J’aurais voté CONTRE le projet de loi gouvernemental n°406, « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme » adopté le 18 septembre dernier par l’Assemblée Nationale. En effet les questions qui se posent sont les suivantes : cette loi donne-t-elle des moyens nouveaux efficaces pour lutter contre la grande délinquance de caractère terroriste ? Ne présente-t-elle pas des risques pour les libertés individuelles ? Qu’est-ce qui l’emporte des avantages (s’il y en a) et des inconvénients ? N’y-a-t-il pas d’autres moyens pour lutter contre la délinquance ?
Marc Dolez, au nom des députés Front de Gauche, rappelait dans le débat que « …nombre d’experts et de hauts magistrats considèrent aujourd’hui […] (que) notre législation antiterroriste […] (qui) a connu un renforcement graduel depuis vingt-cinq ans […] est suffisante. ». Pourquoi dès lors « adopter des mesures par définition attentatoires aux libertés individuelles et souvent dérogatoires au droit commun », pour reprendre ses propres termes ?
L’article 1 restreint la liberté d’aller et venir, en créant «un dispositif d’interdiction de sortie du territoire » prononcée par le ministre de l’intérieur sans« aucune intervention du magistrat du siège […] garant des libertés fondamentales » comme l’a dénoncé Christine Lazerges, Présidente de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. De plus, comment présumer de la culpabilité d’une personne avant même son départ à l’étranger ? Cet article est source de dérives discriminatoires.
L’article 4 prévoit de nouvelles restrictions de la liberté d’expression en interdisant « l’apologie du terrorisme », notion très complexe en raison de la diversité des situations (Fabien qui a exécuté un officier nazi était « un terroriste »). Le fait, par exemple, de consulter un site réputé « terroriste » peut entraîner des poursuites. Mon article récent, sur ce blog, citant la psychiatre Samah Jabr qui affirme que « toutes les formes de luttes, pas seulement armées, sont légitimes contre l’occupation israélienne des territoires palestiniens » peut être réprimé au nom de cette nouvelle loi…
L’article 5 crée « un délit d’entreprise terroriste individuelle », qui pourra être sanctionné sans qu’il y ait eu de commencement d’exécution.
C’est une démarche strictement sécuritaire inutile, dangereuse pour les libertés publiques car elle peut être appliquée à n’importe quel mouvement social aigu. Une démarche qui fait l’impasse sur les conditions – sociales notamment – à l’origine du « terrorisme » contemporain.
Bernard DESCHAMPS
24/09/2014
Au moment de publier cet article j’apprends l’exécution de l’otage français Hervé Gourdel. Je m’exprimerai dans les prochaines heures sur ce fait dramatique et d’une extrême cruauté. Pour l’heure je tiens à affirmer qu’il ne remet pas en cause mon appréciation sur le projet de loi ci-dessus.