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 Lundi 25 octobre 2010

DJAZAÏR 2010 163 

Depuis plusieurs mois, la France vit au rythme des manifestations, des grèves, des barrages routiers...Le projet gouvernemental de recul de l'âge de la retraite soulève, en effet, une vive inquiétude. Pour la première fois depuis longtemps les organisations syndicales sont pratiquement toutes unies sur une plate-forme commune. Jamais, depuis 1968, les manifestations n'avaient rassemblé autant de monde, du secteur privé comme du secteur public, dans les grandes villes, mais aussi dans les villes moyennes et les petites villes, ce qui témoigne de l'enracinement de cette lutte.

En Algérie aussi de grandes actions revendicatives se sont déroulées au cours du premier semestre de cette année. Pour l'augmentation des salaires et pour l'emploi. Nous avons l'intention, au cours de ce voyage, de nous entretenir avec des responsables syndicaux.

Ainsi, alors que le FMI et la Banque mondiale font pression sur les gouvernements pour réduire les acquis sociaux et faire payer aux peuples la crise financière dont pourtant seules les banques sont responsables, le mécontentement légitime que suscitent ces politiques se traduit de plus en plus par des luttes de grande ampleur.

Cette année, outre Alger qui est un passage obligé où nous rencontrons des responsables nationaux de diverses organisations et où nous participons à la commémoration du 1er novembre 1954, nous irons au sud, à Bechar, Taghit et Beni Abbes. "Vous êtes fous ! nous a-t-on dit -cette région n'est pas sûre!"...L'enlèvement puis l'assassinat en juillet dernier de Michel Germaneau et l'enlèvement en octobre de sept salariés du groupe français AREVA, ont en effet été l'occasion d'une campagne mondiale alamiste contre les risques que font peser les groupes terroristes d'AQMI. Ces risques sont réels mais ils sont délibérément surévalués par les gouvernements et les médias occidentaux dans le but de faire pression sur l'Afrique pour qu'elle accepte une base militaire sur son territoire. Ce qui est en jeu c'est le contrôle des richesses que renferme le sous-sol de l'Afrique et qui attisent la convoitise des grands groupes industriels mondiaux.

L'Algérie refuse, à juste titre, une telle base étrangère et vient de constituer avec le Mali, la Mauritanie et le Niger, un état-major opérationnel commun chargé de coordonner la lutte contre les groupes terroristes sur la bande sahélo-saharienne. "Le problème du Sahara concerne d'abord les pays riverains." déclarait le 8 octobre 2010, dans le journal L'humanité, Amadou Toumam Touré, le Président du Mali. Et il ajoutait: "L'Algérie peut jouer un rôle décisif dans la résolution de cette crise. Ce pays s'est battu avec beaucoup de courage contre les terroristes [...] Sur le plan militaire, les Algériens sont largement mieux équipés que leurs voisins."Et il précisait, dans le même temps, que l'action militaire devait s'accompagner d'une "lutte idéologique avec la promotion d'un autre islam." et de "zones de développement et de paix."

Nous refusons donc de céder au climat de crainte artificiellement entretenu et nous sommes bien décidés à faire cette incursion au Sahara. En tout état de cause, c'est au sud-est riche en hydrocarbures qu'ont eu lieu les enlèvements et non au sud-ouest où nous allons.

En raison du prix du voyage, nous ne sommes cette année que douze personnes dont trois Algériens: Kheltoum, Khemissa et Abederrahman qui a participé à la guerre d'indépendance dans les Cévennes et qui a été emprisonné pour son action. Abderrahman a témoigné avoir assisté à la torture par l'eau et l'électricité pendant son incarcération à Saint Hippolyte du Fort en 1960. Notre groupe comprend cinq enseignants retraités; trois commerçants; un ancien directeur de CAF; une éducatrice spécialisée; un technicien; un architecte en activité ( notre  président). Ce voyage est celui du passage de relais de l'ancien au nouveau président de notre association, Lakdar Qéjiou, afin qu'il fasse la connaissance des nombreux et précieux amis que notre association compte en Algérie.

A notre arrivée, pour la plupart nos voyageurs découvrent l'aéroport Houari Boumedienne qu'ils ne connaissaient pas. Ils sont surpris par son élégance et sa fonctionnalité. Un bus nous attend qui leur permettra une première visite d'Alger. Pour ma part, j'ai rendez-vous à la télévision algérienne avec M. Bennabi, son Directeur des Relations Extérieures que je tiens à remercier pour nous avoir procuré le film Ayrouwen de Brahim Tsaki que nous avons projeté en ouverture du 4e Panorama du Cinéma Algérien à Nîmes. L'immeuble de l'ENTV est situé sur les hauteurs d'Alger, boulevard des Martyrs, pas très loin d'El Biar. C'est un bâtiment des années 50, caractéristique du style de cette époque, en béton, aux lignes sobres presque austères. On distingue encore sur sa façade, les impacts de balles de la guerre d'Indépendance. L'entrée est gardée. Les piétons sont filtrés par un couloir en chicanes. Trois charmantes jeunes filles voilées m'accueillent et m'accompagnent auprès du Directeur. Dans le hall de l'immeuble, je comprends soudain les raisons des mesures de sécurité de l'entrée : tout un mur est tapissé des photos des journalistes de la télévision assassinés pendant la décennie noire. Les journalistes et d'une façon générale les intellectuels ont payé un lourd tribut à la lutte contre le terrorisme islamiste. C'est le cas de Salah Djebaîli, le mari d'Odile notre vice-présidente, abattu sur le campus de l'Université scientifique et technique d'Alger dont il était le recteur.

alger la blancheEn l'absence de M. Bennabi, en mission à Carthage, c'est M. Ahmed Djabri, Directeur adjoint, qui me reçoit dans la très confortable salle du conseil d'administration de la télévision. De ses fenêtres, la vue embrasse l'ensemble de la baie d'Alger. A nos pieds, un îlot de verdure, ce sont les jardins de la Présidence de la République. Tout autour, les cubes des immeubles qui descendent en cascades vers la mer. Le spectacle est grandiose sous la lumière d'automne couleur "de nacre et de perle".

M. Djabri me dit tout l'intérêt qu'il attache à la coopération avec la France et, cadeau inestimable, il me remet douze films en DVD spécialement gravés pour notre Panorama à partir des films de leur cinémathèque. Parmi eux des films d'anthologie comme "Chronique des années de braise", "Le vent des Aurès" ou "L'opium et le bâton"avec Jean-Louis Trintignant.
Je décide de revenir à notre hôtel, rue Lt. Boulhart, à pied. J'aime marcher. C'est le meilleur moyen de "sentir" une ville; d'accumuler mille impressions fugaces. Croiser un regard, s'arrêter pour admirer un détail d'architecture, engager la conversation avec un inconnu. Les Algériens adorent parler et vous invitent parfois chez eux alors qu'ils ne vous connaissaient pas cinq minutes plus tôt. Tout le monde sait que je n'ai pas le sens de l'orientation. Je pars donc au hasard en me dirigeant toutefois vers la mer. Je passe devant le Musée du Bardo, puis j'oblique vers le Musée National des Antiquités, mais j'avais oublié qu'Alger change quatre fois de saisons dans une même journée. La pluie se met à tomber. Je ne suis pas seul, les piétons sont nombreux qui empruntent, comme moi, les trottoirs en essayant d'éviter les éclaboussures des voitures. Gentiment, dans une échoppe, on me renseigne sur le chemin que je dois prendre. Je traverse des quartiers aux rues étroites bordées de maisons basses. Certaines sont précédées d'un jardinet envahi par l'herbe et clôt par une grille. En retrait, des immeubles à étages disposés dans un désordre plein de charme et dont les toits qui se chevauchent jouent à cache- cache avec le ciel comme dans un tableau d'Aksouh. Sous la pluie, la ville blanche et bleue est plutôt grise. Aux fenêtres pourtant du linge étendu met une note de couleur et témoigne de la vie de ces quartiers. Ah ! Les rues d'Alger où flotte l'âme des martyrs de la guerre d'Indépendance qui leur ont donné leurs noms ! Avenue Ben M'hidi...Rue Didouche Mourad...Ville doublement meurtrie qui paya chèrement son indépendance et sombra durant "la décennie de sang" dans une nuit tragique. Les rues d'Alger, alors désertées d'une partie de leurs habitants retentissaient du cri des égorgés. Beaucoup cependant refusèrent de céder à la terreur et restèrent sur place. Peuple courage qui ne plia ni devant les paras de Massu, ni devant les "Afgans" qui défilaient sur ses boulevards. Alger reconquise enfin, dont les familles n'hésitent plus à sortir le soir et dont les enfants ont recommencé à jouer aux billes sur les trottoirs...J'aime cette ville !

Ce soir, nous recevons à souper le Sénateur Mostepha Boudina, Président de l'Association Nationale des Anciens Condamnées à Mort; MM. Arbadji Mahmoud et Khazmat Belkacem, responsables des anciens moudjahidin de la daïra de Bab El Oued ainsi que nos très chers amis Tahar El Hocine et Félix Colozzi qui nous ont organisé la journée commémorative du 1er novembre 1954.

 

Mardi 26 octobre

 

Nous n'avions pas rencontré les syndicats "autonomes" depuis 2007. Au cours de ces trois années et notamment au début de 2010, des luttes importantes se sont déroulées auxquelles ils ont pris une part décisive.

En janvier, les 7 500 salariés d'Arcelor-Mittal (Annaba) ont fait grève pour de meilleurs salaires et le maintien de l'emploi. Ce fut aussi le cas de 5 000 salariés de la Société Nationale des Véhicules Industriels, la SNVI (Rouiba) et de Africaner (Jihel). En janvier, février, mars, les enseignants et les travailleurs de l'Education Nationale ont fait grève pendant quinze jours. Mentionnons également les lycéens, les conducteurs de trains d'Alger, les communaux..

Pour comprendre cette situation, voici quelques chiffres qui permettent de mesurer le niveau de vie. Le SMIC mensuel algérien est de 150 € (15 000 dinars). Le SMIC français est de 1 343 €. Comparons quelques prix au kilo relevés à peu près à la même date dans la presse algérienne et aux Halles de Nîmes :

 

                                            Algérie                                      France

 

Haricots verts/ ...140 DA (1,40 €)....................................5,80 €

Navets/... ................80 DA (0,80 €)....................................1,95 €  

Carottes /................80 DA (0,80 €)....................................1,00 €

Tomates/..... ...80/100 DA (0,80/1,00 €)...........................2,50 €    

Pommes de terre/.....40/50 DA (0,40/0,50 €).................1,00 €

Oignons/.............. .. 40 DA (0,40 €)....................................0,90 €

Ai/........................ ... 600 DA (6,00 €)...................................5,80 €

Bananes/............. . 120 DA (1,20 €)...................................1,49 €

Clémentines/....  60/150 DA (0,60/1,50 €)......................2,50/3,50 €   

Pommes/.....  80/140/160/180DA(1,80€)..........................1,49 €                                                                           

Viande rouge fraîche/.......650/750 DA (6,50/7,50 €)...27,95 €

Mouton/.......... 900/950 DA (9,00/9,50 €) .......................18,13 €

Viande congelée Brésil/.....600 DA (6,00 €)

Poulet.......................360 DA (3,60 €)...................................7,50 €

 

Ainsi pour des salaires 9 fois inférieurs à ceux de la France, les prix  ne sont en général inférieurs que de 2 à 3 fois. Les pommes de terre, les pommes, les bananes, l'ail sont particulièrement chers.

Les enseignants présents font également mention de la cherté des loyers et des difficultés scolaires avec 42 à 44 élèves par classe élémentaire, alors que des écoles privées sont ouvertes pour les familles aisées comme le Lycée international de Ben Aknoun. Tous évoquent la répression que subissent les travailleurs en lutte au nom de l'état d'urgence maintenu depuis 1992, alors que ces actions ne constituent pas des menaces terroristes.

Nos interlocuteurs - et cela est nouveau depuis nos précédentes rencontres - manifestent un souci d'union et une volonté de rassemblerment des divers acteurs de ces mouvements. Cela m'a d'autant plus frappé que, dans le même temps, les formations politiques algériennes sont en proie à des divisions internes et elles sont profondément divisées entre elles. La presse fait état des évolutions du mouvement ouvrier en Algérie: dans les années 70/80, les revendications manquaient de précision. Depuis, la classe ouvrière a gagné en expérience, "ses revendications sont claires, concrètes et écrites." et elle obtient des succès comme le reconnaissent certains journaux d'opposition. Dans l'éditorial d'Alger Républicain de septembre 2010, signé de son directeur Zoheir Bessa, on peut lire :

"...malgré sa nature de classe, le pouvoir est obligé depuis un an de procéder à une certaine révision de sa politique économique et sociale. De nombreuses mesures constituent une certaine inflexion par rapport aux dogmes ultra libéraux qui avaient marqué les choix du régime depuis une quinzaine d'années. Des entreprises stratégiques livrées à elles-mêmes (SNVI, SNTF ou SONATRO par exemple) bénéficient depuis peu d'un soutien financier des pouvoirs publics [...] Les salaires de larges secteurs de fonctionnaires et de travailleurs ont été augmentés à la suite de grandes grèves [...] La hausse des prix des produits alimentaires de base ne connait pas de répit [...] La construction de logements pour les moins nantis jouit d'une certaine attention. Des projets tendent à réhabiliter les transports publics des grandes villes..."

Comme je l'avais promis à des amis de Montpellier, j'interroge les syndicalistes enseignants au sujet de la circulaire du 18 mai 2010 qui subordonne la participation des enseignants chercheurs aux colloques hors d'Algérie, à une autorisation préalable des chefs d'établissements qui sont eux-mêmes tenus d'en informer le ministre dans "le cas de participation à des manifestations pouvant revêtir un caractère sensible afin de se prononcer sur l'opportunité et d'organiser la concertation avec le Ministre des Affaires Etrangères." Il  semblerait que cette circulaire ait vu le jour à la suite d'un colloque au Maroc où le Front Polisario a été critiqué. On sait combien la question du Sahara Occidental qui revendique son autodétermination refusée par le Maroc et soutenue par l'ONU est sensible. Une pétition relayée par El Watan contre cette circulaire a rencontré un certain écho à l'Université de Montpellier. Nos interlocuteurs sont divisés à ce sujet. Les uns ont signé la pétition en considérant la circulaire comme une atteinte à la liberté de recherche et d'échanges entre chercheurs. D'autres ont refusé de la signer  car,  selon eux, la prise en charge des frais de déplacement nécessite effectivement une autorisation de l'administration. En fait la référence à "l'opportunité" de ces déplacements plaçait la question sur un terrain politique et non sur le plan administratif. Lors d'un point de presse, le 8 août  dernier, le ministre parait être revenu sur le contenu de cette circulaire dont il a nié le caractère liberticide et discriminatoire à l'égard des chercheurs en sciences sociales comme cela lui avait été reproché.

Je profite de cette rencontre pour demander l'opinion des militants présents sur le danger islamiste et la situation au Sahel. Ils partagent mon opinion quant à l'attitude de l'Algérie à propos du projet de commandement régional américain en Afrique (Africom) et ils ont également noté l'opinion de M. Medelci, le Ministre des Affaires Etrangères sur la nécessité d'accompagner l'action militaire contre le terrorisme de mesures permettant d'améliorer la situation économique et sociale. Certains d'entre eux continuent de penser que le danger islamiste est toujours présent et qu'un travail souterrain se poursuit dans les mosquées.

 

Mercredi 27 octobre

 

DJAZAÏR 2010 158Nous sommes à Bechar. La nuit a été courte. Notre avion avait deux heures de retard. Nous nous sommes endormis vers quatre heures du matin. De la fenêtre grillagée de ma chambre, au rez de chaussée de l'hôtel, j'aperçois des eucalyptus et, curieusement, des roseaux sur un sol sec et craquelé. L'hôtel Antar, construit par l'architecte Pouillon dans les années 70, s'inspire du style des constructions sahariennes traditionnelles avec ses mosaïques et sa tour carrée qui évoque un minaret. L'intérieur a vieilli. l'Etat algérien a récemment lancé un programme de rénovation de l'hôtellerie. Cela s'imposait. Que l'on me permette cependant de souhaiter que l'Algérie ne cède pas à la mode du "tout tourisme"  et qu'elle préserve l'originalité de son territoire.

Nous effectuons une visite rapide de Bechar avant de prendre la route pou Taghit. La ville compte quelque 170 000 habitants. Ancienne base militaire française de lancement de fusées jusqu'en 1967, elle est aujourd'hui encore le siège d'une importante région militaire à 80 km. de la frontière du Maroc. Cette frontière est fermée en raison des différends graves entre les deux pays. Près d'ici, le 28 novembre 1947, l'avion qui transportait le Général Leclerc fut pris dans une tempête de sable. Il n'y eu aucun survivant. L'armée continue d'être la principale ressource de Bechar (ex-Colomb)

En ce matin d'octobre nulle tempête ne nous menace. La température est douce. Nous partons en direction du sud. La route parfaitement goudronnée traverse la vallée aride et plate de la Saoura. De loin en loin, des pylônes de télécommunication émergent du sol caillouteux. En bordure de la route et cela nous surprend, des parcelles de terrain sont cultivées et des plantations récentes d'arbres fruitiers ont été réalisées. Mais bientôt le paysage devient plus accidenté. Aussi loin que porte notre regard nous ne percevons plus aucun signe de vie, si ce n'est quelques rares arbustes rabougris. Des masses rocheuses profondément ravinées parsèment cet environnement inhospitalier. C'est cela le désert, terre de désolation tellement éloignée des chromos des agences de tourisme. Ici l'été, la chaleur fait exploser les pierres. Le temps parait suspendu. Pour nous distraire, notre chauffeur nous met de la musique. La voix ardente de Cherif Kheddam s'élève rythmée par les percussions. Les larmes nous viennent aux yeux en écoutant la musique et les paroles de l'dzayer reprises à l'unisson par les choeurs féminins:

                    

                                                Mon frère maintenant la main dans la main

                                                Construisons notre avenir

                                                Nous avons tiré les leçons du passé

                                                Personne ne les oubliera

                                                Désormais le fardeau s'allègera

                                                 L'histoire nous le dira.

 

Cette mélodie qui a été écrite et composée en 1961 à la veille de l'Indépendance va nous accompagner tout au long de ce voyage.

Quand nous nous arrêtons et que nous decendons du car, un sentiment oppressant de solitude nous étreint. Pas un bruit. Pas un chant d'oiseau. Rien que le silence. Parfois pourtant nous croisons un camion, rencontre insolite dans ces espaces infinis. Des lacs pleins de promesses miroitent à l'horizon, que nous poursuivons sans jamais les atteindre. Mirages ! Reflets incandescents de la lumière sur le miroir du sable. Les kilomètres succèdent aux kilomètres et le ruban de la route qui se déroule semble devoir ne jamais finir.

 

                                                   Mon frère avec ta force

                                                   Et la mienne travaillons

                                                   Puisque ton étendard est levé

                                                   Tu es pareil au lion en tous lieux

                                                   Marche donc la tête haute

                                                   Nous avons atteint notre but

 

DJAZAÏR 2010 167Notre route longe de sombres barres rocheuses. La musique s'accélère, les battements s'emballent, le chant que souligne le luth du poète se fait plus pressant.

                            

 

                           

                                      

 


 

 

 

 

 

 

 

 

                                                      Ah ! Goûter enfin à la saveur de la vie

                                                      Nous avions perdu jusqu'à son goût

                                                      Maintenant tout est charme

                                                      Le soleil brille sur elle [l'Algérie]

                                                      Tous la regardent avec espoir

                                                       Elle rendra le bien à ses enfants.

 

DJAZAÏR 2010 165Apparaissent alors à nos yeux éblouis, les vagues dorées, sculptées par le vent du Grand Erg dont les ondulations s'étendent sur 600 kilomètres jusqu'à Ghardaïa. A ses pieds, le vert de l'oasis et l'ocre du ksar de Taghit. Nous croyons déjà deviner les notes cristallines des sources qui arrosent les touffes de bougainvillées. Contraste saisissant entre l'inhumanité du désert et la douceur de cette source de vie.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

                                                         Soyez heureux petits et grands

                                                          Pour le bonheur de la patrie

                                                          Oubliez le dur passé    

                                                          Levez-vous pour bâtir

                                                          Prenez avec joie

                                                          Le bonheur qui vient à elle.

 

DJAZAÏR 2010 169Taghit ! La ville nouvelle est au pied de la grande dune qui culmine à 100 m. Nous avons rendez-vous avec le Président (Maire) de l'Assemblée Populaire Communale (APC) située sur une jolie placette moderne décorée d'une amphore monumentale et agrémentée de fleurs. M.  Mohammed Nadour,  (le Roi Noir),  est un homme remarquable. Jeune, c'est un athlète qui pratique avec bonheur plusieurs sports. C'est aussi un artiste, acteur, réalisateur de films et dialoguiste. Il nous reçoit gentiment bien qu'il attende pour le lendemain la visite du Président de la République,  M. Abdelaziz Bouteflika. Nous lui demandons de transmettre à celui-ci nos respectueuses salutations ainsi qu'à M. Ouyahia, le Premier Ministre RND, le parti auquel appartient M. Nadour. Nous sommes enchantés de cette rencontre qui ne sera pas sans lendemains.

 

 

 

DJAZAÏR 2010 171La visite du ksar nous plonge ensuite dans le Sahara du IXe siècle: le siècle de la conquête de la Sicile par les Arabes et de la création d'Alger... Le ksar était une citée fortifiée entourée d'un rempart crenelé. On y pénètre par une porte majestueuse. De nombreuses habitations sont en ruine, mais certaines - ce n'est semble-t-il qu'un début - ont été rénovées et sont habitées. Au centre se trouve la mosquée qui était à la fois lieu de prière et de réunion des croyants. Tout près, la place où se tenait l'assemblée des habitants, la djemaa, pour la gestion des affaires de la cité, sous l'autorité des sages choisis pour leur expérience parmi les anciens. Proximité symbolique de la séparation des pouvoirs civils et religieux. Bâties en terre rouge à laquelle étaient incorporées des feuilles de palmier broyées, les constructions du ksar, de part et d'autre de ruelles étroites, sont conçues pour se protéger de la chaleur le jour et du froid la nuit. Peu ou pas d'ouvertures vers l'extérieur. A l'intérieur, les différentes pièces s'emboitent à différents niveaux et l'on y accède en montant ou en descendant quelques marches. De la terrasse qui domine le ksar et l'oasis, le regard porte loin. Ce n'est plus le style des habitations du nord. Nous sommes déjà au coeur de l'Afrique, plus proches du Mali et de la Mauritanie que du Maghreb.

 

 

Gravures rupestresGravures rupestres 2Après cette incursion dans l'Algérie ancienne, nous plongeons dans l'Algérie des origines. A l'époque du néolithique, de la pierre polie. Le Sahara était alors traversé de rivières et parsemé de lacs et de pâturages où vivaient hommes et bêtes. La barre rocheuse qui borde l'oued vers lequel nous nous dirigeons à une vingtaine de kilomètres de Taghit, en garde le témoignage grâce à des gravures rupestres vieilles de 7 000 ans. La piste que nous empruntons est elle-même bordée de vestiges d'habitations troglodytiques récentes.

On a du mal à se représenter le Sahara habité à l'époque du retour des pluies qui connut son apogée autour de 8 000 avant notre ère et qui sera suivie, vers 2 500, de la sécheresse que nous connaissons aujourd'hui. On sait désormais que les gravures sur pierre, stylisées mais d'une grande vérité, étaient réalisées par des artistes d'une grande maîtrise. La visite est un peu sportive. Nous allons de rocher en rocher dont les parties plates ont servi de supports à tout un bestiaire : antilopes, gazelles, troupeaux de bovidés, hyène, autruche, serpent. Il n'y a ni éléphant, ni lion, ni chevaux. Il n'y a pas d'autre oiseau qu'une autruche. Choix délibéré ou certaines espèces avaient-elles disparu ? Ces gravures dateraient de 5 000 ans avant notre ère. Leur vocation était-elle décorative ou utilitaire ? Devaient-elles favoriser la chasse et la fécondité des troupeaux ? La vache et le serpent étaient-ils destinés à conjurer un danger ou à guérir d'une morsure ? La vérité de ces gravures nous incite à la modestie quant à l'évolution des sociétés.

DJAZAÏR 2010 180Le soleil décline à l'horizon quand nous prenons le chemin du retour. Le spectacle est féérique. Au premier plan, l'ombre déjà recouvre le sable et les rochers. Les dunes, au second plan, sont encore inondées de soleil tandis que dans le lointain surgit une pointe noire comme un diamant.

A l'opposé du sentiment oppressant éprouvé ce matin au cours de la traversée des espaces désertiques, une grande sérénité, en cet instant nous pénètre.

Nous couchons ce soir à Beni Abbes.

 


 

 

 

 

 

 

Jeudi 28 octobre

 

DJAZAÏR 2010 181Il est cinq heures du matin. La terrasse de ma chambre domine Beni Abbes encore enveloppée de nuit. Les yeux embrumés de sommeil, nous prenons la direction de la grande dune. Nous attaquons la montée en suivant la ligne de crête. Nous cheminons en file indienne, suspendus entre ciel et terre. Les étoiles sur nos têtes brillent d'un vif éclat. Le sable, d'une extraordinaire finesse, cède sous nos pas et rend la marche difficile. A mesure que nous montons, la pente, lisse de part et d'autre est impressionnante. Il nous faudra une demi-heure pour atteindre le sommet si étroit que nous aurons du mal à nous faire une place. Nous craignons de glisser et d'être entraînés sur la pente dans une chute sans fin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DJAZAÏR 2010 185DJAZAÏR 2010 186

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous parvenons enfin à nous installer et le silence s'impose à nous en ces minutes qui précèdent le jour.. L'horizon s'éclaire lentement. L'ombre qui creuse les plis des dunes recule. Les étoiles, les unes après les autres, disparaissent. La clarté lointaine se fait plus vive. Les ondulations du sable évoluent sous nos yeux de minute en minute. L'ocre se transforme en or. Les ombres blêmissent. Le soleil soudain nous inonde et fait chanter le sable orangé. C'est l'heure de la prière pour Keltoum et Abderrahman qui laissent couler une larme à la pensée de l'absent. C'est aussi pour nous incroyants l'heure du recueillement et de la méditation; la communion des âmes. Instants magiques dans cet environnement minéral.

DJAZAÏR 2010 178La visite de Beni Abbes ensuite nous apparaîtra bien banale. D'autant que la palmeraie - qui a la réputation d'être la plus belle du Sahara - est négligée. L'antique et ingénieux système d'irrigation qui cependant existe toujours n'est pas utilisé et les palmiers malades ne sont pas soignés. Les dattes de cette région, nous dit-on, ne sont plus économiquement rentables.

Nous faisons une halte au premier ermitage créé par le Père Charles de Foucault avant qu'il ne parte dans le Hoggar. La chapelle, très modeste, au sol recouvert de gravier, est décorée de tableaux naïfs des Saints. Le cruxifix est constitué de deux simples branches liées entre elles. Charles de Foucault qui a été béatifié en 2005 est issu d'une famille aisée. Après sa formation à Saint-Cyr, il entame une carrière militaire. Il quitte l'armée en 1881 et il prononce ses voeus monastiques après une retraite à Notre Dame des Neiges (que nous connaissons bien dans notre région) et un périple en Syrie. Ami du Général Laperrine, "le pacificateur du Sahara" il fait partie de cette génération qui se sentait investie de la mission d'évangéliser "les sauvages" par la parole et le glaive. Il apprend l'arabe. Ce qui est présenté comme une marque d'intérêt portée à ces populations. Intérêt certes car il s'agit d'être entendu afin de les amener à lui, à la vraie religion. Il n'est de Dieu que le sien ! Cette attitude missionnaire me parait bien éloignée de celle de Vatican II. Je le dis au prêtre qui nous reçoit fort gentiment en nous faisant l'honneur de son jardin potager. Je crains de l'avoir blessé...

Notre retour vers Bechar fut l'occasion d'une partie de cache-cache avec la gendarmerie qui tenait absolument à nous escorter sous prétexte d'un danger dans ces régions isolées. J'avais fait part au Consul, avant notre départ, de notre refus d'être escortés. Lorsqu'un danger existe, c'est à nous de décider d'être ou non protégés. Cela avait été le cas en 2007, au lendemain des attentats du 11 avril à Alger. Nous avions alors demandé et obtenu une escorte pour aller à Timgad  et à Batna. Ici et maintenant il n'y a aucun danger. La zone est, c'est vrai, sensible en raison des tensions avec le Maroc et parce que c'est  une zone de passage pour les trafiquants en tous genres. Mais nous ne sommes ni des trafiquants, ni des agents du Maroc...Après de longues discussions, nous avons obtenu de poursuivre seuls notre voyage, mais après quelques minutes un véhicule militaire nous rejoint et nous accompagne...Colère ! Je comprends que les autorités algériennes craignent que nous ayons des ennuis. Mais cet acharnement était d'autant plus incompréhensible que nous n'avions jusqu'alors jamais été escortés même de nuit. Le zèle de subalternes ?

Ce soir nous rentrons à Alger.

 

Vendredi 29 octobre

 

Nous sommes de retour à Alger. Najet Khadda nous reçoit, à nouveau cette année, chez elle dans l'atelier de son mari le grand peintre algérien décédé en 1991. Ce voyage aura été l'occasion de découvrir  ou de redécouvrir divers moments de la création picturale algérienne : le néolithique; l'art gréco-romain; l'art islamique; l'époque de l'ndépendance et la création contemporaine.

Le Musée National des Antiquités est d'une grande richesse. Il dispose d'une importante collection de mosaïques romaines découvertes notamment à Cherchell : "Un cortège marin" (cheval marin, homme vêtu d'un pagne, encadrement de figures géométriques) , ou bien encore ces personnages : homme et son bouclier, chasseur armé d'une lance, Amours et Jupiter; "Océan et Néreïdes" (Neptune, barbe, moustache et chevelure abondante, entouré de quatre naïades nues et de dauphins - Aïn Temouchent); les statues de Demeter et de Neptune...L'aile consacrée aux arts islamiques renferme de merveilleux tapis de prière brodés; des céramiques (Khabia, céramique bleue de Fès); des fusils incrustés d'argent et de corail (Alger 18e siècle); un vase de bain gravé, décoré de palmes et de cyprès; une cafetière en cuivre argenté; une amphore élancée à anse verticale d'une suprême élégance (3e siècle avant notre ère); des plafonds en marqueterie...

ALGERIE 2007 023En réaction à l'orientalisme de la période coloniale, Mohamed Khadda s'abreuve aus sources de l'Algérie ancienne et, dans une oeuvre résolument abstraite (sauf quelques exceptions comme lors de la violente émotion ressentie en apprenant les tortures subies par son ami Bachir Hahj Ali) il s'inspire du graphisme de l'alphabet arabe et des motifs décoratifs de l'art traditionnel. Il fut à l'origine du groupe de peintres que Jean Sénac, le poète assassiné en 1973, baptisa "l'école des signes". "...en chaque toile le Signe surgit sous des slhouettes neuves, en de nouvelles tonalités dramatiques ou tendres [...] C'est en 1954 que Khadda se détache de la figuration.[...] Combien de grands peintres européens, de Matisse à Klee, se sont inspirés d'éléments de l'art arabe, il éprouve le besoin d'en revenir lui-même à ses sources, à l'abstraite stylisation dont le Maghreb, l'Afrique sont depuis des siècles, des millénaires, déjà porteurs." (Michel-Georges Bernard, 1992)

Ses signes brun rouges sur fond jaune; bleus sur gris; ses oliviers; ses pierres et ses algues jaillissent, éclaboussent les murs de chaque pièce. Un bonheur...

Ce fut aussi un bonheur, le moment passé au MAMA. Le bonheur de la découverte des anciennes Galeries Algériennes rénovées. Un univers blanc qui marie le style néo mauresque, le bois brut, le métal et le verre. Un lieu inondé de lumière qui accueille "Le 1er Festival national de la photographie d'art". Sur cinq niveaux, les regards croisés de jeunes photographes algériens sur le Monde (Milan, Shanghaï, les USA...) et de jeunes photographes étrangers sur l'Algérie. J'ai passionnément aimé "Algérie mon amour" de Marine Beckhaüser: visages d'enfants, de jeunes filles voilées, de jeunes désoeuvrés, de vieillards ridés...

Après les années de sang, la création artistique algérienne est foisonnante. Un numéro spécial des Lettres françaises de septembre 2010, en partenariat avec Algérie news(francophone) et Djazaïr news(arabophone) en donne un aperçu. Cela mérite d'être signalé car il n'est pas si courant que la presse française donne une image positive de l'Algérie. Des galeries à Alger, comme la Galerie Issiakhem-Isma, exposent de jeunes créateurs.

Ce soir, Geneviève qui a travaillé sur le Code algérien de la famille, anime la rencontre avec des militantes féministes algériennes. Ce code de la famille adopté le 14 mars 2005 par l'Assemblée Populaire Nationale ne satisfait pas les associations qui luttent pour les droits des femmes. Elles considèrent que les quelques avancées qu'il comporte sont timides (les hommes ne peuvent plus divorcer sans raison; les femmes divorcées ont droit désormais à une pension alimentaire, à un toit et elles peuvent avoir la garde des enfants. Mais l'obligation du tuteur est maintenue pour la femme majeure qui veut se marier; la polygamie (1% de la population) est maintenue mais soumise à conditions; la femme ne peut hériter que de la moitié de la part du mari...) Certaines en demandent l'abrogation en rappelant que l'Indépendance, en 1962, avait octroyé des droits "révolutionnaires" pour les femmes, droits qui ont été remis en cause avec le Code de la famille de 1984. Il reste de cette époque que les femmes, grâce à l'Ecole, sont encore aujourd'hui majoritaires dans l'Enseignement, parmi les médecins et dans la magistrature.

 

Samedi 30 octobre

 

Notre ami, le cinéaste Ghouti Bendedouche nous fait le plaisir de nous accompagner à Cherchell et à Tipaza sur les pas d'Assia Djebar, l'Algérienne de culture française et d'Albert Camus, l'Européen amoureux de l'Algérie...La musique de l'écriture d'Assia Djebar, sa pureté imprégnée des vibrations de l'âme algérienne me touchent profondément. Je suis sensible à ce métissage des cultures. Nul n'a exprimé mieux qu'elle ce double héritage, dans son discours de réception à l'Académie française, le 22 juin 2006:

"Dire, sans grandiloquence, que mon écriture en français est ensemencée par les sons et les rythmes de l'origine[...]mon français doublé par le velours mais aussi les épines des langues autrefois occultées."Triple héritage en fait, "triangle linguistique" auquel elle se réfère : le libyco-berbère, l'arabe et le français, que je retrouve dans chacun de ses livres, La femme sans sépulture, Femmes d'Alger dans leur appartement, Ombre sultane...

Au pied du djebel Chenoua, face à la mer, je lis ces extraits de La femme sans sépulture, évocation romancée de Zoulika, une héroïne de Cherchell qui a réellement existé :

 

      Le récitant

"Un paysan nous accompagna, nous désigna la clairière où Zoulika enchaînée, ainsi que trois autres chefs maquisards, avaient été traînés. Le vieux témoin nous dit :

- Là se trouvait le camion bâché ! De l'autre côté, deux ou trois tanks pleins de soldats. Un officier et des goumiers l'entouraient. Là, dit-il, était arrêté l'hélicoptère. J'entends encore le bruit de son hélice [...] Au maquis ensuite on disait, parait-il : " C'est parce que Zoulika n'a pas parlé, pas un mot, pas un aveu, qu'à la fin après tant de tortures, ils l'ont jetée dans la forêt !" 

      Monologue de Zoulika ( à Mina sa fille, ndlr)

"Quand ils m'ont sortie de la forêt et que j'ai franchi la ligne d'ombre, ce n'est pas le rassemblement de paysans, en large demi-cercle, tout au fond, qui me frappa, juste sous les deux ou trois hélicoptères qui ronronnaient assez bas [...] ce qui me sauta au visage, aux yeux, à tout mon corps épuisé (je ne sentais pas, depuis des jours et des nuits, la fatigue) ce fut la lumière ! [...] Les gardes me cernaient tout au long de ma marche; un brouhaha. Parmi les spectateurs un vieillard bouscula la haie de soldats, réussit à s'approcher de moi et me tirant par le côté, par le pan de laine de ma robe brune, m'appela presque en sanglotant : 

 - Zoulika ! Ô ma hadja !

Il m'ennoblissait. On le repoussa brutalement.

 - Patiente, Ô mon fils, répondis-je.

Je le rajeunissais en retour.

[...] Le camion est bâché. Dans l'hélicoptère où ils vont me hisser, peut-être, oh oui, peut-être qu'ils me laisseront enfin regarder [...] Me laisseront-ils te guetter d'en haut, dans l'hélicoptère qu'ils me préparent, d'où ils menacent de me précipiter juste au-delà du vieux port, telle une figue trop mûre, abandonnée sur un versant de notre montagne ? [...] Ils ricanent pour l'instant, ils hurlent, ils grimacent :

 - Le supplice de l'hélicoptère ou tu parles.

[...] Alors le demi cercle des paysans témoins s'est mis à approcher, d''un mouvement tenace [...] ...une ombre seule emmitouflée et qui soudain, dans un élan, lève le poing de colère. Un bras, un bras nu, noueux, avec deux ou trois bracelets en étain, ou en argent terni qui accrochent les rayons du matin...[...] Ce poing rougi au henné, dressé en menace vers les sous-officiers français ! [...] J'éprouve une bouffée violente de joie...[...] En un éclair je me suis détachée...Je m'adresse au poing encore levé de l'inconnue, de toutes les inconnues, je scrute les visages des vieux figés, tous, je les découvre, baignés de larmes muettes...

 - Pourquoi pleurez-vous, je crie, je déclame avec fureur...[...] Ils doivent se mettre à trois pour me porter de force et m'enfoncer sous la bâche du camion. Ô Mina ma princesse !"

(Zoulika, montée au maquis au printemps 1959 fut portée disparue deux ans plus tard après son arrestation par l'armée française.)

Dans Le blanc de l'Algérie, Assia Djebar évoque la vie et la mort d'autres martyrs de la guerre d'Indépendance, ainsi que le martyre des victimes de la décennie de sang. L'Algérie serait-elle vouée à la mort, au blanc du linceul ? Je comprends et je partage sa douleur devant tant de vies sacrifiées, mais n'y a-t-il pas danger à assimiler les deux situations - celle de la répression coloniale et celle de la terreur intégriste ? La violence n'est pas dans la nature des Algériens. Elle est le produit d'une histoire. Cette horreur légitime de la violence la rapproche de Camus. Camus sensible à la misère des Algériens, dont la série d'articles publiés en 1939 par Alger Républicain, eut un grand retentissement. Camus qui la même année dénonce le sort des ouvriers algériens à Paris et s'élève, en 1945, contre la sanglante répression de Sétif et de Guelma. Camus qui écrivit :"il faut rendre toute justice au peuple...d'Algérie et le libérer du système colonial [...] l'ère du colonialisme est terminée." Mais Camus ne se ralliera jamais à l'idée d'une nation algérienne indépendante et il dénonça la violence exercée par le FLN au même titre que celle du colonialisme français, renvoyant dos à dos l'oppresseur et l'opprimé.On ne trouve pas chez Camus, comme chez Assia Djebar, de pages lyriques  à la mémoire des héros de la guerre d'Indépendance. Il écrivit pourtant L'homme révolté. "La révolte est une des dimensions essentielles de l'homme [...) Pour être, l'homme doit se révolter, mais sa révolte doit respecter la limite qu'elle découvre en elle-même et où les hommes, en se rejoignant, commencent d'être [...] Je me révolte donc nous sommes." Ce qui constitue un appel à la lutte solidaire. 

DJAZAÏR 2010 203J'ai relu récemment la violente polémique qui l'opposa à Sartre et à Francis Jeanson lors de la parution de L'homme révolté et qui entraîna la fin de son amitié avec Sartre. Ils lui reprochèrent sa critique du marxisme et du stalinisme et de ne pas s'inscrire dans l'histoire, dans"le cours du monde". L'histoire ultérieurement, avec l'implosion de l'Union Soviétique, semble lui donner raison. Il n'en demeure pas moins qu'il refusa de s'engager dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie. Révolte et révolution seraient-elles inconciliables ? La Révolution est-elle condamnée à trahir ? Je ne le pense pas. Avait-il la prescience du sort qui attendai t"les siens" en raison du fossé creusé entre la communauté d'origine européenne et l'immense majorité des Algériens ? Sans doute.

 

 

HPIM0204Me dirigeant vers la stèle qui lui est dédiée, face à la mer, je pense au drame qui dut être le sien. Il rêvait d'une"Algérie nouvelle" qui réunirait en son sein des "populations différentes imbriquées sur le même territoire". Rêve généreux mais devenu impossible en raison du refus de la France de faire droit à la légitime aspiration du Peuple algérien à la Liberté. Les Accords d'Evian du 18 mars 1962 permettaient cependant d'envisager cette issue heureuse. Les crimes de l'OAS empêchèrent sa réalisation en ne laissant aux "pieds noirs" qu'une alternative "la valise ou le cercueil".

La lumière oblique d'automne baigne le site de Tipaza. Lorsque nous étions venus en 2007, c'était le printemps. L'éclat vif des fleurs faisait chanter les pierres patinées par le temps. L'automne incite à la rêverie. Une rêverie teintée de mélancolie. Après avoir cheminé sur les dalles du Decumanus maximus et cotoyé le nymphée, l'amphithéatre et les thermes, nous nous asseyons face à la mer dont l'écume vient battre les rochers effrangés.

Ce pays ne peut que susciter un amour violent et je comprends les "pieds noirs" qui n'en sont pas guéris. Quel dommage que la plupart d'entre eux n'aient pas autant aimé les Algériens.

 

Dimanche 31 octobre

AID-NOËL 2009- Midi Libre 265Dernier refuge de Ali la Pointe-Casbah d'Alger

En cette veille du 1er novembre, nous commémorons l'appel de 1954 avec nos amis de la casbah d'Alger. C'est désormais un rituel, nous nous rendons auprès de tous les lieux de mémoire, en particulier au dernier refuge d'Ali la Pointe et à l'école Sarouy où sévissait le lieutenant Schmidt, le futur chef d'état-major des Armées françaises sous Mitterrand. Cette année,  pour la première fois, nous sommes reçus au siège de l'Association Nationale des Anciens Condamnées à mort.El Watan, et ce n'est pa fortuit, a consacré hier deux pleunes pages au livre de Benjamin Stora,Mitterrand et la guerre d'Algérie.Bien évidemment il va en être beaucoup question au cours de notre entrevue avec le Sénateur Boudina, Président de l'association.

M. Boudina est un acteur et  un témoin particulièrement digne d'intérêt. Il a en effet été lui-même condamné à mort. Il relata cette épreuve cruelle dans un livre témoignageRescapé de la guillotine,préfacé par Ali Haroun. Ouivrier à Saint Etienne et adhérent de la CGT, il s'engage très tôt dans les rangs du FLN et devient le responsable d'un groupe de choc. Il est arrêté le 11 octobre 1958. Pendant 18 jours il sera interrogé et torturé. Ecroué à la Maison d'arrêt de Saint Etienne, puis transféré à la prison Saint Paul de Lyon le 30 juin 1959, il est traduit devant le Tribunal militaire le 11 février 1960 et condamné à mort. Il va rester jusqu'en 1962 dans "le couloir de la mort". Il faut s'imaginer les souffrances physiques et morales alors endurées par les condamnés. Chaque soir, se demander si le lendemain ne sera pas le jour fatal. Chaque nuit guetter le bruit des pas des gardiens dans le couloir et trembler en entendant le grincement de la clef dans la serrure...Mais la prison, en l'occurence le Fort Montluc à Lyon, est aussi un lieu de solidarité active, de formation intellectuelle et de lutte. M.Boudina et ses camarades feront notamment vingt jours de grève de la faim en 1961. Amnistié, il sera libéré le 11 mai 1962.

AID-NOËL 2009- Midi Libre 255Le siège de l'association où nous sommes reçus est impressionnant. Dès l'entrée des panneaux rappellent la lutte et les sacrifices des combattants de l'Indépendance : des six "historiques" qui ont lancé l'appel du 1er novembre 1954 (le 31 octobre à minuit), aux héros tombés au combat ou sous les coups de la répression, mais également des survivants comme Annie Steiner avec qui nous avons rendez-vous ce soir à notre hôtel. Le plafond de la grande salle d'exposition est habillé d'un immense drapeau algérien et, au centre, grandeur nature, la reproduction de la guillotine de la prison de Barberousse...Les murs sont entièrement tapissés d'ex-voto comportant la photo et une brève biographie des patriotes algériens condamnées à mort. On mesure alors l'ampleur des sacrifices consentis par le Peuple algérien pour sa liberté et l'on est saisi de vertige à la pensée de toutes ces vies fauchées dans la fleur de l'âge et dont l'Algérie indépendante sera privée. Comment ce Peuple pourrait-il oublier ? Quelle indécence de le lui demander. La France - nous-mêmes - avons une responsabilité majeure pour faire reconnaître officiellement ces crimes.

Nos échanges vont bien évidemment porter sur le livre de Benjamin Stora et sur l'interview que lui-même et François Malye, co-auteur de l'ouvrage ont donnéà El Watan.L'un et l'autre mettent en lumière la responsabilité de François Mitterrand, de février 1956 à mai 1957, alors qu'il était Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, "...numéro deux du gouvernement de Guy Mollet". 45 exécutions capitales ont eu lieu au cours de ces 16 mois, 17 dans le seul mois de février 1957. "...Mitterrand a adopté la ligne dure au sein dugouvernement". Ces exécutions ont eu lieu, pour la plupart, avec son accord. Sa signature figure sur des documents de refus de grâce, comme ont pu le constater les auteurs en consultant l

es archives du Conseil supérieur de la Magistrature et le Registre des grâces. Ce fut le cas pour le communiste Fernand Iveton, sur la tombe de qui nous nous rendons chaque année au Cimetière de Bologhine à Alger. Benjamin Stora et François Malye donnent le chiffre de 222 exécutions capitales pour la durée de la guerre. Le Sénateur Boudina, dansRescapé de la guillotine,rappelle les noms de ces martyrs et donne le décompte suivant: 69 à la prison Serkadji d'Alger; 57 à Constantine; 66 à Oran; 10 à Lyon; 4 à Dijon; 3 à Paris. Ne disposant pas des noms de tous les martyrs, il parvient au total de 209 exécutions, donc un peu moins que Stora. Contrairement à une opinion répandue, les historiens algériens ne sont donc pas portés à l'exagération. La réalité est en elle-même suffisamment terrible. Poursuivons ce macabre décompte. Dans sa thèse qui a servi de base àUne drôle de justice,Sylvie Thénault donne les chiffres suivants: 1415 patriotes ont été condamnés à mort dont 198 ont été exécutés entre le 1er janvier 1955 et le 15 septembre 1961, selon les Archives de l'Armée de terre (ouvr. cité p. 313) et 1329 condamnés dont 155 exécutés entre le 1er janvier 1957 et le 19 mars 1962 selon les archives de la Délégation Générale du Gouvernement (ibidem p. 313) A ce dernier chiffre, il conviendrait d'ajouter ceux de 1955 et de 1956, en sachant que la première exécution eut lieu le 19 juin 1956. M. Boudina mentionne 8 exécutions pour ces deux années et 9 du 15 septembre 1961 au 19 mars 1962, ce qui porte le total à 227 sur 2000 environ condamnations à mort en 7 ans, 4 mois et 18 jours.

Au cours de l'inteview donnée àEl Watan,Benjamin Stora indique: "...plus la répression était féroce, et plus lesentiment national s'ancrait davantage dans la population."La victoire militaire de l'armée coloniale n'était en effet qu'un leurre. Que de souffrances auraient pu être évitées si la France ne s'était pas enfermée dans son entêtement criminel.

Nous ne sortons pas indemne d'un tel entretien...

Un violent orage s'abat sur Alger, mais nous allons malgré tout déposer des fleurs sur la tombe de l'aspirant Henri Maillot au Cimetière d'El Madhania.

 

Lundi 1er novembre

 

Notre séjour se termine. Demain, nous rentrons en France. Chaque voyage nous apporte son lot d'informations et d'impressions neuves. Mais avant de partir, jetons encore un coup d'oeil sur la presse algérienne. Depuis 1990, elle est d'une grande diversité. Plusieurs dizaines de quotidiens francophones et arabophones sont lus chaque jour. Leur ton est souvent abrupt dans la critique comme dans la louange. Leur survol permet d'avoir une idée des préoccupations des Algériens. Voici sur deux jours, le 30 octobre et le 1er novembre, à travers les titres en première page, les principaux sujets traités.

 

                                                          Journaux francophones du 30 octobre

 

EL MOUDJAHID

-Le Président Bouteflika préside l'ouverture de la saison judiciaire 2010/2011 (Le sceau des réformes)

 

EL WATAN

-L'épisode noir de Mitterrand 56-57

-Conférence sur la décolonisation du Sahara Occidental à l'Assemblée Nationale française.

 

L'AUTHENTIQUE

-Bouteflika à l'ouverture de l'année judiciaire (Soutenir toutes les luttes pour le développement)

-Le nouveau code des marchés est entré en vigueur

-Deux années de prison ferme pour deux anciens élus (Akbou)

 

HORIZONS

-Veiller à ce que la loi s'applique à tous et en toutes circonstances

-La femme et la politique

 

LE MAGHREB (Le quotidien de l'économie)

-La lutte contre la corruption est notre première priorité (Directeur Général des Douanes)

-Les soumissionnaires étrangers astreints à investir en Algérie

-Les exportations algériennes ont baissé de 11%

-Les laiteries publiques appelées à produire 50% des besoins

 

LA TRIBUNE

-Le Président Boutaflika a déclaré jeudi :"La justice est le bastion de la démocratie"

-L'argent public sous contrôle

-Abane Ramdane reconquiert sa place dans l'histoire

 

LIBERTE

-Le Président reste muet sur les scandales de corruption

-Les nouvelles mesures pour stoper la crise du lait

-Un ex-trésorier du GIA traîne ses ex-accolytes devant la justice

 

INFOSOIR

-Alerte terroriste mondiale

-65 médecins chinois en Algérie

-Sept nouveaux parking sur Alger (8 placesX7)

-Filière lait: à quand la solution définitive ?

 

LE SOIR

-L'argent du GIA s'invite au tribunal

La situation est grave (au Sahara Occidental) et peut déraper d'un moment à l'autre

-Transports:d'ambitieux projets pour la capitale

 

LE TEMPS

-Construction et acquisition d'un logement : la contribution de l'Etat varie de 400 000 à 700 000 dinars

-Bouteflika: la justice doit jouer son rôle dans l'éradication des fléaux sociaux

-Les "redresseurs" du FLN répondent à Belkhadem (Secrétaire Général du FLN)

 

LE QUOTIDIEN D'ORAN

-Près de 9 000 véhicules envoyés à la casse

-Les musulmans de France répondent à Ben Laden

-Affiches anti-algériennes: deux mois de prison requis contre Le Pen

-Aide au logement, ce qu'il faut savoir

-Marchés publics: un nouveau tour de vis

 

LE JOUR D'ALGERIE

-Les abonnés d'Algérie Télécom crient à l'arnaque

-Bouteflika met en garde contre le crime organisé

-Comptes de la Nation et mécomptes d'un système de gouvernance

-APN, corruption et contrôle de l'argent public

 

LES DEBATS

-Ouyahia a-t-il le choix ?

-Paris cherche à être rassuré

-L'Algérie et sa francophonie, une adhésion qui tarde ?

 

ALGERIE NEWS

-Terzieff-Beggag (l'amour de l'Algérie)

-Code des marchés

-Parc automobile

-2e colloque international Kateb Yacine

 

                                 Journaux francophones du 1er novembre

EL WATAN

-La grande mosquée d'Alger. Un gouffre financier ?

-Au Sahel, narcotrafiquants et terroristes se partagent le terrain

-L'Algérie rachète Djezzy

LIBERTE

-Ouyahia: le régile algérien est uni

LE SOIR

-Des réponses prévisibles (Ouyahia: Djezzy, APN, corruption, Kabylie)

LE QUOTIDIEN D'ORAN

-Les vérités d'Ouyahia

-Etudiante yéménite arrêtée

-Novembre

-Des offres de crédit plus claires

L'EXPRESSION

-Le pouvoir n'est pas en guerre contre la Kabylie

-56 ans après qu'est devenue la Révolution ?

HORIZONS

-La lutte contre la corruption, ce sont des actes (Ouyahia)

-Les enfants de novembre

LA TRIBUNE

-L'Etat va acheter définitivement Djezzy (Ouyahia)

-Terrorisme, drogue, Sahel

-Production laitière: la préférence du secteur public consacrée

LE TEMPS

-Les mises au point d'Ouyahia (corruption, logement, métro, autoroute)

-Novembre, la fin de l'illusion coloniale

-Le no comment de Belkhadem

-Création de 40 000 micro entreprises compromise

 

Ces titres de la presse algérienne témoignent de la vie intense de ce pays grand comme quatre fois la France. Foisonnement fort éloigné de la grisaille et de l'uniformité décrites par la presse française. Et encore ne s'agit-il là que de la presse nationale francophone. De Timimoun à Annaba et de Maghnia à Tamanghaset la diversité est infinie...

Parmi les sujets traités au cours de ces deux seules journées : les commémorations du 1er novembre 1954 bien sûr; mais surtout la construction de logements locatifs ou en accession à la propriété; les problèmes de la filière lait. La lutte contre la corruption occupe une place importante dans les décisions et les déclarations des autorités algériennes et dans les articles des journalistes, ansi que la situation au Sahel et la lutte contre le terrorisme; la situation au Sahara Occidental..

  Il est également souvent question des grands chantiers en cours: l'autoroute est-ouest, les écoles, la grande Mosquée d'Alger qui sera la 3e du monde par sa taille et pour sa capacité...Tout voyageur honnête ne peut que reconnaître que l'Algérie est un immense chantier. Des grues se dressent partout. Les opposants au régime disent que pour autant les problèmes sociaux ne sont pas résolus. Ils reconnaissent cependant que les salaires, encore très bas, augmentent. Etonnant pays qui depuis les années 90 s'est converti à l'économie de marché mais conserve encore maints traits de l'époque du socialisme (étatique) : refusant de se soumettre à tous les diktats du FMI, l'Etat maintient le contrôle des prix sur certains produits de première nécessité; en contradiction avec les dogmes du libéralisme économique, il refuse de privatiser certains secteurs et il vient de s'engager à prendre le contrôle de l'opérateur téléphonique Djezzy; les entreprises étrangères sont désormais contraintes de réinvestir une partie de leurs bénéfices en Algérie, ce qui soulève l'ire de tous les rapaces qui voudraient piller les ressources de l'Algérie et exploiter sa main-d'oeuvre comme au bon vieux temps...

Un rapport récent de la CNUCED qui traite des relations économiques sud-sud, note que les investissements en Afrique (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Egypte, Maroc, Nigéria, Jordanie) des pays émergents et notamment du Brésil, de la Chine, de la Corée du Sud, des Emirats Arabes Unis, de l'Inde et de la Turquie, sont passés de 17,7% en moyenne entre 1995 et 1999 à 20,8% entre 2000 et 2008. Ces relations qui se développent ont l'avantage pour ces pays de les rendre moins dépendants des anciennes puissances coloniales d'Europe et des Etats-Unis. Un autre rapport réalisé par le Forum méditerranéen des Instituts de sciences économiques (FEMISE) pour la " 4e Semaine économique de la Méditerranée" qui vient de se tenir à Marseille, note que les pays du sud de la Méditerranée ont été touchés par la crise "via leur forte dépendance envers les économies développées, elles-mêmes entrées en récession" tout en étant protégés "du fait d'une intégration financière limitée au niveau régional comme au niveau mondial". Il y a là matière à réflexion.

En tout état de cause, si la France veut développer ses relations avec les pays du sud et notamment avec l'Algérie, elle aura intérêt à se situer dans une démarche de co-développement et d'échanges équitables mutuellement avantageux pour nos deux pays. Ce qui n'apparait pas être le cas aujourd'hui.

Les journaux algériens se font largement l'écho des débats qui agitent actuellement le FLN à l'occasion du renouvellement de ses instances locales. Un "mouvement de redressement et de l'authenticité" qui comprend des cadres de haut niveau, accusent Abdelaziz Belkhadem, qui a été élu secrétaire général en 2005 en remplacement de Ali Benflis qui s'était présenté contre Abdelaziz Bouteflika, de vouloir "faire main basse sur le FLN". Dans quels buts ? Les législatives qui auront lieu dans un an et demi ? Les présidentielles qui auront lieu dans trois ans et demi ? D'autres lui reprochent de vouloir "faire du FLN un parti d'affairistes" en "trafiquant les cartes" (En Languedoc-Roussillon cela nous rappelle quelque chose...) D'autres, de copier l'Egypte ou le Soudan. Des sénateurs, des députés, d'anciens ministres participent à cette fronde. A. Belkhadem minimise et se dit assuré du soutien du Président.

AID-NOËL 2009- Midi Libre 260El Watan titre "Le FLN est au bord de l'implosion". Même en faisant la part de l'exagération dont la presse est coutumière, il est évident qu'une lutte est engagée pour le contrôle du vieux parti présidentiel. Au profit de qui ? Dans les conversations des Akgériens il est souvent question de "l'après Bouteflika". Ils en parlent avec une nuance d'inquiétude. En effet, contrairement à l'opinion de la presse française, le Président Bouteflika est populaire en Algérie et en Afrique et les Algériens se demandent qui lui succédera.(Sur la photo ci-jointe, un vestige de l'élection présidentielle de 2009)

Au cours des derniers mois, il a procédé à une série de nominations significatives: le ministre de l'Intérieur a été promu vice-premier ministre; un autre de ses proches, le Général Hamel Abdelghani a été nommé Directeur Général de la Sûreté Nationale...Les révélations de Wikileaks nous apprennent que le Président aurait déclaré aux américains : "ce fut une période difficile [au cours des violences des années 90, ndlr] afin de sauver le pays [...] mais la Constitution a été restaurée [...] la maison est maintenant dans l'ordre [...] je peux vous dire que l'armée obéit aux civils. Il y a une Constitution à laquelle tout le monde obéit." Toujours selon Wikileaks, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à Alger, Robert Ford, estimait que le premier ministre "Ouyahia est la personne la mieux placée pour remplacer Bouteflika". C'était en février 2008. Deux ans se sont écoulés depuis. Mais de fait, les journaux algériens lui donnent largement la parole et publient souvent sa photo.

L'avenir nous dira ce qu'il en est...

 

Après notre retour

 

notredamedafriquealger1L'année 2010 se termine qui aura été riche en évènements et, alors que je relis une dernière fois ces impressions de voyage, nous apprenons que les travaux de rénovation de la Basilique Notre Dame d'Afrique, qui avait beaucoup souffert du séisme de 2003, sont terminés. Ils ont été réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la wilâya d'Alger et financés en grande partie par l'Etat algérien, mais également par la Région Provence Côte d'Azur, la Mairie de Marseille et plusieurs mécènes. L'inauguration a eu lieu le 13 décembre en présence de Michel Vauzelle, Président de la Région PACA; de Jean-Claude Gaudin, Maire de Marseille; du Ministre des Cultes, M. Bouabdellah Ghlamallah et de M. Abdelaziz Belkhadem, Ministre d'Etat, Secrétaire Général du FLN et représentant spécial du Président Bouteflika. Cette présence très remarquée de hautes personnalités de l'Etat est à rapprocher du Colloque organisé les 10 et 11 février dernier à Alger par le Gouvernement algérien sur le thème " auquel avaient été conviés les Eglises chrétiennes qui avaient jugé cette initiative positive.

Ainsi les belles couleurs chaudes de la Basilique rayonnent à nouveau sur la baie d'Alger. C'est une bonne nouvelle, non seulement pour les catholiques, mais également pour tous ceux qui sont attachés à la Liberté.

 

                                                                                                           Nîmes, Montaury, 15 déembre 2010

 

Que Mireille et Michel Berthier trouvent ici le témoignage de ma profonde gratitude pour la relecture attentive de ce texte.


 

 




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