Tumultueuse, rugissante, balayant tout sur son passage, charriant des arbres morts, méconnaissable pendant l’orage, elle a depuis retrouvé son visage paisible. Du Fageas, figure de proue du Mont Liron, au Gardon de Saint-Jean, elle slalome avec un plaisir évident dans les gorges qu’elle a creusées au cours des siècles. Contournant les rochers, les caressant au passage, elle dévale la montagne, à son rythme, en chantonnant. Espiègle, elle franchit d’un bond les murs construits par les hommes pour la ralentir, avant de pénétrer, devant le Moina, dans le tunnel ombragé par les aulnes où sa petite musique fait écho au pépiement des oiseaux. Elle salue, au pied de la Tour de Peyre, les corneilles qui, au milieu des pierres tremblantes, ont pris la place des vigiles qui surveillaient la vallée. Elle serpente en gazouillant parmi les cailloux qui parsèment son lit, en regrettant toutefois la disparition des écrevisses. Elle atteint bientôt Lasalle et le gouffre qui l’été fait la joie des enfants. Surprise, elle écoute avec ravissement les sons mélodieux qui s’échappent de la Filature du Pont de Fer et, pour se faire admirer elle prend son temps dans la traversée des prés. Après Thoiras, elle rejoindra bientôt le Gardon de Saint Jean pour vivre une nouvelle aventure qui la conduira au Rhône, le fleuve-roi, qu’elle saluera de ces mots de Bernard Clavel : « Je te cherche vieux Rhône et te retrouve bien vivant… »
Bernard DESCHAMPS, 27 septembre 2020
(Photo Frédéric Deschamps)