jeudi 2 décembre 2021
14h.35
« J’ai exécuté l’ordre, mais je n’ai pas fait ce qu’on m’a demandé », clarifie l’accusé Tibo Ouédraogo
L’audience de ce jeudi 2 décembre 2021 a repris avec le passage à la barre de l’accusé Tibo Ouédraogo, colonel à la retraite. Ce dernier n’avait pas pu passer pendant l’interrogatoire des accusés, pour cause de convalescence.
Colonel à la retraite, (en service à l’EMC, Escadron motocycliste commando au moment des faits), Tibo Ouédraogo est accusé de "complicité d’attentat à la sûreté de l’État". Il dit ne pas reconnaître les faits à sa charge.
L’accusé explique qu’en cette soirée de jeudi 15 octobre 1987, il se trouvait au MESS des Officiers pour le sport, lorsqu’il a entendu les tirs.
Il empoigne sa moto pour rejoindre le Conseil, via l’axe de la gendarmerie de Paspanga (sise à quelques encablures, côté Ouest de sa destination). Il est arrêté à hauteur de la gendarmerie par des pandores qui l’empêchent de passer. Il va finalement rebrousser chemin pour repartir au MESS des Officiers, d’où il a tenté de joindre le commandant en chef de l’armée, Jean-Baptiste Lingani. « Je l’ai appelé en vain, avec insistance. Plus tard, il m’a rappelé et m’a dit de prendre des gens pour aller à la FIMATS », indique Tibo Ouédraogo.
Il se retrouve donc au Conseil où il embarque en face du domicile de Diendéré avec une dizaine d’éléments pour la FIMATS (Force d’intervention et de transport du ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité), via le marché Sankar-yaaré (accès nord-est de la FIMATS).
« Arrivés à la FIMATS, on a fait des tirs en l’air, mais il n’y a pas eu de réponse », explique Tibo Ouédraogo.
Le maître des lieux, Askia Mohamed Sigué (considéré comme un des inconditionnels de Thomas Sankara) était absent. Tibo Ouédraogo confie avoir ainsi pris le "commandement" de la FIMATS pour l’organisation des patrouilles dans la ville de Ouagadougou.
Il dit ne donc pas comprendre son inculpation pour une mission qu’il a effectuée sous les ordres du haut commandement de l’armée, le commandant Jean-Baptiste Lingani.
Mieux, s’attarde-t-il, « lors de mon passage à la FIMATS, je n’ai torturé personne ». L’accusé rappelle que dans l’armée, soit vous exécutez les ordres soit on vous fait. En clair, il pouvait être exécuté, s’il refusait la mission à lui confiée, précise M. Ouédraogo.
« Je n’étais pas tranquille, parce qu’on m’a dit d’aller neutraliser la FIMATS et moi, je suis allé pacifier », clarifie Tibo Ouédraogo, pour qui, "neutraliser" implique "rendre inopérationnelle". De façon claire, apprend-il, neutraliser signifie arrêter, emprisonner. C’est une action qui peut aussi englober la tuerie. « J’ai exécuté l’ordre, mais je n’ai pas fait ce qu’on m’a demandé », distingue Tibo Ouédraogo.
O.L.
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21h.30
Quand le tribunal cherche à savoir si en 1987, il existait le téléphone-portable
Le téléphone-portable existait-il en 1987 ? C’est une préoccupation suscitée ce jeudi 2 décembre 2021 devant le tribunal militaire par la déposition de l’accusé Tibo Ouédraogo.
En effet, durant sa reconstitution des faits, et par ses réponses aux questions d’éclaircissements des parties, l’accusé Tibo Ouédraogo est revenu sur ces coups de fil qu’il a donnés en cette soirée du 15 octobre 87. Il s’agissait pour lui, du MESS des Officiers où il se trouvait, de joindre d’abord le commandant en chef de l’armée, Jean-Baptiste Lingani, pour savoir la conduite à tenir face à la situation.
Puis, à charge de lui, et sur ordre du chef Lingani, de constituer une équipe pour aller neutraliser la FIMATS (Force d’intervention et de transport du ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité). Tibo Ouédraogo dit avoir donc appelé les éléments pour un regroupement au conseil, d’où il a embarqué avec une dizaine de soldats pour la mission à la FIMATS (sise actuelle Ecole nationale de la Police).
Comment l’accusé a-t-il pu faire pour joindre tous ces éléments, alors qu’il n’était pas en service au MESS des Officiers (il était à Pô, d’où il est arrivé le 14 octobre 1987) ? De quel genre de téléphone disposait-il ? A cette curiosité poussée par le Parquet militaire, l’accusé répond qu’il avait un téléphone-portable.
En 87 y-avait-il un téléphone-portable ? Relance le Parquet.
« Il y avait téléphone-portable », rassure l’accusé.
"Euh !, c’était quelle marque ?", s’écrie le président du tribunal.
« Ericsson. C’était un gros comme ça », décrit l’accusé Tibo Ouédraogo dans une assistance qui a pouffé de rires.
« Ok, nous allons vérifier ça avec les gens de votre génération », tranche, dans une atmosphère comique, le président du tribunal, Urbain Méda.
Plus loin, la partie civile va affirmer qu’il n’existait pas de téléphone-portable en son temps. Elle en veut pour preuve que lors de son passage, le chargé de communication de la présidence du Faso d’alors, Serge Théophile Balima, a expliqué que même au sein de la présidence, ils avaient des problèmes de communication.
Mais l’accusé insiste et croit savoir qu’il y avait un téléphone-portable, même si parfois il semble hésiter entre celui-ci et le « talkie-walkie ».
A côté de ces propos aux relents hilarants, c’est un Tibo Ouédraogo qui a, à travers certains passages de son récit, manifesté sa peine, que le tribunal a écouté toute la matinée (09h à 12 h 56) de ce jeudi.
« Ce que j’ai subi depuis la mort de Sankara, on ne peut pas expliquer », s’est résumé l’accusé, marquant parfois un silence entre les mots et la voix par moment nouée.
« J’ai très, très, très souffert de la mort de Sankara. J’ai trop souffert », s’est, en propos de fin, confié Tibo Ouédraogo avant de se retirer de la barre.
O.L.
Lefaso.net
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22h.40
Quand la venue du Pape Jean-Paul II au Burkina sauve la vie du détenu Tibo Ouédraogo
Comparaissant ce jeudi 2 décembre 2021 pour répondre des charges de complicité d’attentat à la sûreté d’État, dans le coup d’État du 15 octobre 1987, le colonel à la retraite Tibo Ouédraogo a confié que c’est l’annonce de l’arrivée du Pape Jean-Paul II au Burkina, fin janvier 1990, qui a sauvé sa vie.
"Connu" comme n’ayant pas digéré l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons, Tibo Ouédraogo dit avoir subi toutes les souffrances avec le nouveau pouvoir d’alors. "J’étais contre le coup d’État", affirme-t-il.
L’accusé explique que sa position était connue ; ce qui lui a d’ailleurs valu toutes les misères. Ainsi, après sa mission à la FIMATS, il n’a eu aucune promotion, aucune incidence financière, aucune reconnaissance. Pire, il sera porté comme commandant de production de la cinquième région militaire. Un poste qui sera dissout, sans qu’il n’y ait pris fonction.
Il sera finalement arrêté le 24 décembre 1989 par son "meilleur ami" (décédé), alors qu’il préparait sa fête de Noël. Il est accusé de préparer un coup d’État avec Boukari Kaboré dit Le
Lion. "Alors que je ne connaissais même pas Boukari Kaboré", dit l’accusé, qui croit donc savoir que la vraie raison de son arrestation, c’est cette mission à la FIMATS qu’il n’a pas exécutée selon le goût de ceux qui l’ont envoyé.
A cela, s’ajoute son opposition à l’assassinat de Thomas Sankara.
Pendant deux ans, il sera donc emprisonné et torturé.
" Un prisonnier politique n’est pas menotté dans sa prison. Mais moi, j’ai été menotté pendant deux ans. Heureusement que c’était de devant, je me débrouillais pour manger", décrit Tibo Ouédraogo. Ce dernier explique que lui et ses co-détenus doivent leur vie à l’annonce de l’arrivée du Pape Jean-Paul II au Burkina. "Le Pape a dit que beaucoup de sang a versé au Burkina et que si le sang versait encore, il n’allait plus venir", fait savoir Tibo Ouédraogo. Un avertissement qui a été salvateur pour lui et bien d’autres.
O.L.
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22h.45
Mme Naoura Kationga Thérèse enfonce Bossobé Traoré
Mme Naoura Kationga Thérèse était restauratrice au moment des faits dans un quartier de la place à Ouagadougou, ex copine de l’accusé Bossobé Traoré. Elle est passée à la barre en tant que témoin, ce jeudi 2 décembre 2021, pour dire ce qu’elle a vu et entendu avant et après le 15 octobre 87, qui pourrait contribuer à l’avènement de la vérité dans le procès Thomas Sankara et douze autres.
"Je ne sais pas par où commencer. Je ne me rappelle plus très bien mais je sais qu’entre le 11 et le 12 octobre 1987, le sergent Bossobé Traoré (Ndlr, accusé dans le procès Thomas Sankara) est passé me voir à mon restaurant soit disant me dire au-revoir", commence-t-elle sa narration.
"Où on vous amène encore ?, lance-t-elle d’un air étonnée. Et son interlocuteur de répondre que Nabié Nsoni (Ndlr, décédé) lui aurait parlé d’un coup d’État le jeudi 15 octobre 1987, dans la soirée, par conséquent, de ne pas se rendre au conseil de l’Entente pour le sport de masse.
A la question de savoir qui devrait faire ce coup d’État, Bossobé Traoré a répondu avec fermeté et assurance que c’était le capitaine Blaise Compaoré.
Selon le témoignage de dame Kationga, elle aurait demandé au sergent Bossobé, séance tenante, de courir prévenir le capitaine Thomas Sankara. Et lui de lui répondre qu’il était déjà au courant.
Le parquet militaire a, de ce fait, demandé une confrontation entre l’ac