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Il y a quatre ans, le 20 octobre 2011, Mouammar Kadhafi était assassiné dans des conditions atroces que toutes les télévisions du monde se plurent à montrer. Lynché, dépecé et pour finir abattu d’une balle (par un agent des Renseignements français ?).
C’était un personnage hors du commun. A la fois patriote libyen et apôtre de l’unité arabe; militant révolutionnaire admirateur de Gamal Abd El Nasser; dirigeant d’un pays qu’il unifia et rendit prospère ; comploteur et cible de nombreux attentats; visionnaire et mégalomane; séducteur et criminel…On conçoit que sa vie et sa mort puissent inspirer des écrivains. C’est le cas de Yasmina Khadra (La dernière nuit du Raïs, éditions Julliard,, août 2015). Les romans de Yasmina Khadra m’ont souvent enthousiasmé, notamment Les hirondelles de Kaboul, L’attentat, Les sirènes de Bagdad, Les anges meurent de nos blessures…D’autres, pas du tout, comme Qu’attendent les singes. Mais je suis sensible à son style, à sa façon de travailler la langue française avec une sensibilité algérienne.
Un écrivain n’est pas un historien. Il a toute latitude de traiter ses personnages selon sa propre fantaisie et la personnalité de Mouammar Kadhafi fut si complexe que le choix est ouvert. En raison de son parcours et des circonstances, Kadhafi a porté les divers aspects de sa personnalité à leur paroxysme. Confronté à des situations exceptionnelles, ses sentiments, ses réactions, ses décisions, ses actes furent en permanence dans la démesure. Cela aurait pu être un roman psychologique explorant les méandres d’une conscience, ou l’épopée d’un héros révolutionnaire, ce qu’il fut pour une part, ou le récit minuté de la dernière nuit d’un condamné à mort… Yasmina Khadra a choisi d’en faire un bouffon cruel qui meurt en martyr. Durant les heures qui précèdent l’ultime nuit, le comportement de Kadhafi n’est qu’une suite de caprices cruels, alors que ses derniers moments seront sublimes. C’est le monologue – le récit est à la première personne - d’un homme uniquement guidé par ses passions et qui finira sous les coups d’un peuple révolté ivre de vengeance. Son comportement alors sera d’une grande dignité et il mourra en pardonnant à son peuple. Evidemment cela exonère Sarkozy et l’OTAN. Mais un romancier n’est pas un historien, n’est-ce pas ?
J’ai retrouvé avec plaisir chez Khadra, dans La dernière nuit du Raïs, son sens de l’image et de la formule qui fait mouche.
Bernard DESCHAMPS
28 octobre 2015