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21 novembre 2021 7 21 /11 /novembre /2021 08:28

Lundi 22 novembre 2021

22hh.25

Patrice Ouédraogo, un ancien agent de renseignement peu bavard

Adjudant-chef de gendarmerie à la retraite et âgé de 70 ans, Patrice Ouédraogo a témoigné, ce lundi 22 novembre 2021 au procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons. Au moment des faits, il était Maréchal des logis en poste au service des renseignements de la gendarmerie nationale.

Avant de déposer, le témoin à l’instar d’autres avant lui, a juré « de parler sans haine, de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité », conformément à l’article 314-29 du code de procédure pénale.

« Le 15 octobre 1987, aux environs de 16h, j’étais à mon lieu de travail non loin du conseil de l’Entente. Vers 16h15, j’étais en train de taper à la machine lorsque j’ai entendu des coups de feu. Je suis sorti pour voir ce qu’il se passait. Et c’est là que j’ai vu des militaires du conseil de l’Entente qui prenaient position tout au long du mur pendant que les tirs continuaient à l’intérieur. Le gendarme qui était de permanence est sorti voir ce qui se passait. Je lui ai dit que cette situation nous dépassait. J’ai pris ma mobylette et je suis allé au commandement de la gendarmerie et j’ai demandé à voir le commandant Ousséni Compaoré. Son cabinet (chef de cabinet) est monté le voir et je lui ai dit qu’il y avait des tirs au conseil de l’Entente », a raconté le témoin.

Il a déclaré qu’après avoir rendu compte (acte qui libère le subordonné, ndlr), il est monté au balcon avec le commandant de la gendarmerie. Et c’est là, qu’ils ont vu la Peugeot 205 de couleur noire du président Thomas Sankara passer devant la gendarmerie en direction du centre-ville. Il n’y avait qu’un chauffeur à bord du véhicule. « Ousséni Compaoré est reparti dans son bureau et nous sommes restés au balcon en train de causer. On était en train de deviner ce qui se passait », a laissé entendre le témoin qui dira qu’un officier (Capitaine Toé) est venu avec trois officiers à la recherche de Ousséni Compaoré. Ils ont été conduits chez son adjoint Moussa Diallo. Il apprendra par la suite que des soldats ont remis une mobylette au commandant de la gendarmerie pour l’aider à prendre la fuite.

Aussitôt la narration des faits terminée, une vive discussion s’engage entre le président de la Chambre de jugement et le témoin lorsque ce dernier déclare qu’en dehors des rumeurs entretenues çà et là, le service de renseignements n’avait pas d’éléments sur la préparation du coup d’État.

-  Donc, on vous a payé pour rien (...) Vous venez de jurer de dire toute la vérité. Dites-nous ce que vous savez.

-  Non. Je n’avais pas de renseignement qu’il y aurait un coup d’État.

-  Voulez-vous faire de la rétention d’informations ?

-  Non. Pour quoi faire ?

-  Donc je note que vous ne savez rien et n’avez aucune information relative au coup d’État d’octobre 1987.

-  Oui.

Et le président de conclure, sur la base des déclarations du témoin, que le service de renseignements n’a pas fonctionné.

Contrairement au juge Urbain Méda, Me Patrice Yaméogo de la partie civile, parviendra à tirer les vers du nez au témoin, après lecture d’un extrait de sa déposition devant le juge d’instruction. « Nous avons enregistré une conversation sur une cassette que nous avons remise au commandant Ousséni Compaoré », avait raconté Patrice Ouédraogo au juge d’instruction. « Pourquoi, interroge l’avocat de la partie civile, suppléant de Me Bénéwendé Sankara ? » Et le témoin de confier que la conversation enregistrée était celle d’une voix européenne qui a appelé Blaise Compaoré pour lui annoncer sa venue au Burkina.

Dans cette conversation, l’interlocuteur européen a émis une inquiétude au regard de la situation délétère au Burkina. Il ne savait pas qui de Thomas Sankara ou Blaise Compaoré, il devait voir une fois au Burkina. Blaise lui a répondu de venir plutôt le voir à son arrivée. Pour Patrice Ouédraogo, c’était suspect. C’est la raison pour laquelle la conservation a été transmise au commandant de la gendarmerie.

Poursuivant son interrogatoire, Me Patrice Yaméogo est revenu sur l’arrestation de Boukary Douamba (témoin dans ce procès) qui était le chef de service de la table d’écoute de la gendarmerie. Pour Patrice Ouédraogo, l’ordre d’arrestation ne pouvait venir que de Jean-Pierre Palm. Il a raconté qu’après le coup d’État, Jean-Pierre Palm est venu dans la salle d’écoute, accompagné d’un Blanc.

Ce dernier aurait traité Boukary Douamba d’homme dangereux et suggéré à Jean-Pierre Palm de le mettre aux arrêts. Ce qui fut fait. Boukary Douamba passera un mois en détention dans la salle C. Appelé pour une confrontation, Jean Pierre Palm est catégorique : il n’a jamais donné l’ordre de le faire arrêter. Aussi, il n’est pas au courant de l’existence d’une salle baptisée « salle C ».

Ajoutons que contrairement à Boukary Douamba qui a déclaré à la barre que le contenu des cassettes d’enregistrements était effacé après renseignement des fiches, Patrice Ouédraogo lui a déclaré que les cassettes étaient plutôt archivées. Ce n’est que quelques jours après les événements du 15 octobre 1987 que leur chef Tibo Georges Kaboré a ordonné que leurs contenus soient effacés afin qu’ils ne tombent pas entre les mains des nouveaux maitres.

À la barre, Patrice Ouédraogo a fait une révélation. Il a déclaré qu’un étudiant a essayé d’attaquer Thomas Sankara, le 2 octobre 1987 à Tenkodogo. Après que les quatre leaders de la révolution ont essayé vainement de trouver un terrain d’entente sur la situation qui prévalait, Thomas Sankara avait décidé de convoquer une réunion dans la soirée du 15 octobre à 20h. « Thomas Sankara n’avait plus confiance en son entourage. Il a demandé que cet entourage soit mis sur écoute quatre, cinq jours avant le coup », a laissé entendre le témoin Patrice Ouédraogo.

Lefaso.net

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22h.30

Les témoins Arsène Yé et Boukary Douamba à la barre

Le bal des témoins entendus dans le cadre du procès Thomas Sankara et douze autres, s’est poursuivi ce lundi 22 novembre 2021 au tribunal militaire. Le capitaine Arsène B. Yé, a poursuivi sa déposition, en répondant aux questions des différents conseils. A sa suite, c’est l’adjudant-chef major de gendarmerie Kuilga Boukary Douamba, chef de service de la table d’écoute au moment des évènements du 15 octobre 1987, qui est venu livrer son témoignage à la barre.

Interrogé par l’avocate de la partie civile Me Anta Guissé, le capitaine Arsène B. Yé a affirmé qu’il était très proche de Thomas Sankara mais échangeait avec Blaise Compaoré. Et lorsque l’avocate lui demande s’il n’avait pas perdu confiance en Blaise Compaoré après l’assassinat de Thomas Sankara, le témoin rétorque qu’on lui avait dit que ce qui était arrivé était un accident.

Aussi, poursuit-il, à la vue de tous les anciens camarades du Conseil national de la révolution (CNR) qui avaient rejoint le Front populaire, il s’est dit pourquoi ne pas continuer avec la nouvelle tête dirigeante qu’il considérait comme une continuité de la révolution. " Je n’ai jamais travaillé en fonction d’une personne mais en fonction de mes convictions politiques. Et tout ce que j’ai fait, c’est pour mon pays et pas pour un homme", précise-t-il.

Arsène B. Yé soutient n’avoir jamais été porte-parole de la coordination du Front populaire

Me Guissé a aussi cité des documents confidentiels des services de renseignement français, dans lesquels il était mentionné que Arsène B. Yé, était le porte-parole de la coordination du Front populaire dès le 16 octobre 1987 et c’est à ce titre qu’il aurait confirmé que Thomas Sankara avait bien été exécuté. A cela, le témoin répond qu’il ne y’avait pas de coordination du Front populaire le 16 octobre 1987, à fortiori un porte-parole. Il dit ne pas non plus avoir souvenance, d’avoir confirmé à qui que ce soit que Thomas Sankara avait été exécuté.

Les documents confidentiels, mentionnent aussi que le médecin militaire faisait partie des proches de Blaise Compaoré qui s’étaient éloignés de Sankara. Celui-ci dit reconnaître avoir occupé des postes avec le Front populaire dirigé par Blaise Compaoré mais sans plus. Avant le 15 octobre 1987, il dit n’avoir pas eu vent de ce que Blaise Compaoré voulait exécuter les leaders de la révolution. Il reconnaît toutefois, que la crise entre Sankara et Compaoré était palpable, mais personne n’imaginait que le dénouement serait un coup d’état sanglant dans lequel le père de la révolution allait être tué.

"Quand tu étais du CNR, tu savais qu’il y’avait une crise, c’est le comment du dénouement que l’on n’a pas vu venir. Il fallait que la crise trouve une solution. Ça aurait pu être une entente, on aurait pu trouver une solution, pas forcément le coup d’état...Quand on disait Sankara, c’était Blaise Compaoré, personne ne pouvait rentrer entre eux. Et personne ne pouvait imaginer cela". Il dit donc avoir été surpris par le coup de force, qui a coûté la vie à Thomas Sankara et douze de ses compagnons.

A la suite du capitaine Arsène B. Yé, c’est le chef de service de la table d’écoute, l’adjudant-chef major de la gendarmerie Kuilga Boukary Douamba, qui a été appelé à la barre. De son récit, on note que le temps a eu raison de plusieurs souvenirs qui auraient pu servir dans le

cadre de ce procès. Il raconte que le jour des évènements du 15 octobre 1987, il est arrivé aux environs de 16h moins à la garnison de la gendarmerie, pour prendre part au sport de masse.

C’est alors qu’il entend des crépitements d’armes vers le conseil. Étant en tenue de sport, il regagne son domicile situé à Tampouy pour se changer et revenir défendre la garnison. À son retour, il constate un dispositif au niveau du pont de Tanghin, avec des militaires aux bérets retournés. Étant dans l’incapacité d’atteindre la caserne, il bifurque dans un six-mètre et passe la nuit dit-il, sous les canaris d’une dolotière. Ce n’est que le lendemain matin, qu’il a pu retourner à son domicile pour se changer et revenir à la caserne. C’est là qu’il apprend le décès de Thomas Sankara. Il joint alors l’Onatel, afin de déconnecter les lignes sous écoutes, puisque selon lui les donneurs d’ordre ne sont plus là.

La table d’écoute n’avait pas d’archives

Selon le témoin Boukary Douamba, lui et ses collègues du service de la table d’écoute, avait pour mission d’écouter les conversations des lignes mises sous écoute, de les retranscrire pour en faire des fiches d’information et ensuite effacer les enregistrements. Les fiches d’informations étaient ensuite transmises au commandant de la gendarmerie Ousseni Compaoré et aucune copie n’était gardée. Il précise que les numéros à mettre sous écoute leur étaient remis sans nom.

C’est à force d’écouter, qu’il reconnaissait souvent les voix des concernés. Et à ce sujet, il affirme avoir reconnu les voix de Jean Pierre Palm et de Blaise Compaoré bien avant le coup de force de Octobre 1987, mais dit ne pas se souvenir de la teneur de leurs conversations. Les propos du témoin, viennent selon le président du tribunal, corroborer le fait que ce n’est pas Jean Pierre Palm, qui aurait fait détruire la table d’écoute.

Boukary Douamba, le seul gendarme du service de la table d’écoute à avoir été arrêté

Dans son récit sur les évènements, le témoin a affirmé que quelques jours après le 15 octobre, des éléments de la gendarmerie sont venus l’escorter arme sous la tempe jusqu’à l’escadron. Il y a trouvé Jean Pierre Palm, Djibril Bassolé et Gaspard Somé. Jean Pierre Palm aurait dit de le mettre dans la salle C et c’est dans cette salle qu’il sera détenu pendant un mois, avant d’être libéré en mi-décembre.

Boukary Douamba soutient que jusqu’à ce jour, il ne sait pas pourquoi il a été arrêté, puisque personne ne lui en a donné la raison. Il dit imaginer, que cela était sûrement lié à la table d’écoute. Pour le président du tribunal, il semble évident que c’est parce que le témoin savait beaucoup de choses, qu’il a paru nécessaire aux hommes forts du moment de l’intimider.

Rappeler à la barre par le président du tribunal pour être confronté aux propos du témoin, Jean Pierre Palm soutient n’avoir jamais donné l’ordre à des éléments de procéder à l’arrestation du chef de service de la table d’écoute. Selon lui, un chef de corps n’envoie pas des éléments arrêter un gendarme, c’est à son supérieur hiérarchique qu’il donne l’information de la sanction du gendarme. Il ajoute également, qu’il n’était pas à l’escadron le jour de l’arrestation de Boukary Douamba avec Djibril Bassolé et Gaspard Somé comme le mentionne le témoin.

"Gaspard et moi c’était chien et chat depuis la mort de Seydou Bancé qui était un grand ami. On ne se fréquentait plus, depuis qu’il était allé tuer Seydou Bancé. Et lorsqu’il venait à la gendarmerie, il se rassurait toujours que je ne sois pas là", explique Jean Pierre Palm. Il ajoute également, qu’il n’y avait pas de salle C au moment des faits à l’escadron de la gendarmerie. Outré par les propos de Jean Pierre Palm, le témoin l’a invité à dire la vérité.

Armelle Ouédraogo

Lefaso.net

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22h.30

Les agents de renseignements traités de « Mounafica »

Sous la révolution burkinabè, Victor Zongo était membre des services de renseignement, affecté au contre-espionnage. Aujourd’hui, adjudant-chef major à la retraite, il est chef d’un village de la commune de Loumbila, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou. Avec pour nom de règne Naaba Sida (la vérité), il a été entendu au procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons en qualité de témoin.

« Le 15 octobre 1987, je suis arrivé au service de renseignement de la gendarmerie. J’ai constaté l’absence du chef de service Tinga Boubacar Kola. Mon collègue Romuald Douamba m’a dit qu’il est allé à la présidence avec une enveloppe sous pli fermé », a déclaré Victor Zongo. Discret en raison de la présence d’autres éléments plus jeunes, son collègue n’en dira pas plus.

Ce n’est que plus tard qu’il lui confiera que Tinga Boubacar Kola devait remettre l’enveloppe en main propre au président Sankara Et celle-ci portait la mention « Dénouement sanglant de la crise ce soir à 15h ». Selon toujours le témoin qui relate les propos de son collègue Romuald Douamba, il y avait, en plus de l’enveloppe, la cassette d’une conversation entre Jean-Pierre Palm et une autre personne.

Lors que les coups de feu ont retenti en ville, le témoin affirme avoir demandé à son collègue de retrouver leur chef et de le mettre en lieu sûr. Rentré chez lui au quartier Dagnoen Victor Zongo dit avoir appris la mort du capitaine Sankara à travers les ondes de Radio France internationale. Ce n’est que le lendemain qu’il s’est rendu au cimetière de Dagnoen avec Romuald Douamba. Là, les deux hommes ont trouvé des buttes de terre, des tiges et des bouts de papiers avec les noms des défunts : Thomas Sankara, Paténéma Soré, etc.

Par la suite, ils iront au service des renseignements où se trouvaient des groupes de personnes. S’ensuivra une rencontre organisée par Jean-Pierre Palm (accusé dans ce procès) et les éléments du renseignement. « À cette réunion, Jean-Pierre Palm a dit “C’est vous les Mounafica (Mauvaises langues, NDLR). C’est à cause de vous que tout cela est arrivé ». Il a dit qu’il va demander à la police d’arrêter un élément et qu’il se trouvait vers l’hôtel Azalai en train de discuter avec des journalistes. Nous avons tous ri dans la salle, car l’élément en question était absent du pays et était en stage à Moscou depuis six mois », a raconté le témoin.

Une deuxième rencontre a été organisée cette fois-ci par le lieutenant Djibril Bassolé. Ce dernier a demandé aux éléments du renseignement, qui avaient cessé toute activité, de reprendre le travail au nom du caractère républicain de la gendarmerie.

Au cours de sa déposition, le témoin a déclaré que Thomas Sankara galvanisait le travail des agents de renseignements qui avaient des conditions de travail difficiles ? « On avait 1 000 Francs de carburant par personne tous les trois mois alors qu’on devait collecter et traiter des informations (...) On a posé les jalons d’un grand service de renseignement. Rien ne pouvait se passer à Ouagadougou à Bobo-Dioulasso sans qu’on soit au courant », a clamé haut et fort Victor Zongo.

Il dit avoir appris plus tard que le président Sankara avait remis un chèque à son chef Tibo Georges Kaboré lorsque celui-ci est allé lui remettre l’enveloppe sous plis fermée pour l’avertir de l’imminence du danger. Ce chèque était destiné au service de renseignement en guise d’encouragement pour le travail abattu. Mais c’est lorsque Tibo Georges Kaboré se rendait au Trésor pour toucher le chèque que les tirs ont retenti en ville.

Le témoin a relaté également à la barre le déroulement d’une mission qu’il a effectué en juin 1987 avec un civil du ministère du Commerce en Côte d’Ivoire. Ils devaient recouper le maximum de renseignements sur la situation au Burkina dans ce pays voisin. Les deux hommes habitaient dans des villes différentes.

Et c’est lors d’une rencontre, qu’ils ont décidé d’infiltrer une mission angolaise à Abidjan. Et selon le témoin, il ressortait des discussions de cette mission que Boukary Kaboré dit le Lion (Commandant du Bataillon d’intervention aéroporté) était capable de faire un coup d’État. « Après le coup d’État, Tibo a dit que ces gens-là nous ont mené en bateau. Au contraire, c’était « Le lion » qui défendait Thomas Sankara », a laissé entendre le témoin.

L’audience a été suspendue et reprendra le mercredi 24 novembre 2021, avec la suite de l’audition de l’accusé.

HFB

Lefaso.net

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