El Watan
15 novembre 2020
Après la violation de l’accord de cessez-le-feu par le Maroc au Sahara occidental : Rupture de l’engagement du Front Polisario au traité militaire de 1991
AMNAY IDIR
L e président de la République et commandant suprême des forces armées Brahim Ghali a publié vendredi un décret présidentiel annonçant la fin de l’engagement au cessez-le-feu signé entre le Front Polisario et le royaume du Maroc en 1991, a rapporté hier l’agence sahraouie SPS.
Cette décision intervient après la violation par les forces du royaume marocain, ce même jour, de l’accord de cessez-le-feu en attaquant des civils manifestant pacifiquement devant la brèche illégale d’El Guerguerat. Aussi, elles ont ouvert trois nouvelles brèches dans le mur militaire que l’occupant a érigé il y a plus de trente ans.
Opération qui constitue une violation flagrante de l’accord militaire n°1 signé entre le Front Polisario et le royaume du Maroc, sous la supervision des Nations unies, en application de la résolution 690 du Conseil de sécurité de 1991 pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Ainsi, «sur la base des décisions de la session extraordinaire du secrétariat national du Front Polisario tenue le 7 novembre, et conformément aux pouvoirs que lui confèrent le règlement intérieur du Front et la Constitution de la République sahraouie, le secrétaire général du Front Polisario et président de la République, annonce la fin du cessez-le-feu que l’occupation marocaine a fait rompre», a indiqué SPS.
Option qui signifie «la reprise des hostilités pour défendre les droits légitimes de notre peuple», est-il ajouté. Le décret a mandaté le commandement d’état-major de l’Armée populaire de libération sahraouie à prendre toutes les mesures liées à la mise en œuvre des exigences de ce décret conformément à la mission qui lui est assignée.
Il a aussi délégué l’Autorité nationale de sécurité, dirigée par le Premier ministre, de prendre les mesures liées à la mise en œuvre des exigences de l’état de guerre en ce qui concerne la gestion des institutions nationales et la régularité des services.
Vendredi, Rabat a annoncé avoir lancé une opération militaire dans la zone tampon de Guerguerat, à l’extrême sud du Sahara occidental, afin de rouvrir la route conduisant vers la Mauritanie voisine.
Un conflit de près d’un demi- siècle
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental a été annexé par le Maroc. En effet, le 16 octobre 1975, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye se prononce pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Le 6 novembre de la même année, à l’appel du roi Hassan II, 350 000 Marocains protégés par les soldats du royaume traversent la frontière du Sahara occidental occupé par l’Espagne.
Quelques jours plus tard, un accord signé à Madrid met fin à la colonisation espagnole du Sahara. L’Espagne cède au Maroc le nord et le centre du territoire ; le sud revient à la Mauritanie. En août 1979, la Mauritanie signe un accord de paix avec le Polisario, renonçant au sud du Sahara occidental. Une aubaine pour les forces marocaines, qui ne tardent pas à s’y déployer. Entre 1980 et 1987, le Maroc construit un mur militarisé qui partage le territoire sahraoui.
Un cessez-le-feu est signé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1991, à la condition qu’un référendum d’autodétermination soit organisé. Rabat propose comme solution une autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine. Option rejetée par les Sahraouis, qui revendiquent l’indépendance.
Envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental, James Baker présente un plan, en 2003, qui prévoit un régime d’autonomie pour une durée de 5 ans, suivi d’un référendum comportant l’option de l’indépendance. Les électeurs seront les Sahraouis et toute autre personne de plus de 18 ans vivant au Sahara occidental depuis au moins 4 ans. Accepté par le Polisario, le plan est rejeté par le Maroc. D’où la démission de Baker en 2004.
En juin 2007 s’ouvre la première session des pourparlers entre le Maroc et le Front Polisario en présence des Etats voisins, à savoir l’Algérie et la Mauritanie, à Manhasset (New York), sans aboutir jusque-là à une solution. En mai 2012, le Maroc retire un temps sa confiance à Christopher Ross, envoyé spécial de Ban Ki-moon, l’accusant de «partialité». Ross finit par démissionner en mars 2017.
L’émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU), l’ancien président allemand Horst Köhler, a réussi à relancer des pourparlers au point mort depuis 2012, en convoquant les parties concernées à deux tables rondes à Genève en décembre 2018 puis en mars 2019. Néanmoins, il a démissionné en mai 2019 pour «pour raisons de santé».
Manifestations en Espagne
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté hier dans plusieurs régions espagnoles, pour exprimer leur soutien au peuple sahraoui dans sa lutte légitime contre l’occupant marocain qui a violé vendredi l’accord du cessez-le-feu par son agression contre des manifestants civils sahraouis pacifiques à El Guerguerat, rapporte l’APS.
Les manifestations coïncident avec le 45e anniversaire des accords tripartites de Madrid du 14 novembre 1975 qui ont permis au Maroc d’occuper illégalement les territoires sahraouis, l’occasion pour les participants de lancer un appel au gouvernement espagnol pour assumer ses responsabilités historiques et juridiques envers le peuple sahraoui. Elles interviennent également au lendemain de l’agression menée par les forces marocaines contre des civils sahraouis à El Guerguerat en procédant à l’ouverture de trois nouvelles brèches illégales en violation de l’accord de cessez-le-feu signé en 1991 par les deux parties (Maroc et Front Polisario), sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU). A Madrid, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés devant le siège du ministère des Affaires étrangères pour exiger que l’Espagne assume ses responsabilités au Sahara occidental en tant que «force administrante» du territoire et dans le parachèvement du processus de décolonisation. A Séville, au Pays basque, et dans d’autres parties de l’Etat espagnol, plusieurs manifestations et rassemblements ont également eu lieu pour dénoncer l’escalade marocaine et ses violations à El Guerguerat.
Appels à la désescalade
La violation du cessez-le-feu par le Maroc a suscité beaucoup de réactions dans le monde.
Vendredi, le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a dit «regretter» que ses efforts des derniers jours pour «éviter une escalade» aient échoué. De son côté, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a exprimé sa «profonde préoccupation», en s’inquiétant des «menaces graves de rupture du cessez-le-feu». Paris a exhorté les deux camps à «tout faire pour éviter l’escalade et revenir au plus vite à une solution politique». Moscou a enjoint les parties à «éviter tout mouvement pour exacerber la situation», tandis que l’ancienne puissance coloniale, l’Espagne, a appelé à la «retenue et à la responsabilité» pour préserver «la stabilité dans cette région stratégique située à la charnière de l’Afrique et de l’Europe». La mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) a déployé sur le terrain «une équipe spéciale composée de civils et de militaires depuis le début de la crise» et des observateurs militaires devaient rester sur place toute la nuit, a précisé vendredi Stéphane Dujarric, le porte-parole du chef de l’ONU, au cours d’un briefing à New York. »
Photo : M. Brahim Ghali, Président de la République arabe sahraouie démocratique, commandant suprême des forces armées (El Watan)