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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 06:33

Un cran de plus contre la République !

   Dans ses déclarations publiées par Le Parisien daté du 24 juillet, le directeur général de la police nationale – épaulé par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui lui a apporté publiquement son soutien sur les réseaux sociaux – M. Frédéric Veaux remet en cause de front la décision du Parquet de Marseille de détention provisoire d’un policier soupçonné de violences policières. Celui-ci est placé est mis en examen et en détention provisoire au chef de « violences volontaires aggravées par les circonstances tirées de la réunion et de la qualité de leurs auteurs (personnes dépositaires de l’autorité publique) »

   Cette saillie du plus haut responsable de l’administration policière soutenu par l’ancien ministre, préfet de police de Paris nous fait franchir un inquiétant et dangereux cap.

   Tout démocrate aurait grand tort de sous-estimer les propos qui ont été tenus par cet officier. « Il faut, a-t-il ainsi affirmé, se donner les moyens techniques et judiciaires pour que ce fonctionnaire de police retrouve la liberté. (…) Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ; (…) lorsqu’un policier est dans l’exercice de sa mission, on doit admettre qu’il peut commettre des erreurs d’appréciation. » Autrement dit le directeur général de la police invoque une exception légale qui n’existe pas, propose de renoncer au principe d’égalité des citoyens devant la loi et induit l’idée de remplacer l’État de droit, par un état de police.

   Des « erreurs d’appréciation » ? Jusqu’à mettre en cause la vie d’autrui ? Jusqu’à tuer à bout portant ? C’est la porte ouverte à tous les arbitraires ! Ces déclarations séditieuses ont reçu le bruyant soutien de Bruno Retailleau, des lepénistes et zemouriens de tout poil.

   En aucun cas, ces mots n’auraient pu être prononcés sans l’aval du ministre de l'Intérieur en personne, Gérald Darmanin, et son cabinet s’est empressé d’informer la presse que le directeur général de la police nationale conservait « toute la confiance du ministre. ». Puis jeudi soir, il a dit lui-même son soutien. On peut d’ailleurs se demander jusqu’où est prêt à aller le ministre de l’Intérieur afin de se placer comme candidat incontournable de la prochaine élection présidentielle. Poursuit-il le chemin et l’exemple de son mentor M. Sarkozy ?

   Il n’existe pas, sous la V République, de précédent en la matière de la part des deux plus hauts responsables de la hiérarchie policière, mettant publiquement en cause une décision de justice.

   Ce qui est contesté par ces représentants de l'autorité publique, ce n’est ni plus ni moins que les principes généraux du droit inscrits dans notre constitution. C’est l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre l’égalité de tous devant la loi, qui est ici bafouée ; autrement dit, un des piliers fondamentaux de l’État de droit démocratique.

   Ainsi, les plus hauts responsables de la police, in persona grata, mettent dorénavant en cause la séparation des pouvoirs et la garantie d’égalité des citoyennes et citoyens devant la loi. Ils se comportent donc comme un énième pouvoir, qui se donne le droit (au mépris du droit) de contester ostensiblement les arrêts de la justice et, par voie de conséquence, l’élaboration des lois par les assemblées élues.

  La dérive est donc très profonde, très inquiétante et, en un mot, antirépublicaine. Elle est encore plus préoccupante, s’il s’avérait que le ministre de l’Intérieur utilisait la police pour son projet de carrière et pour sécuriser les milieux d’affaires inquiètes du rejet des politiques en sa faveur.

   Déjà, lors de la fameuse manifestation policière du 19 mai 2021 devant l'Assemblée nationale, le slogan du syndicat Alliance était : « Le problème de la police, c’est la justice. » Mieux ou pire lors de cette manifestation le secrétaire du syndicat « unité-sgp police du département des Yvelines a clairement déclaré l’objectif de son syndicat : « Si cette mobilisation s’avère efficace et très forte, les digues cèderont, les digues c’est-à-dire les contraintes de la constitution ». Ajoutant : « une constitution c’est une contrainte ». Voilà, exposé avec clarté un projet de sédition. Et, tout récemment encore, un violent tract syndical traitait les jeunes des quartiers populaires de « nuisibles » et affirmait que les policiers étaient « au combat » et « en guerre » contre eux. Ceci au moment même où l’extrême droite organisait une collecte de fonds pour soutenir le policier qui a abattu le jeune Nahel à Nanterre.

   Ainsi l’absence de réaction du pouvoir, les propos vaseux du président de la République, le silence puis la reprise textuelle des mots du président par la Première ministre, sans doute doublée par son ministre de l'Intérieur qui convoitait jusqu’à ces derniers jours son fauteuil, mais aussi les tweets emberlificotés du pourtant si prolixe habituellement ministre de la Justice et enfin, surtout, l’absence de sanctions favorise une escalade qui fragilise la République.

   Au point où nous en sommes, ce n’est plus désormais du seul rapport entre la police et la justice qu’il s’agit, mais bien du rapport entre la police et le pouvoir exécutif. Celui-ci se refusant à rappeler à l’ordre et au principe intangible de la séparation des pouvoirs un corps de police qui lui sert de plus en plus à défendre des décisions politiques antisociales et anti-écologiques, dans le cadre de conditions de travail toujours plus dégradées pour les policiers eux-mêmes.

   Il est plus qu’urgent de refonder les missions de la police pour créer une police de la sûreté et de la tranquillité publique.

Dans l’immédiat, il est de la responsabilité du pouvoir, avec les assemblées élues, de faire respecter les principes républicains dans la police même, et de sanctionner sa haute administration qui menace, à présent, ni plus ni moins que l’État de droit.

Face aux dangers qui pointent, tous les démocrates, tous les républicains doivent se serrer les coudes, les forces de gauche comme l’ont fait les parlementaires de La NUPES doivent ensemble appeler au sursaut pour que vive la République sociale, laïque, démocratique. Ensemble il convient de faire vivre l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen qui stipule que « la force publique » est « instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est conférée ».

Patrick LE HYARIC

 

 

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