IL FAUT CONTINUER DE SE RENDRE ET DE VOYAGER EN ALGERIE
par Bernard DESCHAMPS
L’horrible assassinat d’Hervé Gourdel et son orchestration médiatique ont réactivé les réticences de nos concitoyens à se rendre en Algérie. Cette crainte n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit souvent dans un inconscient qui, pour certains, date de la guerre d’indépendance sur fond de racisme anti-arabe et pour d’autres dans le souvenir douloureux de la décennie noire. Elle est entretenue par les autorités françaises qui déconseillent de voyager en Algérie en dehors d’Alger, Oran, Tlemcen et Tipasa: « Les déplacements sont en particulier formellement déconseillés à nos ressortissants […] à l’est et au sud de l’Algérie. », écrit le Ministère français des Affaires Etrangères sur son site France-Diplomatie. Cette peur risque d’entraîner la suppression de diverses manifestations culturelles (colloques, concerts, séances théâtrales, etc) auxquelles des participants français s’apprêtent à se décommander.
Quelle est la situation sécuritaire aujourd’hui en Algérie ? La politique de Réconciliation Nationale – qui n’est pas l’amnistie, mais l’abandon des poursuites contre les repentis qui ont déposé les armes (à l’exception « des individus impliqués dans les massacres collectifs, les viols et les attentats à l’explosif dans les lieux publics » (Charte, 2, deuxièmement) – a permis à l’Algérie de retrouver la paix et la sérénité. Elle n’a pas constitué un encouragement aux terroristes, contrairement aux affirmations de certains journaux en France et en Algérie. Les repentis ne sont pas disséminés dans la population, comme autant de détonateurs potentiels. Ils sont surveillés et pour des raisons de sécurité, ils ont souvent été regroupés par quartiers, par immeubles ou îlots d’immeubles à la périphérie des villes, comme j’ai pu personnellement le constater dans la banlieue d’Alger. Ce ne sont pas des camps de regroupement, mais des immeubles locatifs ordinaires. Ce qui parfois a fait grincer des dents, considérant qu’ils bénéficiaient ainsi de faveurs. En fait, il s’agit à la fois de les surveiller et de les protéger car des règlements de comptes ont eu lieu. Ainsi en août 2007, à Larbaa, dans la Mitidja, à une trentaine de kilomètres d'Alger, un ancien émir des GIA reconverti dans les affaires, Mustapha Kertali a échappé par miracle à un attentat qui l’a grièvement blessé. Contrairement aux années 80, la population les rejette. Un think tank américain Pew Research Center, chiffre à 3000 le nombre de Tunisiens partis combattre en Syrie, 1500 Marocains, 700 Français et…200 Algériens. Lorsque je vais en Algérie, je me promène souvent seul et sans protection policière en ville comme dans le bled. Je n’ai jamais été agressé. Au contraire, les Algériens sont heureux de rencontrer et de parler à des Français. Certes il existe encore quelques îlots d’irréductibles qu’il faut éviter, notamment dans la partie du Djurdjura truffée de grottes qui, même pendant la guerre d’indépendance, demeura inexpugnable. L’ANP (Armée Nationale Populaire) qui a payé un lourd, un très lourd tribut pendant la décennie noire a acquis une expérience unanimement reconnue dans le monde et elle dispose d’un atout la connaissance du terrain. Elle marque des points comme ce fut le cas lors de l’attaque du site gazier d’In Amenas par un groupe venu de Libye. Les groupes terroristes désormais résiduels sont en phase de survie. Mais des gens ou des officines en Algérie et en France ont intérêt à agiter la peur. Sachons raison garder.
Bernard DESCHAMPS
05/10/2014