine et en Afrique. La « guerre froide » déclenchée par l’Occident contre  l’Union soviétique pouvait déboucher sur une guerre nucléaire. En France, les partis  de droite, du centre et socialiste prônaient le réarmement de l’Allemagne contre l’avis des anciens Résistants. En avril 1951 était  signé le traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) qui se traduira par la liquidation des houillères françaises et  des atteintes graves au statut des mineurs datant de la Libération.

   Quatre ans plus tôt, en 1947, les Communistes français qui avaient pris une part active à la Résistance au nazisme et payé un lourd tribut, avaient été exclus du gouvernement  auquel ils participaient pour la première fois, laissant le souvenir de réalisations importantes comme la Sécurité sociale et le Statut des fonctionnaires.

   Je puisais dans l’Humanité les arguments pour les combats dans lesquels j’étais engagé. Il en est toujours ainsi depuis 73 ans (Je suis resté fidèle à l’édition papier à  laquelle je suis abonné. J’ai besoin de sentir sous mes doigts, le papier qui pour moi témoigne de la matérialité et de la permanence de mon quotidien)

   Certes, il m’arrive encore parfois d’être irrité par certaines impasses ou certains commentaires, sur l’Algérie notamment, alors que l’Humanité a soutenu son combat pour l’indépendance au prix de nombreuses poursuites judiciaires, mais c’est rare et je retrouve dans Mon journal l’internationalisme de ses fondateurs, l’appui à toutes les luttes émancipatrices, ouvrières, féministes, pour un Communisme du XXIe siècle, et la permanence du combat contre le danger fasciste si présent à nouveau aujourd’hui. L’Humanité aiguise notre esprit critique face au matraquage médiatique.

   J’ai chez moi, encadrés deux numéros originaux de l’Humanité, celui du 13 avril 1961 à l’occasion  du premier vol d’un homme dans l’espace, accompli par Youri Gagarine qui me l’a dédicacé lorsque qu’il est venu dans le Gard en 1965 à l’invitation des Jeunesses communistes ; et  celui du 19 mars 1962, date du Cessez le feu en Algérie qui mettait fin à 132 ans de domination coloniale, après une guerre cruelle de presque 8 années. Comme deux jalons de ma vie militante…

   Je souhaite longue vie à l’Humanité, le journal  indépendant des forces de l’argent qui dominent aujourd’hui la plupart des médias français.

Bernard DESCHAMPS

18 avril 2024