Lundi 29 novembre
10h.24
"Je ne savais pas que j’avais le bec dans l’eau", regrette Mousbila Sankara
L’audition de l’ex ministre de l’Administration du territoire et de la Sécurité du Conseil national de la révolution (CNR), Nongma Ernest Ouédraogo, n’a finalement rien apporté de nouveau à la recherche de la vérité au procès Thomas Sankara et douze autres, ce lundi 29 novembre 2021.
Après lui, c’était au tour de Mousbila Sankara, ambassadeur du Burkina Faso en Libye au moment des faits.
"Je ne peux pas dire grand chose du 15 octobre 1987, parce que je n’étais pas là. J’étais à la 49e session des nations unies à New York. C’est en pleine réunion donc que j’ai appris ce qui se passait au Burkina Faso. Ma délégation et moi, nous nous sommes tout de suite démobilisés. J’ai essayé de joindre le conseil de l’Entente. Et quand j’ai finalement eu Blaise Compaoré, il me dit en larmes : on nous a eu, j’ai été débordé. Ce que je vais te demander c’est de rejoindre ton poste et de nous aider avec du matériel de maintien de l’ordre.", relate-t-il.
Chose qu’il fit avant de se rendre compte qu’il était "berné". "Moi Mousbila, c’est ce qui me fait très mal. Je l’ai cru naïvement et j’ai fait venir du matériel en demandant au Niger et à l’Algérie, de laisser traverser leur espace aérien pour que le Burkina Faso puisse entrer très rapidement en possession du matériel. Je ne savais pas que mon bec était dans l’eau", regrette-il.
Il dit être entré au pays un certain 27 novembre 1987, incarcéré à la gendarmerie, ensuite au conseil de l’Entente du 23 décembre 1989 au 7 avril 1991. "A la gendarmerie, on ne faisait que me frapper. Après quelques mois passés à la gendarmerie, on m’a transféré au conseil de l’Entente. Mon vieux, je peux dire que mon séjour à la gendarmerie, était un séjour dans un hôtel cinq étoiles comparativement au conseil de l’Entente", déclare-t-il avec amertume.
Au conseil de l’Entente, l’ex ambassadeur du Burkina Faso en Libye soutient que les tortures y étaient inhumaines. Parmi eux, se trouvait un détenu en phase terminale du VIH Sida. D’après lui, on le rasait avec une lame et c’est la même lame qui est utilisée pour raser les autres. Lui y compris. Il à même cité le nom de certains de ses bourreaux. Il s’agit entre autres de Boureima Keré, aide de camp de Blaise Compaoré à l’époque, le lieutenant Oumar Traoré et un certain Moumouni Ouédraogo.
La séance du jour à été suspendue au moment où les témoignages de M. Sankara atteignaient sa vitesse de croisière. Le rendez-vous est pris pour demain pour la suite de son témoignage.
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mardi 30 novembre
18h.25
« Ce pourquoi on accuse mon client n’est pas une infraction », déclare Me Yelkouny
Pour Me Yelkouny, avocat du général Diendéré, jusqu’à présent, l’accusation de son client de complicité d’attentat à la sûreté de l’État, est fondée sur le fait qu’il n’aurait rien fait. Alors que, précise-t-il, l’infraction d’attentat à la sûreté de l’État est une infraction d’action ou d’omission qui nécessite que l’accusé ait commis des actions pour parvenir aux résultats du 15 octobre 1987.
Concernant les exécutions de Henri Zongo et de Boukari Jean Baptiste Lingani, là encore il déduit que son client n’était pas membre du tribunal qui a décidé de leur exécution. "Ce n’est donc pas une infraction, car ce pourquoi on accuse mon client n’est pas une infraction", conclut-il.
Le témoin Mousbila Sankara semble pourtant convaincu de ce qu’il a dit à la barre. "La sécurité du président incombait aux éléments dirigés par le général Diendéré. On ne pouvait pas accéder au conseil de l’Entente sans avoir leur code. Si un drame comme celui du 15 octobre 1987 arrive et qu’il n’y a pas eu de rapport pour au moins expliquer les faits, c’est qu’il est le commanditaire. On n’a pas besoin de clerc pour le dire" répète-t-il.
Il en veut pour preuve le fait qu’après ces événements, le chef de la sécurité du conseil de l’Entente est toujours là et des exécutions ont suivi notamment Henri Zongo et Boukari Jean Baptiste Lingani. "Diendéré, même étant dans le rang des accusés, mais quand il lorgne quelqu’un, ce dernier a peur", ajoute-t-il.
Et Me Hervé Kam de la partie civile, de trancher. "Les faits sont têtus. Plus on avance dans le procès, plus on se convainc que le général Diendéré en sait plus que ce qu’il a raconté à la barre. On peut dire maintenant sans risque de nous tromper, que le complot de 20h n’a jamais existé. Il a été inventé de toutes pièces par les commanditaires pour essayer de se laver les mains. Les témoignages de Fidèle Toé, relève-t-il, viennent montrer encore que le coup d’État n’était pas spontané. Il a été préparé", soutient-il.
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19h.
Selon Mousbila Sankara, Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffé
Les témoignages de l’ex ambassadeur du Burkina Faso en Libye, Mousbila Sankara se poursuivent ce mardi 30 novembre 2021, au procès Thomas Sankara et douze de ses compagnons.
Avant de lui passer la parole, le président du Tribunal a rassuré le témoin que ses témoignages hier ont permis de connaître l’ambiance après les évènements du 15 octobre 1987 et surtout de faire une idée de l’ampleur des tortures.
Mousbila Sankara ne voit pas Blaise Compaoré tuer Thomas Sankara pour le pouvoir. Parce que, dit-il, il ne manquait de rien (Blaise Compaoré). Il soutient que Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont bouffé. Il a été pris dans un élan qui l’a dépassé. Les monstres dont il fait allusion, ce sont Hyacinthe Kafando et Gilbert Diendéré. Chacun voulait démontrer qu’il était le plus fidèle des fidèles si bien qu’entre les deux, ça n’allait pas.
De son témoignage, il affirme que le 1er septembre 1987, Blaise Compaoré serait venu à Tripoli, lors d’une fête libyenne dont le Burkina Faso était le pays invité d’honneur. Les deux
(Blaise Compaoré et lui) auraient longuement discuté sur la situation qui prévalait, notamment sur les tracts orduriers qui circulaient.
"Il m’a dit qu’ils ont choisi (Blaise Compaoré et Thomas Sankara) de ne pas en parler pour ne pas donner du crédit à ceux qui l’écrivent. Je devais venir en congés en octobre et que cette occasion serait mise à profit pour faire table rase de tout", aurait promis Blaise Compaoré.
De son analyse, c’est Hyacinthe Kafando qui a perpétré le coup et Blaise Compaoré l’aurait assumé. Pire, ce serait même les évènements à la Brigade d’intervention aero-portée (BIA) de Koudougou, qui auraient sauvé la "peau" de Blaise Compaoré.
"Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando avaient tous eu peur de Gilbert Diendéré. C’est d’ailleurs parce qu’il voyait Gilbert Diendéré monter en puissance, que Hyacinthe Kafando a fui le pays avant de revenir à la faveur de la fameuse journée nationale du pardon", opine-t-il.
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22h07
« J’ai eu au téléphone Thomas Sankara entre 15h55 et 16h », révèle Fidèle Toé
Inspecteur du travail à la retraite, Fidèle Toé a été le ministre du Travail et de la Fonction publique du Conseil national de la révolution (CNR). Il est à la barre ce mardi 30 novembre 2021, pour donner sa version des faits sur les évènements du 15 octobre 1987.
L’ancien ministre de Thomas Sankara soutient de prime abord qu’il ne saurait parler du 15 octobre 1987 sans au préalable évoquer ce qui s’était passé le 14 octobre 1987, lors du conseil des ministres.
"Le 14 octobre, on a eu un conseil des ministres à l’issue duquel j’étais personnellement content parce que je me suis dit que le président (Thomas Sankara) a crevé l’abcès. La création de la Force d’intervention et de transport du ministère de l’administration territoriale et de la sécurité (FITMATS) venait d’être entérinée. Aussi, quand les ministres rangeaient leurs papiers et s’apprêtaient à sortir, Thomas Sankara nous a interpellés en nous demandant pourquoi nous n’avons pas posé de question sur la situation nationale", relate-t-il.
À cet effet, poursuit Fidèle Toé, il nous a rassurés que tout était entré à l’ordre. Thomas Sankara aurait même reconnu ce jour ouvertement qu’il y avait des bisbilles entre eux, et qu’ils s’étaient parlé. Le 15 octobre, au matin, l’ex-camarade d’école primaire de Thomas Sankara, déclare avoir appelé au conseil de l’Entente pour parler avec le président sur certains points concernant son département.
"Sa secrétaire me décroche, me disant que le président était à sa résidence et qu’elle devait le rencontrer (Thomas Sankara) à 10h et allait lui transmettre mes points. Vers 15h55 et 16h, j’ai encore appelé pour savoir ce qu’il en était. C’est là qu’elle m’a passé le président qui me dit de passer à 18h pour qu’on en parle", explique-t-il.
Il aurait passé la nuit du 15 octobre 1987 chez un ami dans le quartier Gounghin et le lendemain, chez un ami nigérien. Le 23 octobre 1987, est la date à laquelle il est arrivé au Ghana. C’était le début de sept ans d’exil qui l’a aussi conduit au Congo.
"Du Ghana, j’ai entendu beaucoup de choses. Les autorités ghanéennes m’ont bien accueilli. Elles m’ont confié qu’elles avaient prévenu Thomas Sankara et lui avaient même préparé une villa pour l’accueillir.", se remémore-t-il.
Faso net