mardi 23 novembre 2021
20h55
Germaine Pitroipa est très remontée contre Bognessan Yé et Basile Guissou
Les témoins défilent au procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses douze compagnons. Chacun avec sa version des faits, avec la mémoire vive ou encore trouble. Après le passage de Basile Guissou, ancien ministre des relations extérieures et de l’information, et d’Arsène Bognessan Yé, médecin militaire, Germaine Pitroipa semble très remontée avec la version des faits de ses derniers.
Selon elle, les deux hommes faisaient bien partie d’une mission qui devait expliquer à l’Étranger que les événements du 15 octobre 1987 étaient un accident. Aussi, elle relève des contradictions dans les déclarations de Basile Guissou qui aurait affirmé n’avoir pas été torturé par le front populaire alors qu’au procès, il a déclaré tout le contraire. Vidéo.
Le faso.net
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jeudi 25 novembre 2021
15h30
Issa Dominique Konaté explique le mode de fonctionnement du CNR
Deuxième témoin à la barre ce 25 novembre 2021, Issa Dominique Konaté était membre de l’organe dirigeant du Conseil national de la révolution (CNR) pour le compte du groupe communiste burkinabè (GCB). Sa déposition voulue par le parquet, a pour but d’éclairer le tribunal sur le mode de fonctionnement du CNR ainsi que les différentes composantes de l’organe.
Le témoin a laissé entendre que le GCB a intégré l’organe dirigeant du CNR en 1985, et y a trouvé l’organisation militaire de la révolution (OMR) ainsi que l’union des luttes communistes reconstruite (ULC-R). Il affirme que les différentes structures membres du CNR qui constituaient l’organe dirigeant, s’occupaient des questions en lien avec l’orientation politique à donner à la révolution.
Issa Dominique Konaté soutient que vers la fin du CNR, les débats étaient tournés vers les formes d’organisation du CNR. En effet, le président Thomas Sankara voulait créer un cadre organisationnel unifié, mais tous n’étaient pas en accord avec les éléments de cette démarche, qui devait aboutir à une entité unique. Le GCB selon le témoin, n’avait pas manqué en son temps de rappeler la nécessité d’éviter une démarche au pas forcé, afin d’arriver à l’adhésion de tous. Il déplorait cependant, une tendance trop militariste de l’organe unifié à mettre en place.
Interrogé sur des propos tenus par Valère Somé, selon lesquels le GCB aurait, sous la houlette de Salif Diallo, été le bras intellectuel qui a poussé Blaise Compaoré au coup du 15 octobre 1987, le témoin rejette ces affirmations en bloc. Selon lui, Blaise Compaoré n’a jamais été membre du GCB et Salif Diallo n’a jamais dirigé le groupe. Ce n’est qu’après ses études, lorsque le GCB est devenu MDS, qu’il a rejoint ses rangs.
Armelle Ouédraogo/Lefaso.net
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22h
Bernard Sanou, l’officier qui a dissuadé « Le lion » de descendre sur Ouaga
Ancien camarade d’école de Thomas Sankara à Gaoua et au Prytanée militaire de Kadiogo, le colonel-major Bernard Sanou était sous la révolution, le chef de corps du génie militaire. Il était aussi le chef de sécurité de la zone 5 (Ouagadougou était divisée en cinq zones de défense) qui était à Gounghin. Dans cette zone, il avait entre autres pour mission, la sécurité de certains points sensibles tels que la poudrière des forces armées, l’ONATEL, l’émetteur et la centrale électrique de Gounghin.
Témoin dans le cadre du procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et ses camarades, il a déclaré avoir passé toute la matinée à l’hôpital le 15 octobre 1987. Souffrant de maux d’estomac, il y était pour une radio. Le chef de service des radios, le médecin-colonel Ouoba lui aurait suggéré un repos de deux semaines. Bernard Sanou lui aurait dit qu’il ne pourrait pas car il avait reçu une mission d’effectuer des travaux au niveau de la place de la révolution. C’est une fois sur les lieux, que son adjoint et lui ont été alertés par un soldat qu’il y avait des tirs du côté du conseil de l’Entente. En rentrant chez lui, il dit avoir vu des soldats en tenue bariolée, coiffés de bérets renversés.
A la maison, il recevra pour la première fois un appel téléphonique du commandant Boukari Lingani. « Il m’a dit qu’il est chez lui à domicile et qu’on lui a dit qu’il y a eu des tirs au conseil. Il m’a demandé de prendre des dispositions discrètes. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de dispositions discrètes à prendre car la ville était en émoi. Je suis allé plus tard au génie militaire. J’ai pris les dispositions normales et nous attendions », a déclaré le témoin.
Il enverra par la suite deux jeeps escorter le colonel Abdoul Salam Kaboré pour le conduire au génie. Là, il recevra l’appel d’un officier subalterne de l’Escadron de transport et d’intervention rapide puis de Boukari Kaboré dit le Lion, commandant du Bataillon d’intervention aéroportée (BIA) basé à Koudougou. « Le lion m’a dit : ‘’Vous à Ouaga là, c’est quel bordel vous êtes en train de faire comme ça là.’’Je lui ai dit que nous ne savons rien du tout », a déclaré Bernard Sanou qui précise que quelques semaines plus tôt, il n’arrivait plus à contacter le Conseil de l’Entente car la liaison ne marchait pas.
« A 21h40, Lingani m’a rappelé. J’étais avec Abdoul Salam Kaboré. J’ai mis le haut-parleur. Il m’a dit calme toi. Il m’a dit que suite à une tentative d’arrestation, il y a eu des échanges de tirs. Et le président du Faso a été touché. Je lui ai demandé qui a dit d’arrêter qui et pourquoi ? Il m’a dit de me calmer et qu’il y aurait de plus amples informations le lendemain matin. Le Lion m’a rappelé et m’a dit : ‘’Ancien, prends les dispositions, j’arrive’’. Je lui ai dis : tu viens où ? Thomas est mort. Si tu viens à Ouaga, il y aura plus de 30 000 morts’’. A Koudougou, le lion avait quatre canons neufs qu’il avait utilisés lors de la guerre de Noël en 1985. », a déclaré le témoin qui craignait que l’assaut du Bataillon d’intervention aéroportée ne détruise tout sur son passage : le conseil de l’Entente, les ambassades, les concessions et services, etc.
Le 16 octobre 1987, lors de la réunion d’explications avec les chefs militaires, il est ressorti qu’après plusieurs rencontres et discussions entre les quatre leaders de la révolution, ceux-ci ne se seraient pas quittés en de bons termes. Thomas Sankara aurait claqué la porte. Le témoin se souvient avoir posé une question au Commandant Lingani. « J’ai demandé pourquoi ils n’ont pas associé d’autres personnes pour régler le problème puisqu’ils ne s’entendaient pas ».
A la question de la partie de savoir quelle lecture, il fait des événements du 15 octobre 1987 surtout que ceux qui ont fait le coup n’ont jamais été sanctionnés mais ont évolué normalement, Bernard Sanou a lâché « C’est une grande déception ». Pour lui le Centre national d’entraînement commando mis en place par Thomas Sankara avait une réputation qui faisait la fierté des Burkinabè. A l’en croire, si des assaillants devaient venir au génie militaire pour assassiner le président du Faso, ils auraient peut-être réussi leur coup mais il ne seraient pas sortis indemnes ».
LeFaso.net
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23h00
Selon Issa Dominique Konaté, les chefs d’Etats voisins suivaient de près la situation au Burkina
Les jours suivant le coup d’État du 15 octobre 1987, des équipes ont été envoyées en missions hors du Burkina pour expliquer les événements et la nouvelle direction politique du nouveau pouvoir. Cela dans le but de maintenir les bonnes relations avec les voisins. Conseiller économique au moment des faits, Issa Dominique Konaté faisait partie de la mission qui s’est rendue au Niger, au Mali et en Côte d’Ivoire.
Membre du Bureau politique du Conseil national de la révolution (CNR), Issa Dominique Konaté se réclame de ceux qui étaient contre le règlement des conflits par la violence. Témoin au procès de l’assassinat de Thomas Sankara, il dira d’ailleurs avoir été affligé par les événements du 15 octobre 1987. « Pour avoir travaillé avec Thomas Sankara, l’une de ses particularités était sa force de caractère et son sens du leadership. Il avait une volonté d’aller de l’avant. Il avait foi en ses convictions. Et tant que vous ne l’avez pas convaincu du contraire, il était persuadé que ses convictions devaient orienter l’action », a déclaré le témoin.
Il a déclaré que le 16 octobre 1987, des militaires sont venus le chercher à son domicile pour une rencontre à laquelle ont pris part les chefs militaires. C’est à cette réunion que le commandant en chef des forces armées nationales, Boukari Lingani, a expliqué l’incident qui s’est produit au conseil de l’Entente. « On a été informé de la situation. Le Groupe communiste burkinabè (GCB) a pris acte de la situation. J’ai demandé ce qu’on fait maintenant. »
En quelle qualité a-t-il pris part à cette rencontre vu que le CNR dont faisait partie le GCB a été dissous la veille dans la soirée, à travers un communiqué ? Ceux qui ont pris part à la réunion ne sont-ils pas allés à titre personnel ? A cette question de Me Prosper Farama de la partie civile, Issa Dominique Konaté répond par la négative et explique être allé au nom du Groupe communiste burkinabè dont il était membre.
Des jours après les événements, Issa Dominique Konaté a conduit une délégation au Niger, au Mali et en Côte d’Ivoire à bord d’un avion de la base aérienne. "Nous avions pour mission d’expliquer qu’il y a eu tel incident, que le président n’est plus et que ses anciens compagnons sont là pour continuer la lutte". Selon le témoin, la mission n’est pas entrée dans les détails du coup d’État. Aussi, chacun des chefs d’État des pays parcourus suivait de près la situation au Burkina. À ce propos, il dira que le jour de leur arrivée au Niger, le président Seyni Kountché les a informé que Boukari Kaboré dit “Le lion” avait franchi la frontière du Ghana le même jour.
L’audition d’Issa Dominique Konaté a pris fin dans la soirée de ce jeudi 25 novembre aux environs de 16h. L’audience a été suspendue et reprendra le lundi 29 novembre 2021 à 9h avec l’audition de Philippe Ouédraogo.
Lefaso.net