Jeudi 18 novembre 2021
12h.40
« Boukari Kaboré est un piteux menteur », dixit Domba Jean Marc Palm
En l’absence de l’accusé Tibo Ouédraogo, qui a vu son repos médical prolongé, c’est le Pr Domba Jean Marc Palm, qui a ouvert le bal des interrogatoires, en tant que témoin, ce jeudi 18 novembre 2021.
Le Pr Domba Jean Marc Palm est chercheur à la retraite, Président du Haut conseil du dialogue social (HCDS). Au moment des faits, il était membre du Comité central du Conseil national de la révolution (CNR). Il a également été ministre des Relations extérieures après les évènements du 15 octobre 1987, sous le Front populaire.
Il déclare qu’il ne pouvait rien dire des évènements du 15 octobre 1987, parce qu’il était domicilié dans la capitale économique du Burkina Faso (Bobo Dioulasso).
A la barre, il confie tout de même qu’il n’a pas été d’accord avec la déclaration qui a été lue à la radio et l’a fait savoir. "On y traitait Thomas Sankara de misogyne et autres...je ne sais pas qui l’a rédigée mais je n’étais pas d’accord", lance-t-il.
Me Anta Kissé, de la partie civile, a demandé au témoin s’il avait un commentaire particulier sur la déclaration de Boukari Kaboré dit le Lion, disant que c’est lui (Domba Jean Marc Palm) qui était à l’origine des tracts à Bobo Dioulasso.
"C’est faux. Boukari Kaboré est un piteux menteur. Il a inventé cette histoire de toutes pièces. Je rejette totalement cette accusation. Boukari Kaboré est un esprit faible et je trouve écœurante cette attitude", profère-t-il.
L’intervention du président du Tribunal, était à la hauteur du manque de maîtrise du septuagénaire, Domba Jean Marc Palm. Il n’a pas hésité à le ramener à l’ordre.
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15h.56
Drame du 15 octobre 1987 : « Vous me voyez poser la question à Blaise Compaoré ? Je ne suis pas fou », assène Domba Jean-Marc Palm
La liste des témoins des évènements du 15 octobre 1987 s’égrene devant le tribunal militaire avec le passage, ce jeudi 18 novembre 2021, après Pr Basile Guissou, de Domba Jean-Marc Palm, actuel président du Haut Conseil du dialogue social, membre du GCB (Groupe communiste burkinabè) à l’époque des faits.
Pour sa filiation avec un des accusés, Jean-Pierre Palm, son petit-frère, le témoin n’a pas été soumis aux dispositions de l’article 314 du code de procédure pénale, c’est-à-dire la prestation de serment. Domba Jean-Marc Palm est directement passé à sa déposition. Une partie qui va durer moins de cinq minutes.
En effet, dit-il, cette soirée de 15 octobre 87 l’a trouvé à Bobo-Dioulasso. Il enseignait dans la capitale économique (sise à 389 km à l’ouest de la capitale politique, Ouagadougou). L’enseignant-chercheur à la retraite dit qu’il dormait, lorsqu’un de ses collègues, un certain Somé, est venu le réveiller pour dire que ça chauffait à Ouagadougou. Il se lève pour se rendre chez un ami, du nom d’Ahmed Yago. Là, ils vont écouter la radio pour s’informer...
Cet exposé du témoin est suivi d’une série de questions à lui adressées par le président du tribunal. De ses réponses, on retient que Domba Jean-Marc Palm et Thomas Sankara sont "plus ou moins" promotionnaires du Lycée Ouezzin Coulibaly (Bobo-Dioulasso). "Mais il est plus âgé que moi d’une année", précise M. Palm.
Ce dernier était membre du CNR (Conseil national de la Révolution, organe de direction de la Révolution démocratique et populaire) à travers son groupe politique, GCB. Il précise au passage ici que, contrairement à ce que laisse croire une certaine opinion, il n’en était pas le président. L’organisation, le GCB, était dirigée par un directoire de cinq ou six personnes. C’est ainsi qu’il se retrouvait parfois à diriger les instances, si ce n’est Zampaligré ou Issa Dominique Konaté.
Lorsque le président du tribunal lui demande de raconter un peu le fonctionnement du CNR, surtout en ses difficultés, Domba Jean-Marc Palm fait d’abord savoir qu’ils (lui et son groupe) ne l’ont rejoint que quasiment en début 1986.
Les difficultés qu’il a ensuite soulevées se résument aux méthodes de travail de Thomas Sankara (qu’il n’appréciait pas) et la tentative de ce dernier de fédérer tous les groupes en un parti unique. "Le GCB n’était pas d’accord. Nous n’étions pas les seuls à ne pas être d’accord, mais je parle de mon groupe", déclare le témoin.
"Si ce n’est un secret, peut-on savoir pourquoi vous n’étiez pas d’accord ?", creuse le président du tribunal.
"Nous craignions que les organisations ne soient fagocitées", justifie M. Palm. Il précise, à la relance du juge, que l’idée de fédérer les groupes est née vers fin 1986.
Selon Domba Jean-Marc Palm, le débat sur la fédération ne s’est plus poursuivi sous le CNR. Il reviendra après, quand Blaise Compaoré a voulu fonder l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail, créée en 1989, ndlr).
La démarche posait problème et le groupe a également refusé, dit-il. Cependant, précise-t-il que le GCB a continué avec le Front populaire (remplaçant de la révolution, ndlr).
Dans sa réponse aux questions, M. Domba a fait une parenthèse pour relever... : "Contrairement à ce que des gens disent, au CNR, il y avait des discussions. Thomas Sankara acceptait la discussion. Ça, il faut le reconnaître. Après, il faisait la synthèse".
Me Anta Guissé des parties civiles a voulu savoir par exemple, si le témoin a cherché à comprendre auprès de Blaise Compaoré, ce qui s’était passé le 15 octobre 1987.
" Excusez-moi, Me, vous me voyez poser la question à Blaise Compaoré ? Je ne suis pas fou hein !", lâche celui-là qui a été nommé ministre des relations exterieures, dès fin octobre 1987.
Il justifie cette posture par le fait que Blaise Compaoré avait le dernier mot en ce moment.
Si vous ne savez pas ce qui s’est passé, alors que vous êtes ministre en charge de la coopération, quelle version officielle des évènements allez-vous donner (pendant les visites à l’extérieur) ?, titille Me Kissé.
Sur cette question, Domba Jean-Marc Palm apprend qu’il s’agissait pour lui d’expliquer que le 15 octobre est une situation qui a eu un dénouement forcé (une crise mal gérée). Il ajoute que toutes les affaires relatives à la vie nationale n’étaient pas gérées par son département ; la présidence ayant, parallèlement, ses missions. "A ma toute première mission, en mi-décembre 87, en France, il y avait Gabriel Tamini (de la présidence) avec moi. Je le considérais comme un camarade qu’on m’avait collé", décrit-il.
Domba Jean-Marc Palm a, en outre, confié que les déviations de la révolution dont il était question, n’ont jamais été débattues au sein du CNR. Tout comme l’orientation générale du pays.
O.L.
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22h.20
Pr Étienne Traoré sur les pistes d’Abidjan et Lomé
La journée d’audience de ce jeudi 18 novembre 2021 a vu le passage devant le tribunal, du Professeur Étienne Traoré, enseignant d’universités à la retraite.
Après avoir, lui aussi, prêté serment, le témoin Étienne Traoré a livré ce qu’il sait des évènements ayant conduit à l’assassinat du président Thomas Sankara et ses douze compagnons. Sa déposition dure environ dix minutes. Ce qui fait place aux questions des parties, précédées de celles du président du tribunal.
Etienne Traoré déclare que les coups de feu l’ont trouvé en ville, à une station d’essence où il se disposait à prendre du carburant. Il était convoyé par son ami journaliste, un certain Coulibaly. De là, il ne dormira pas chez lui, il continue chez un autre ami où il va passer la nuit.
Le 16 octobre au matin, il se rend chez Blaise Compaoré (à la demande de ce dernier) au Conseil de l’Entente.
Ils entrent dans une salle, à deux. "Blaise Compaoré était en sous-vêtement.
En tout cas, il n’était pas malheureux", décrit-il
Blaise Compaoré lui fit savoir qu’hier (15 octobre, ndlr), il y a eu des évènements et qu’ils se sont tirés dessus". Il lui annonce la mort de Thomas Sankara et de son ami enseignant, Patrice Zagré.
Pr Traoré rapporte que Blaise Compaoré a, en commentaire, déclaré que ce sont des évènements qui arrivent dans tout processus de révolution. Blaise Compaoré va ensuite demander après Kilimité Hien, Madou Traoré et Pierre Ouédraogo. "Je lui ai dit qu’ils devaient mourir aussi, car étant proches de Thomas Sankara", confie Étienne Traoré, marquant son désaccord avec Blaise Compaoré.
Par la suite, et sur insistance de certaines personnes, Étienne Traoré va occuper le poste d’inspecteur général d’État. De par sa rigueur, les mêmes personnes qui l’ont poussé à prendre le poste vont le torpiller auprès de Blaise Compaoré.
C’est ainsi qu’il va, un soir, recevoir la visite de feu Salifou Diallo. Ce dernier lui explique qu’il va être proposé à un autre poste. "Quand j’ai refusé certaines choses avec Blaise Compaoré, ils ont voulu me chasser de l’université (où il enseignait), mais ils n’ont pas pu. (...). J’ai été avec ces gens-là, mais très vite, on s’est séparés et depuis lors, j’ai critiqué le pouvoir jusqu’à sa chute", explique l’ancien leader syndical et membre de l’UCB (l’Union des communistes burkinabè).
Professeur Étienne Traoré dit qu’il a connu Thomas Sankara dans les derniers moments. Il dit avoir été reçu chez lui (Sankara). Puis deux à trois fois dans son bureau, où Sankara lui avait demandé de l’aider en psychologie du droit (psychologie juridique, ndlr). Une autre fois, Sankara a débarqué à la Bourse du travail pendant qu’ils étaient en rencontre.
Il en est de même pour Blaise Compaoré, qui l’a reçu deux ou trois fois, dans le cadre de l’UCB (dont il disait être également membre).
Etienne Traoré a déclaré qu’il croyait vraiment que Thomas Sankara était mort par accident. "Et j’ai effectué des missions pour ça (missions d’explications aux partenaires, ndlr) parce que j’y croyais vraiment", confie-t-il. Il dit également que Blaise Compaoré ne lui avait jamais parlé de difficultés entre lui et Thomas Sankara. "Je croyais que Blaise Compaoré était vraiment un révolutionnaire, je ne savais pas qu’il fréquentait les milieux droitiers", regrette-t-il.
"Ce dont je suis persuadé, c’est que Blaise Compaoré avait son idée en tête, il attendait le moment pour l’exécuter", affirme M. Traoré. Il dit aussi que Blaise Compaoré voulait le pouvoir depuis 1983. Seulement, il savait que s’il le prenait, les autres n’allaient pas le suivre. Il précise que certains de son entourage lui (Blaise Compaoré) demandaient pourquoi faire un coup d’État et laisser le pouvoir à un "non-Mossi".
Dans son élan, et toujours en réponse aux questions, Pr Traoré a indiqué que l’arrivée de Chantal Compaoré a détérioré les relations entre les deux personnalités, Thomas Sankara et Blaise Compaoré.
Selon lui, Félix Houphouët-Boigny (premier président de la Côte d’Ivoire, 1960-1993) qui avait un problème avec la révolution burkinabè avait mis Chantal Compaoré en mission. L’enseignant à la retraite révèle que Blaise Compaoré avait déjà une fiancée. "Ils se sont mariés, Chantal et Blaise, sans enquête de moralité, ce qui n’était pas accepté. Et depuis lors, les relations personnelles entre les deux, Thomas Sankara et Blaise Compaoré, se sont détériorées. Chantal ne s’entendait pas avec Madame Sankara", déballe Pr Étienne Traoré, qui apprend que Sankara a même échappé à un attentat à Abidjan. "Une bombe a sauté dans sa chambre. Heureusement qu’il était sorti", dit-il détenir de sources sûres.
Le témoin a en outre informé qu’un avion était pré-positionné à l’aéroport pour envoyer les auteurs du coup d’État du 15 octobre au Togo, si ça échouait.
Il émet donc l’hypothèse de l’implication de Eyadéma (Gnassingbé Eyadema, président du Togo, 1967-2005) et de Félix Houphouët-Boigny dans le dénouement du 15 octobre 87.
Sur les "tracts orduriers qui insultaient", le témoin affirme que l’auteur était Salifou Diallo. "Il n’est pas là, malheureusement", dit le témoin.
Sur certains aspects, le Procureur miliaire a révélé des incohérences dans la déposition de Pr Étienne Traoré par rapport à ce qu’il a dit devant le juge d’instruction.
Tout en indexant des trous de mémoire, l’enseignant à la retraite dit maintenir, sans enlever une virgule, ce qu’il a dit devant le juge d’instruction.
O.L.
Lefaso.ne
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22h.55
Dr Arsène B. Yé à la barre pour sa version des faits
Arsène B. Yé a remplacé le Pr Étienne Traoré, en tant que témoin pour son témoignage, ce jeudi 18 novembre 2021
Faut-il le rappeler ? Le Dr Arsène B. Yé est médecin militaire, député à l’Assemblée nationale. Au moment des faits, il était le directeur central des services de santé des forces armées.
Au cours de son témoignage, il déclare que le 15 octobre 1987, il était dans son bureau en tenue de sport. Autour de 16h, il reçoit un appel lui disant qu’il y avait des tirs au sein du conseil de l’Entente. Il se serait rendu à son domicile pour enfiler sa tenue militaire, prendre son arme avant de rejoindre le camp Guillaume.
"J’ai demandé à ce qu’on réunisse tous les médecins militaires en cas de besoin. Nous avons attendu toute la nuit. Personne ne nous a fait appel. Le lendemain, c’est à dire, le 16 octobre, je me suis rendu au conseil de l’Entente, on m’a conduit dans une salle où se trouvait Boukari Jean Baptiste Lingani et Henri Zongo. J’ai demandé où était Thomas Sankara ? Le commandant Lingani a jeté un œil sur une photo de Thomas Sankara accrochée au mur et m’a dit...le pauvre", relate-t-il.
C’est en ce moment qu’il aurait compris que le père de la révolution était mort. Quelques instants après, Blaise Compaoré est entré dans la salle et lui aurait dit que c’était une arrestation qui avait mal tourné.
"Je tiens à faire une précision. J’étais très proche de Thomas Sankara, j’étais même son médecin personnel. Si quelqu’un, membre du CNR, dit qu’il ne savait pas qu’il y avait des tensions entre Blaise Compaoré et Thomas Sankara, il ne dit pas la vérité"
De son témoignage, il ressort qu’il a essayé à son niveau de résoudre ces tensions. A cet effet, il confie avoir rencontré individuellement les deux hommes pour en parler. Chacun d’eux l’aurait rassuré qu’il n’en était rien.
Le président du Tribunal a saisi la balle au bond pour lui rappeler une déclaration du colonel à la retraite, Pierre Ouédraogo, alors secrétaire général du Comité de défense de la révolution (CDR).
"Le colonel Pierre Ouédraogo a dit, lors de son témoignage, que c’est toi (Arsène B. Yé), alors qu’il venait pour rencontrer Blaise Compaoré au conseil de l’Entente, qui lui a dit qu’il ne pourrait pas le voir et ajouté qu’il (Pierre Ouédraogo) ne pourrait pas non plus rejoindre son domicile. Et c’était le début de sa détention.
A cela, l’ancien président de l’Assemblée nationale répond que ce n’était pas lui et qu’il n’avait rien à avoir avec l’arrestation de Pierre Ouédraogo. « Peut-être qu’il a raison, à moins que ma mémoire me joue des tours. Mais je vous assure que ce n’était pas moi », ajoute-t-il.
Lefaso.net
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