Cet ouvrage publié en 2017/ (1) est plus actuel que jamais en ces temps de racisme ouvertement décomplexé, dans « un monde bouleversé […    ) source de conflits démultipliés ». Coordonné par Martine Boudet, anthropologue, agrégée de Lettres Modernes, avec la participation de 18 auteur(e)s (2), il est d’une lecture stimulante par ses approches diversifiées, idéologiques, historiques, spatio-temporelles.

Conformément à la loi française (loi Gayssot), le racisme est un crime et, en tant que tel, condamnable, mais, nos disent les auteur(e)s, nous ne devons pas nous limiter au plan moral, il s’inscrit dans un système de domination. C’est une arme de division massive des victimes de l’exploitation capitaliste. Il évolue dans ses formes en fonction du système économique dominant. Le racisme de notre époque marquée par la mondialisation capitaliste, tout aussi hideux qu’au temps de la colonisation, change de visage, l’islamophobie étant un des aspects nouveaux du racisme d’aujourd’hui.

On lit avec intérêt, les développements spécifiques consacrés au Maghreb avec les « printemps arabes » et le hirak ; aux conséquences  des interventions militaires occidentales en l’Irak, en Libye et en Syrie, ainsi qu’aux incidences géopolitiques de la guerre d’Israël contre le peuple palestinien.

Une des thèses défendue et que je partage est la « longue imprégnation » xénophobe et raciste, souvent inconsciente, des habitants des anciennes puissances coloniales, qui implique de leur part un effort indispensable sur soi-même de désaliénation. Cet ouvrage est un puissant contrepoison qui y contribue.

L’un des contributeurs classe en trois catégories, les nombreuses associations ou collectifs qui militent dans ce domaine.

Celles qui « défendent un anti racisme des Lumières », qui se définit par « des valeurs liées à la République et refuse de hiérarchiser les racismes » Ces organisations sont en désaccord avec « les revendications dites identitaires ».

Celles qui considèrent qu’un « statut  colonial de fait est imposé aux communautés issues des colonies sur notre territoire […] Cette logique entraîne de fait une racialisation des positions puisqu’au bout du compte la question sociale est subordonnée à la question « ethnico-raciales »

La troisième voie « considère que la capacité d’agir des populations des quartiers populaires « racisées » ou non, doit être privilégiée dans une lutte pour l’égalité des droits et la dignité. Ces associations prônent l’autonomie, l’autogestion… » Et l’auteur de conclure : « Face à la double tentation d’un universalisme abstrait imposé à des populations comme la marque de la civilisation occidentale et celle d’un simple continum assimilant la révolte  postcoloniale à celle des peuples colonisés, notre proposition est celle d’un cosmopolitisme insurgé […] construisant dans le respect des différences, l’unité du genre humain… » Je me retrouve bien dans cette approche qui fait référence à Edouard Glissant dont on sait combien je partage les analyses.

La quatrième partie de l’ouvrage présente les éléments d’un Programme antiraciste et en faveur d’une démocratie inclusive, qui peut être une utile source de réflexion pour les candidats à l’élection présidentielle française.

Bernard DESCHAMPS

16 novembre 2021

1-éditions du Croquant, février 2017.

2-Nils Anderson, Adda Bekkouche, Farid Bennaï, Saïd Boumama, Martine Boudet (coordinatrice), Monique Crinon, Christian Delarue, Bernard Dréano, Mireille Fanon Mendès-France, Patrick Farblaz, Augustin Grosdoy, Gilles Manceron, Gus Massiah, Paul Mensah, Evelyne Perrin, Alice Picard, Louis-Georges Tin, Aminata Traoré(préface).C

Avec le soutien des associations :

Attac France, Attac Togo/CADTM, CEDETIM/ IPAM, CRAN, Fondation Franz Fanon, FUIQP, MRAP,  Reprenons l’initiative, Sang pour Sans, Sortir du colonialisme.