Monsieur KRIM, ses amis eux-mêmes l’appelaient ainsi, en raison du respect que nous lui portions…M. KRIM fut de ces patriotes algériens qui soutinrent d’emblée la Révolution du 1er novembre 1954 rendue inévitable par la cruauté du colonialisme et l’autisme des autorités françaises sourdes aux aspirations légitimes du Peuple algérien à l’Indépendance.
Cela témoignait chez lui d’un profond attachement à son Peuple; d’une soif irrépressible de Liberté et d’une remarquable lucidité politique.
Cette lucidité s’était forgée dans les luttes auxquelles il avait participé comme syndicaliste et militant politique à Maghnia d’abord, en France ensuite où il fut contraint de s’expatrier, comme beaucoup de ses compatriotes, de 1937 à 1940 et à partir de 1946.
Adhérent du PCA, puis du PCF, il fut avec André TOLLET à l’origine de la Commission confédérale nationale des travailleurs nord-africains (comme on disait alors) de la CGT française, qui contribua à une meilleure connaissance, par les ouvriers français, du sort réservé aux travailleurs des pays colonisés du Maghreb.
Après avoir habité Gennevilliers, il vint travailler à Alès, dans le Bassin minier des Cévennes qui, à cette époque, comptait plus de 20000 mineurs dont 3200 mineurs algériens. Cadre à la Sécurité Sociale Minière, il était employé à la Direction de la Caisse Régionale auprès de son Directeur M. Laurent SPADALE qui avait été sous-préfet d’Alès à la Libération.
A ce poste stratégique, militant syndicaliste, il joua un rôle important dans la défense des revendications de ses compatriotes, notamment en faveur du logement des mineurs algériens dont beaucoup étaient parqués dans des baraques en bois .
C’est également à ce poste stratégique, qu’il fut en relation avec les structures de la Fédération de France du FLN dont l’influence devint rapidement prépondérante dans le Bassin, faisant d’Alès un centre important de commandement. Il contribua au succès des grèves décidées par le FLN, particulièrement de la grande grève de huit jours du 28 janvier au 5 février 1957 pour l’Indépendance de l’Algérie et le soutien à l’ALN (Armée de Libération Nationale) à laquelle, selon les Renseignements Généraux, participèrent 91% à 98% des mineurs algériens du Gard.
Arrêté le 6 novembre 1958 par la police française, il fut dirigé sur le camp de L’Ardoise (30) puis interné à Thol dans l’Ain jusqu’en mars 1959. Interdit de séjour dans le Gard, il ne put retrouver sa famille que le 7 mai 1961 mais il fut placé en résidence surveillée jusqu’au 23 mars 1962.
Tel a été, brièvement résumé, l’engagement de ce patriote algérien que le Préfet du Gard de l’époque qualifiait d’ « élément (sic !) évolué et intelligent »
M. Mohammed KRIM contribua à sa place, à l’écriture d’une des pages les plus glorieuses de l’histoire du Peuple algérien.
De son côté et à son insu, son épouse Fatima était également très engagée dans l’action. Elle connaîtra, elle aussi, les affres des interrogatoires et de la prison.
M. KRIM me faisait l’honneur de son amitié . J’ai personnellement toujours été impressionné par son intelligence vive et sa prodigieuse mémoire qui me fut très utile quand j’entrepris mes recherches sur l’odyssée du FLN dans le Gard.
Ses compatriotes lui vouaient une grande admiration et lui témoignaient beaucoup d’affection. Il était également très estimé des mineurs d’origine française, tant il est vrai, comme me le disait récemment à Alger un ancien moudjahid : « Ce n’est pas le Peuple français que nous avons combattu, c’est le colonialisme. »
Bernard DESCHAMPS
M. Mohammed Krim est décédé le 15 décembre 2009