
De l’instrumentalisation de la banlieue, de la révolte et de la peur du fascisme
par Meyer, photographe membre du collectif Tendance Floue.
D’abord, je veux revenir sur les images troublantes des lycéens de Mantes-la-Jolie. Aussi durs peuvent être parfois les jeunes du Val Fourré, rien ne devrait justifier ce traitement et ces images exceptionnelles. Je ne crois absolument pas à un acte malencontreux, à un dérapage inconscient des forces de l’ordre. Je ne peux imaginer le pouvoir, dans cette situation à très hauts risques laisser une seule place à l’approximation, au hasard. Vous imaginez un flic rentrant chez lui ce soir là et débouchant une bière dire à sa femme qu’il va poster une petite vidéo sur les réseaux, pour le fun, et faire une bourde ? Vous en voyez souvent des vidéos de policiers diffusées à grande échelle ? Ce n’est pas un incident, c’est un message. Une image, un message donc, construit et élaboré par l’état major du ministre de l'intérieur, du président. Un message dont la mise en scène est savamment organisée, la fuite des images minutieusement orchestrée. Le message s’adresse aux banlieues, à travers Mantes-la-Jolie, l’historique, la symbolique, le message s’adresse à toutes les banlieues.
Le message dit : Vous Banlieues, dont le seul nom terrorise, ni ville, ni campagne, vous les exclus de l’identité nationale, dans les os et dans l’esprit, cela fait trente ans que l’on vous méprise, que les transports vous contournent, que l’éducation et la culture y étouffent, travail et chômage distillés. Vous que l’on accuse de trafic et de radicalisation en prison. Vous qui concentrez toutes les haines, les violences, les peurs, le racisme, que faîtes-vous ? La Banlieue, où êtes-vous ? Même les pauvres ont peur de vous, presque tout le monde a peur de vous. Vous les exclus de la triste fête de la surconsommation, ceux qui n’ont pas ou peu de formulation politique, les désespérés plus loin que les ronds-points, à la fin de la route, où êtes-vous ? Et Vous, vous que l’on assassine, vos enfants que l’on assassine dans l’impunité institutionnelle, la plus terrible des injustices. Où êtes-vous ? On vous humilie en public, c’est fort, on filme vos gamins à genoux, soumis à la force et à l’ordre, il ne manque que la tunique orange de Guantanamo.
Et si les humanistes, les progressistes, les intellos s’indignent et s’offusquent, c’est encore mieux. La honte est une émotion profondément intime, elle se partage peu. Il n’y a pas de plus grande humiliation que la honte portée à votre place, c’est la dignité confisquée, vous le savez. Alors ? Où êtes-vous ? On vous attend, on vous convoque, avec votre violence, vos joggings, vos cagoules, votre peau de bébé, votre petit teint basané et votre haine sur les manifestations à Paris. Vous n’avez rien à perdre, vous n’avez peur de rien, certainement pas de l’habitude d’une garde à vue, des coups et du fracas. On vous attend, on veut de la casse, les caméras officielles sont en place, les autres médias seront là aussi, l’inconscient vers le spectaculaire, la nécessité vers une possibilité de vendre, les autres, assez loin de la masse, de sa merveilleuse diversité, de ses revendications. Venez nous montrer la seule façon que vous avez de traverser une vitrine de Noël, éventuellement il y a un peu de maille à se faire, on peut même vous filer un coup de main. Venez, il faut que l’on filme cela pour diffuser fissa, les éditorialistes attendent, ils sont graves chauds.
On a besoin d’instrumentaliser votre violence illégitime pour justifier la nôtre légitime, ou l’inverse, c’est comme vous voulez, venez. Et encore mieux, c’est le must du plan, pendant que vous vous déchainerez, on pourra en profiter pour réprimer dur, mutiler, les travailleurs à bout, les lycéens, les femmes, les papas, les gauchos, les vieux, les pacifistes, c’est très sensible un pacifiste. On est super organisés, on nasse toutes les villes, partout on gère, on provoque, on a de la chair à canon. On va physiquement faire très mal aux corps, dans les têtes, à toutes et à tous là, à ceux qui s’opposent, qui résistent, au mieux des yeux et des mains arrachés, la peur, les coups, la mort, les commerçants, la terreur, le gaz, le cachot… beaucoup abandonneront.
Venez, cela fait trente ans que l’on vous maintient dans toutes les souffrances, dans toutes les violences, les injustices, sociales, culturelles, institutionnelles dans le but de fabriquer la peur. La banlieue, vous êtes notre réserve de peur, nous utilisons la peur comme un matériau, et pas seulement pour nourrir le Front National en vue du second tour électoral, mais surtout maintenant. Car la révolte gronde et nous menace sérieusement, nous devons par tous les moyens protéger la République et des intérêts privés, une politique organisée par et pour des intérêts privés, c’est notre job, alors venez. Voilà le teneur du message, la convocation de l’exécutif envoyé aux jeunes de Mantes-la-Jolie, à la banlieue.
Photo : Meyer
Si vous avez des doutes sur ce que j’essaie d’avancer, je vous propose d’aller sur les manifestations, à la rencontre du collectif Vérité pour Adama Traoré, et de plonger votre regard dans leurs yeux. Très peu de personnes savent mentir du regard, c’est contre nature. Pensez à chaque fois que vous fuyez un regard pour protéger vos pensées, à chaque fois que vous cherchez un regard pour y trouver la vérité… ce fameux mais regarde-moi bordel, regarde-moi. L’œil ne sait pas mentir, le regard c’est la vérité. Allez plonger vos yeux dans ceux de ces jeunes de banlieues, vous y verrez l’Injustice, Authentique et Abominable, vous y verrez la Colère.
Que ce soit bien clair. Les théories du complot sont un leurre, puisque vous cherchez à savoir ce qui vous est impossible de savoir, inutile de dépenser son énergie, de se déconcentrer, de se froisser pour des rumeurs volatiles, stériles. Il y a tant à faire avec le visible. Le seul complot qui existe réside dans sa théorie, le seul complot est la théorie du complot. L’incident de Mantes-la-Jolie n’est pas un complot, inutile de regarder le communiqué du ministère de l’intérieur, c’est une stratégie. Ne nous affolons pas, l’instrumentalisation de la violence dans les rapports de force des luttes sociales, des luttes tout court est un grand classique, c’est tristement banal, tous les flics, politiques, journalistes, militants et habitués de la possession de rue le savent. J’ai personnellement été témoin sur les évènements du G8 à Gènes en 2001, de l’action de quatre gars particulièrement virulents qui ont menés un assaut très violent sur une banque du littoral, incendie. Dix minutes après je retrouve mes rois du gag en train de se rafraîchir derrière le cordon de carabiniers. Je l’ai vu. Vingt minutes après une répression phénoménale sur une gigantesque manifestation respectable, la chasse et le chaos pendant des heures dans les rues de la ville, un cauchemar. Au fait, le G8 ? Les altermondialistes ? Rappelez-moi déjà ? Ces gugusses qui lancent des alertes depuis plus de vingt ans sur un mur en train de se construire, un mur de déchets, résultat d’une surconsommation de l’absurde, volontaire et frénétique. Un putain de mur mortel, notre propre merde. Le mur que l’on voit tous maintenant, presque fini, colossal, ce mur qui nous arrive en pleine gueule, si… Les alters quoi déjà ? Ceux qui se permettent d’interpeller et de poursuivre les marchands d’armes et de pétrole, les faiseurs de guerres, les faiseurs de mort. Quelques penseurs et une bande de punks… des casseurs ? Pardon, on va se dépêcher de déballer une montagne de cadeaux de Noël et les emballages qui vont avec, les océans ont soif et attendent leur double ration de polymères pour la fin de l’année, c’est urgent.
La marche des puissants, la guerre des classes poursuivie par les milliardaires et leurs sous-fifres contre les femmes et hommes exploités de ce monde, contre la biosphère n’est pas un complot, ils avancent à ciel ouvert et c’est tant mieux.
Si vous méprisez le mouvement des gilets jaunes, c’est votre liberté. Vous assumez la valeur de votre vote, c’est votre voix. Vous validez le système, il est le seul valable et nécessaire pour préserver notre démocratie, nos libertés, notre République, notre très chère économie de marché et ses effets merveilleux sur le plaisir immédiat, le climat. Dans quelques semaines, vous pourrez certainement reprendre votre petite conquête de l’Ouest à vous tout seul. Vous pensez que le gouvernement est légitime, le président est élu et qu’il doit faire son travail sereinement, dissoudre les droits de la communauté, le code du travail, la protection sociale. Privatiser le patrimoine collectif érigé par le travail de français, vendre les infrastructures publiques qui font du bénéfice, ADP, Française des jeux, Barrages et j’en passe. On privatise l'eau. Vous appréciez la transparence de la loi secrets affaires qui s’accorde parfaitement aux privatisations et à la déontologie, à la noblesse des grandes entreprises. Vous admirez notre Justice immaculée qui donne du sursis pour plusieurs millions d’euros d’abus de biens sociaux, de la prison ferme pour un vol de saucisses chez Auchan. Vous admettez que l’on peut gagner des dizaines, des centaines, des millions d’euros par mois, par le travail récompensé ou par simple intelligence. Vous kiffez les dividendes, vous rêvez d’évasion fiscale aux îles Caïmans. Vous saluez le train de vie des hauts fonctionnaires, vous bavez sur celui des petits. Vous êtes total libéral, même si ce n’est pas toujours aussi simple que cela, vous voterez encore. Vous rappelez que le capitalisme apporte son lot de progrès à l’humanité, l’humanité a fait des progrès, c’est vrai. Si vous êtes aliéné, on ne peut rien faire, vous avez déjà oublié qui vous êtes, d’où vous venez, où vous allez. Essayez peut-être la lecture, un bouquin d’Orwell ou Edouard Louis. Vous aurez toujours l’occasion de vous offusquer de la disparition imminente des orangs-outans en faisant glisser le doigt sur votre écran rétina, et moi aussi d’ailleurs. Je ne vous en veux pas, j’en veux à ceux qui produisent une idéologie dominante, l’idéologie du fric. Et pour le bien de tous et de notre planète, il faut que cela cesse, absolument.
Alors ? Là maintenant, c’est à nous que je m’adresse, nous qui doutons souvent, nous qui avons le goût acide du moins pire. C’est à nous que j’écris, avec une camisole sur le dos, elle n’est pas jaune. Je nous écris par amour, je nous écris dans l’urgence, c’est pareil. Nous avons peur, nous avons peur du fascisme, du mot fascisme, vous avez raison, nous avons peur. Nous savons tous qu’un truc cloche sur cette putain de planète, notre éducation, notre culture nous pousse encore vers des besoins et désirs d’humanité, de partage, d’égalité, de liberté, tout un tas de bons sentiments bien sympas à vivre, un combo qui fait que l’on tient le coup. On est d’accord là, on est ensemble, même si c’est difficile d’extraire la richesse de nos différences, c’est le débat, on est volontaires, on est d’accord sur la nécessité impérative de changement. Mais voilà, on a peur du fascisme, soudain le fascisme est partout. On observe la révolte incontrôlable des gilets jaunes terrorisés, car on voit le Front National avancer ses tentacules, ses idées dans cette lutte populaire. Depuis quand le Front National s’engage dans les luttes sociales pour améliorer les droits des citoyens ? Ils étaient où sur les manifs pour défendre le code du travail, le smic et le reste ? Ce parti qui vote contre le peuple régulièrement, dernièrement au parlement européen pour la loi secret affaire qui protège les multinationales. Ce parti fondé sur des horreurs négationnistes, antisémites et xénophobes, raciste du juif, raciste de l’arabe, du noir, de tous, homophobe. Du détail au grand remplacement. Il n’a aucune histoire dans les luttes pour le bien-être commun. Aujourd’hui, en plein combat social, il n’a que le pacte de Marrakech à la bouche, l’Islam et les migrants, c’est effarant. Rien, jamais, sur l’écologie. Ce parti est celui du mensonge permanent et de la haine de l’autre, il s’est nourrit de toutes les misères et attend son heure pour nous diriger vers la nuit et le brouillard. La stratégie de l’extrême droite est de parasiter le discours des gilets jaunes, le rendre difficilement audible pour celles et ceux qui doutent, nullement d’en prendre le contrôle. Car le Front ne veut pas de la victoire des gilets jaunes et de leurs aspirations à une vie meilleure, c’est le contraire, le Front travaille pour son échec. Le gouvernement travaille pour l’échec des gilets jaunes. Si demain, tous ces gens qui se sont engagés dans la bataille doivent rentrer dans leurs villages, dans leurs villes les mains vides, avec peu, et avec le sentiment qu’il faut reprendre à peu près là où on en était, ça va mal se passer. Car pour beaucoup il s’agira encore d’humiliation et de misère, plus rien ne sera possible pour changer cela, la mascarade en continue. Beaucoup, dans leurs solitudes face à la lettre de l’huissier, dans la difficulté, vont malgré eux laisser glisser leur colère vers la haine, une folie sombre. C’est là que se tient le fascisme, c’est son domaine, c’est son idée pour nous inventer le pire, il est là. Le fascisme est le résultat de l’injustice sociale. Je ne crois pas à la victoire du Front, tant sa volonté est la désunion, il n’est utile qu’a celui qui le tient comme un masque. Il est aujourd’hui une forme de totalitarisme global qui menace le monde, c’est la loi implacable du marché.
On peut faire confiance à ce pays et à son histoire, à sa force. Le véritable combat à mener se trouve au cœur même de l’amplitude des gilets jaunes, ne pas laisser de terrain au poison de l’extrême droite, aider ceux qui se trompent de colère. La quasi totalité des gilets sont de valeureux citoyens. Le débat qui fait rage doit être alimenté de toutes les énergies du bon sens, il y a enjeu. La formulation des gilets jaunes est loin d’être parfaite, et le discours grésille sous la violence et le mépris, les manipulations. Les intentions sont honnêtes, généreuses, même si la question des migrants est brûlante, tant la fumée est épaisse. Il est nécessaire d’appuyer deux questions. D’abord, les femmes, encore et toujours. Seulement un exemple, un seul. Regardons juste l’incroyable racket dont elles sont victimes avec l’écart de salaires. C’est tout de même environ vingt pour cent économisé sur la moitié des travailleurs de ce pays que se mettent dans la poche patrons et actionnaires, l’exploitation dans toute son horreur, l’esclavage deux mois de l’année. Et la banlieue, qui est cruellement absente, instrumentalisée, il est urgent de tendre la main aux ghettos, de les aider à formuler, entendre leur douleur comme celle de la campagne, converger. Les campagnes et la banlieue souffrent des mêmes tortures, celles des opprimés, des oubliés. C’est pour ces raisons qu’il ne faut pas déserter le soutien aux gilets jaunes, et laisser ainsi l’extrême droite s’approcher du centre. Et pour les migrants ? Que faire ? Leurs rendre la vie encore plus difficile ? Écrire une loi pour autoriser le tir de roquette vers le zodiac ? Couper la main qui se tend, la sienne, la mienne ? Il est aussi urgent de porter l’Europe et l’avenir en commun, nous vivons sous les mêmes règles, un féodalisme sans frontières.
Alors, Il faut venir avec sa tendresse dans l’indescriptible cacophonie des ronds-points, des manifestations et des réseaux sociaux, beaucoup sont là déjà, dignes et vaillants, fraternels. Et si vous ne voulez pas vous engager, essayez de ne pas mépriser les gilets jaunes, les mépriser fait le jeu du Front National. Il faut s’inspirer de notre super héros international, Cédric Hérrou, dont les amis sont condamnés à de la prison ferme pour délit de solidarité, la fraternité assassinée. En une phrase, cet homme, ce résistant, redéfinit tous les enjeux, les possibles de notre avenir démocratique: La Démocratie ce n’est pas la majorité qui décide pour les minorités, c’est le respect des minorités par la majorité. Le respect.
Encore une fois, il ne faut pas se moquer des gilets jaunes et ceux qui les soutiennent, les mépriser, les militants de la vie simple, du territoire, qui aspirent à une vie calme, amener le gosse au foot, au ciné, recevoir les amis, participer à la vie sociale, ne pas s’enfoncer dans la difficulté. Et ils sont beaucoup nos citoyens à maintenir le travail précieux des associations sportives et culturelles dans le village, dans les quartiers, ce qui fait le lien. Ce peuple ne demande pas la richesse, mais le partage, il veut les moyens du bonheur. Et, de votre relative aisance, ne moquez pas le désir de confort des petites gens, la surconsommation n’est un idéal pour personne, ni un progrès, elle nous est fermement imposée dans le seul but du profit, le culte du gâchis et sa pollution visuelle. Soyez tendres avec ces habitants qui on vu leurs villages se transformer en parking de grandes surfaces. Aidez les gilets jaunes à affronter le mépris, l’humiliation et la culpabilité dont ils sont victimes. Respectez le cri de la dignité, on n’oublie pas les mots du président. Ne moquez pas les difficultés de langage, de la tendresse, derrière les mots la parole. Les révoltés ne sont pas radicaux, ils sont déterminés, en devenir. Les vrais extrémistes fument le cigare, à l’abri des regards dans un salon feutré. Et résistez à la violence, aux images de violences, tout ceci doit s‘écouler, on ne peut pas se laisser faire, on doit se défendre. La violence absolue, la violence source réside d’abord dans la froideur du métal que se pose sur la tempe le citoyen, l’agriculteur et le facteur, le père, dans le visage tuméfié et silencieux de la femme, dans ce corps sans vie sur une plage ensoleillée de méditerranée.
Il faut se battre, il faut parler, parler c’est agir. Avec courage, aider les autres, les amis, gagner par le débat et le respect quelques soutiens, déjà c’est bien. Les idées d’extrême droite ne progressent pas sur le terrain, elles reculent fortement, repoussées par des semaines de fraternité. Ne restez pas la bouche bée, défendez votre libre arbitre et son potentiel, votre capacité à trier l’information. Protégez vos émotions, surtout celles que l’on manipule avec le montage des mots, des images. Méfiez-vous de certains intellectuels qui vous expliquent que les réseaux sociaux sont dangereux, car incontrôlables, tous s’y expriment, le vrai, le faux, le débat n’y est pas serein. Ce sont les mêmes qui ont ouvert leurs plateaux de télévision au Front National, alors que plus jamais ça. Il est nettement plus utile de s’interroger sur la nature des bulles, de l’algorithme, qui construit et avec qui ? Dans quel but ? On verra. N’attendez pas la révolte des journalistes, elle viendra, ils assistent en direct au massacre de leur valeureuse éthique, ils sont responsables, employés, il va falloir du temps pour projeter autrement, lancer des alertes, sortir du silence, laissez-les faire. N’attendez pas non plus le soutien des artistes, trop occupés à observer la courbe de la côte à travers le nombril, ils sont ailleurs, dans le concept. La plupart des artistes sont achetés, ou se sont vendus dans une vaste affaire de blanchiment. Cherchez les êtres véritables parmi l’autre, nos vieux, les militants de longues dates, les petits producteurs, les infirmières, les routiers, les petits journalistes, les petits artistes. Ils sont nombreux et sauront vous reconnaître. Méfiez-vous de moi, méfiez-vous de vous. Sortez votre revolver quand on vous parle de culture, la culture de l’obéissance. Participez à l’éducation populaire, la culture n’apprend pas à se taire, comme la faim.
Battez-vous, car les valeurs de gauche sont à renouveler, sortez. Le combat fait rage maintenant, contre le gouvernement et l’oligarchie, au cœur du mouvement. Il s’articule, se reformule vers l’avenir, finalement oppose le capitalisme au désir d’une écologie sociale et fraternelle. Le système libéral n’a qu’un seul ennemi, ce sont les idées de gauche, aussi éparpillées soient-elles, des idées historiques, du partage des richesses, de la défense du travailleur, du social. Ne doutez plus, le pouvoir est terrorisé, horrifié par la vision du rassemblement, de l’unité, ces femmes et ces hommes qui bafouillent, qui osent, qui libres s’avancent. N’oubliez pas que le pouvoir tente tout, absolument tout pour garder les billes, tous les coups sont permis, y compris les plus crades, ce sont les experts du brouillage de cartes et de la division. Ils agitent toutes les xénophobies, ne parlent que d’extrêmes, et tentent de nous faire prendre des lanternes pour des vessies. Ils mentent. Ils ont tous les moyens. Ils se montrent compréhensifs aussi, à l’écoute, en faisant des calculs depuis la banque du centre. Ils iront au bout, au bout de la violence, et ont déjà prévu un autre président, mieux éduqué. Ils ont cru avoir gagné la lutte des classes, ils se trompent. Ils font des sacrifices, le sacrifice des libertés. Ne perdez pas de vue que le capitalisme fonctionne aussi bien en Démocratie que dans les régimes autoritaires. Rappelez à votre mémoire que la France faisait affaire avec le régime de Prétoria, une des pires saloperies de l’histoire de l’Humanité basée sur la spoliation de terres et la ségrégation. Souvenez-vous des communistes français qui sont descendus seuls dans les rues au début des années quatre-vingt pour demander la libération de Mandela condamné à perpétuité pour sédition, plus tard pour Pierre-André Albertini. Ne pleurez pas, La France compte aujourd’hui ses prisonniers politiques.
Trompez-vous, recommencez, embrassez vos nuances et ne cherchez pas ici de conseils, je pose un point de vue de colère, je m’engage. Je me permets des alertes, sur la question cruciale de la banlieue, sur la question muette des femmes et de l’importance de l’idée de consentement en politique. Sur le visage du totalitarisme. Pour ce qui est de la critique du capitalisme, il n’y a plus d’eau à apporter au moulin, il est grand temps de faire. Il est grand temps de sauver la République des carnassiers de la finance, de toujours l’écrire, ou mieux. Cette révolte aura une fin, et nous verrons bien la taille et le goût du morceau de gras arraché dans la bataille. Et ce n’est qu’une bataille, percevez et nourrissez la convergence des luttes pour l’avenir, essayez, c’est une question de vie ou de mort, une idée de l’écologie de la terre, de l’écologie des esprits, sinon tant pis. Ce mouvement n’est pas apolitique, il est totalement politique, dans la définition, les âmes justes formant un groupe de leurs splendeurs assemblées. Nul besoin de fantasmer la révolution, il est un réel politique, poétique. Ce réel qui s’échappe de la fumée du café partagé sur les ronds-points, il est inestimable. Un peuple, oui un peuple. Le réel d’un peuple qui s’arrête, et qui oppose son refus à la construction du fatalisme, à la douleur. Un peuple qui résiste dans la solidarité, fraternel et audacieux. Un peuple qui ne poursuit pas un idéal, mais un peuple qui avance, qui affronte le vertige, qui cherche une idée, qui s’invente. L’enjeu est de taille, et il s’agit d’éprouver encore nos contradictions d’Humain et de s’entendre. La révolte est le message permanent de notre mémoire collective à ceux qui vont naitre, à ceux qui sont là, et que demain, encore, tout est possible, pour la différence et le partage, rien n’est vain. Ni pour nous, ni pour elle.
Meyer, photographe membre du collectif Tendance Floue. Décembre 2018
QUELQUES DATES
Né en 1969 à Villeneuve-les-Avignon
2017 – La série «L’Abyme et le vent» est présentée à la galerie le Magasin de jouet à Arles.
2015 – Invité en résidence à Deauville dans le cadre du festival Planche(s) contacts
2012 – Invité en résidence à Madrid par Cobertura Photo, il entame un travail approfondi sur l’univers de la corrida
2011 – Publication du livre Dans le cinéma, l’enfant spectateur, co-édition l’Alhambra Ciné Marseille et Tendance Floue
2010 – La série «Portraits décalés» présentée au festival Head On en Australie.
2007 – 3ème Prix du World Press Photo (catégorie «Arts et spectacles») pour la série «Mon Frère Lumière»
2006 – La série «Mon Frère Lumière» présentée aux Rencontres d’Arles
2005 – Exposition de la série «Putain de Maïeutique Camarguaise» aux Rencontres d’Arles
2002 – Exposition de la série «Palestine» à la Maison européenne de la photographie à Paris. Prix spécial du Jury Paris-Match pour cette série.
1993-1997 – La série « Lunacy » s’immerge dans l’underground des raves en France.