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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 05:16

"L'ancien Parti Communiste Algerien - le parti de Larbi Bouhali, de Bachir Hadj Ali, de Maurice Audin et d'Henri Alleg - après être devenu le PAGS en  1966 s'est par la suite scindé en trois formations: le Parti Algérien pour la Démocratie et le Socialisme (PADS) fondé en 1993; le Mouvement Démocratique et Social (MDS) fondé en 1998 et le Parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD) fondé en 2009. Le PADS marxiste-léniniste dont les militants dirigent le journal Alger républicain n'a pas encore pris position quant à la future élection présidentielle . En 2014, il n'avait pas présenté de candidat et appelait à voter avec un bulletin blanc sur lequel serait écrit "Non au pouvoir bourgeois". Le PLD avait en 2014 "exigé l'arrêt du processus "électoral". Le MDS vient pour sa part de désigner un candidat à l'élection présidentielle d'avril 2019. Ce candidat (photo ci-dessus) est présenté  dans cet article par le quotidien communiste français l'Humanité."

Bernard DESCHAMPS

 

l'Humanité

Vendredi, 16 Novembre, 2018

Rosa Moussaoui

Candidat de gauche à l’élection présidentielle algérienne, ce quadragénaire incarne une génération qui a surmonté toutes les bourrasques de l’histoire récente du pays.

Tout n’est pas encore redessiné. Au bout du long corridor devenu galerie d’exposition, derrière un rideau, une colline de gravats trahit les travaux encore en cours. Avec son grand écran et ses hauts murs repeints en noir, la salle de projection accueille déjà séances de cinéma, cafés littéraires et récitals de poésie. Le Sous-Marin a ouvert ses portes au public voilà deux ans, alors que les lieux de culture, à Alger, fermaient les uns après les autres. Le Mouvement démocratique et social (MDS) décidait alors de mettre en chantier son siège, au sous-sol d’un immeuble de Telemly, pour offrir un refuge aux artistes en quête d’atelier, aux citoyens asphyxiés par la disparition de l’espace public, aux militants de gauche à la recherche d’un lieu commun.

Dans le clair-obscur de ce vaisseau aux allures de squat, on ne le reconnaît pas au premier abord. Ce visage nous dit quelque chose. Il en sourit. Dans le dernier film, lumineux, de Tariq Teguia, Révolution zendj, Fethi Ghares incarne un journaliste parti sur les traces des Zendj, ces esclaves noirs dont le soulèvement, au IXe siècle, ébranla le califat abbasside. Sa quête dessine une subtile géographie des espoirs révolutionnaires autour de la Méditerranée, jusqu’au Moyen-Orient dépecé par l’avidité impérialiste. Avant ce film, il n’avait jamais voyagé hors d’Algérie ; le tournage l’a conduit au Liban, en Grèce, en Égypte. Acteur, pourtant, ce n’est pas son métier. Ce quadragénaire à la silhouette efflanquée, au regard sûr a longtemps travaillé dans une entreprise pharmaceutique.

Il vient de démissionner « pour faire campagne » : Fethi Ghares est le premier candidat officiellement déclaré pour l’élection présidentielle d’avril 2019. Les militants du MDS ont désigné là un redoutable orateur, capable de mettre en difficulté n’importe quel contradicteur. Ce quadragénaire a jeté l’ancre bien à gauche il y a plus de vingt ans, mais il vient de loin. Il appartient à cette génération d’octobre qui se souleva contre le système FLN. « J’avais 15 ans, le 5 octobre 1988. J’étais bouleversé par la violence de la répression, avec plus de 500 morts, souffle-t-il. J’ai basculé dans la mouvance islamiste. Ma vie politique a commencé à la mosquée, le seul lieu où on pouvait s’exprimer librement, contester l’ordre social et familial. » Sympathisant du Front islamique du salut (FIS), il bat le pavé aux côtés des barbus, assiste aux prêches virulents d’Abassi Madani et Ali Benhadj. Le 11 janvier 1992, pourtant, il soutient sans trembler l’interruption du processus électoral entre les deux tours des élections législatives, alors que la victoire est promise au FIS. « L’affrontement, je l’avais entrevu, j’avais entendu les discours djihadistes », justifie-t-il. Aux islamistes, le jeune homme ne pardonne pas non plus leur « haine des femmes », désignées comme à « l’origine de tous les malheurs du pays ».« Ils refusaient le travail des femmes. Dans ma famille, on n’aurait jamais pu joindre les deux bouts sans le salaire de ma mère, enseignante », se souvient-il.

« Les intérêts de certains ont pesé plus que le sort du pays ! »

Fethi Ghares tourne la page sans états d’âme, juge finalement qu’il faut « les affronter sans merci ». La rupture est politique autant qu’humaine. D’anciens amis rejoignent les maquis de l’Armée islamique du salut ; ils sont tués à 17 ou 20 ans, l’aube d’une vie. « Ce qui s’est passé en Algérie, c’est le premier affrontement direct, armé avec l’islamisme. On a joué avec le feu. Les intérêts de certains ont pesé plus que le sort du pays ! » tranche-t-il. À Mostaganem, où il fréquente l’université, il se passionne pour le théâtre d’Ould Abderrahmane Kaki, pionnier du théâtre algérien moderne, découvre la peinture de Mohammed Khadda, se rapproche des communistes et finit par adhérer au MDS en 1998. Volte-face ? Yacine Teguia, producteur et coscénariste de Révolution zendj, trouve au contraire « un grand mérite aux renversements idéologiques qu’il a été capable de réaliser » car ils témoignent, selon lui, « de la capacité de cette génération à dépasser les contradictions qui ont failli emporter l’Algérie ».

« Je rêve d’une société de justice, d’égalité »

« À la mosquée, j’ai découvert une éthique de la justice. Je n’ai pas tourné le dos à ça : je l’ai trouvée ailleurs », soutient l’intéressé. Marié à une Kabyle, cet arabophone passionné d’histoire et de musique chaâbi assume sans complexe toutes les nuances de l’identité du pays, dont il revendique le socle amazigh. Il n’a pas de mots assez durs pour la corruption, les atteintes aux libertés, le harcèlement judiciaire des journalistes et des militants, qu’il a lui-même éprouvé cette année. Aux plus jeunes, il sait parler leur langue : il séduit la génération post-décennie noire, lassée de la gérontocratie qui tient les rênes de l’État. « Une minorité s’enrichit au détriment de l’intérêt national. On a fait de l’Algérie une colonie de consommation qui vend du pétrole et importe tout. Il faut rompre avec cette logique, insiste-t-il. Je rêve d’une société de justice, d’égalité : c’était ça, le message du 1er novembre. Mon Algérie, c’est celle de Larbi Ben M’hidi et Maurice Audin. »

Alors que la guerre des clans fait rage autour d’un Bouteflika impotent, Fethi Ghares ne se fait guère d’illusions sur l’échéance d’avril. « Il faut faire des élections un moment de mobilisation citoyenne. Les Algériens regardent vers la Libye, la Syrie, ils ne veulent pas reproduire ce qui se passe là-bas. Mais ils aspirent au changement. Dans cette bataille, il faut passer par les urnes. Aujourd’hui, elles sont dans les mains du système : il faut les récupérer. » Un livre accompagne ce « patriote internationaliste », comme il aime à se définir : c’est l’An V de la révolution algérienne. Frantz Fanon y entrevoit un futur chargé de promesses : « Nous nous sommes mis debout et nous avançons maintenant. Qui peut nous réinstaller dans la servitude ? »

Rosa Moussaoui

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