Le taux de participation annoncé par le Ministre de l’Intérieur est de 51,7%. Les autorités algériennes avaient souhaité une plus large participation. Ce pourcentage est en tout état de cause très supérieur aux 42,9% enregistrés par les nations de la « vieille Europe » lors de l’élection européenne de 2009 (40,5% pour la France).
La presse a généralement présenté cette campagne électorale comme un duel entre deux candidats : Abdelaziz Bouteflka et Ali Benflis. En fait ils étaient six dont une femme qui ont respectivement obtenu(1) : Abdelaziz Bouteflika, 81,58 % des suffrages exprimés (90% en 2008) ; Ali Benflis, 12,18 % ; Abdelaziz Belaïd, 3,36% ; Louisa Hanoune (PT, Parti des Travailleurs qui appartient à la même internationale trotskiste que le parti français POI, Parti Ouvrier Indépendant) : 1,37% ; Ali Fawzi Rebaine, 0,99% et Moussa Touati, 0,56%.
Les médias français s’étaient évertués durant les semaines qui ont précédé le scrutin à jeter le doute par avance sur sa validité. Bien évidemment, selon un scénario désormais bien rodé dans de nombreux pays, les perdants invoquent la fraude et contestent les résultats. Je note que certains partis et groupements algériens avaient déjà annoncé avant le 17 avril qu’ils ne les reconnaîtraient pas. C’est le cas notamment de Barakat, promotionné par la presse en France et en Algérie.
Ceux qui réfléchissent au-delà de la lecture de la presse algérienne foncièrement irrévérencieuse et des journaux française souvent hostiles, et qui ne prennent pas au premier degré le jeu national de l’autodérision, n’auront pas été surpris de ces résultats. Dans ses profondeurs, le peuple algérien aime Bouteflika qu’il crédite de la Paix retrouvée après la terrible décennie noire. Il lui sait gré également d’avoir, depuis son élection, lancé d’importants investissements publics, y compris pour le logement et les grands instituts internationaux reconnaissent une amélioration du niveau de vie de la population (avec c’est vrai des « laissés-pour-compte »). Ses graves ennuis de santé invoqués à charge par ses adversaires l’ont au contraire rendu plus proche encore du peuple notamment des gens simples qui admirent son courage. Abdelaziz Bouteflika n’avait pas besoin de la fraude pour être élu.
Ali Benflis jouait sur plusieurs tableaux. Il a en particulier tenté d’obtenir les suffrages des électeurs islamistes qui, dans cette élection, n’avaient pas de candidat, puisque le FIS est interdit et que le MSP s’était prononcé pour le boycott. Cela lui a permis d’obtenir quelques suffrages supplémentaires mais lui en a aliéné beaucoup d’autres. Les interviews qu’il a données à la presse française sont éclairantes. Le 16 avril, la veille du vote, il confie au journal Le Monde : «On m’accuse aussi de vouloir réhabiliter le FIS. Je réponds ni oui ni non. », et il se déclare « prêt à ouvrir le dossier des réparations. (Des internés du FIS, ndlr) ». Dans l’Humanité-Dimanche du 17 avril à la question : « Votre discours […] est interprété comme un appel à peine voilé à l’électorat du Front Islamique du Salut (FIS)… », il déclare : « J’ai appelé à un dialogue sans exclusive qui regroupera l’ensemble des acteurs politiques. » La seule exclusive étant celle qui touche le FIS, la lever signifie qu’il est pour la légalisation du FIS… C’est le retour à Sant’Egidio en 1995 qui dédouanait les islamistes radicaux des crimes dont ils étaient responsables, alors que la politique de Réconciliation Nationale que mettra en œuvre le Président Bouteflika en exclura les auteurs des crimes de masse, accordera le pardon à ceux qui déposeront les armes et pourchassera les autres.
La presse française, écrite, parlée, télévisuelle, a très peu évoqué les prises de position des autres partis politique algériens, à une exception notable près celle de l’action commune des islamistes du MSP et des laïcs du RCD en faveur du boycott. Elle n’a parlé du FFS (membre de l’Internationale Socialiste) qui s’était prononcé à la fois contre la participation, contre le soutien et contre le boycott, qu’à l’occasion du soutien apporté à Ali Benflis par certains de ses militants kabyles. Par contre, rien sur l’ALR, rien sur le MDS, rien sur le PADS (communiste) qui le 16 avril appelait à se rendre aux urnes et à voter NUL (les votes NULS représenteraient 5% ?) en précisant que Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis qui a été son Premier ministre, sont l’un et l’autre « d’accord pour maintenir le système capitaliste. »
Nombreux sont les observateurs qui craignent l’après 17 avril. Le Ministère français des Affaires Etrangères, qui fait dans la surenchère anti algérienne et anti arabe, déconseille à ses ressortissants de se rendre en Algérie. A l’évidence, des forces occultes travaillent à susciter des troubles, mais le Peuple algérien qui a si terriblement souffert du déchaînement sanglant des années 80-90, n’est pas prêt à se laisser entraîner dans une aventure dont il ne serait pas le bénéficiaire. Il est de plus profondément patriote ce qui condamne par avance toute velléité d’intervention extérieure. Le peuple algérien a choisi la continuité et la stabilité. Immobilisme, comme cela a été écrit ? Non ! L’Algérie vit. L’Algérie bouge. C’est un immense chantier. Dans le cadre bien sûr de l’économie de marché (avec ses tares) à laquelle elle s’est convertie dans les années 80 après seize années d’une forme de socialisme étatique et autoritaire dont elle a conservé quelques aspects positifs auxquels le peuple algérien est attaché et que les tenants d’un capitalisme pur et dur la presse d’abandonner. Y compris sa politique étrangère indépendante.
Je note avec intérêt que certains journaux, dont Le Monde et Midi Libre, ont adopté ces derniers jours un ton plus bienveillant. Il ne faut en effet jamais insulter l’avenir. Dès le 18 avril, le Président Hollande adressait au Président Bouteflika ses souhaits de « plein succès dans l’accomplissement de sa haute mission. »
Bernard DESCHAMPS
20 avril 2014
1- Ces chiffres ne comprennent pas les votes des Algériens qui vivent à l’étranger. Les résultats définitifs seront donnés par le Conseil Constitutionnel.