(Photo Midi Libre)

De Khadija Aoudia, en mémoire de la tragédie du 17 octobre 1961 à Paris *

Ils sortaient de la caverne,

pauvres de tout,

mais riches d’espérance.

Ils portaient la lumière dans leurs mains nues,

ces hommes venus d’Algérie,

ces travailleurs qu’on disait étrangers

sur une terre qu’ils avaient aidé à bâtir.

Ils ne portaient que des mots :

dignité, liberté, reconnaissance.

Des mots si simples

qu’ils paraissaient dangereux.

Mais dans la caverne,

ceux qui régnaient sur les ombres

craignaient la lumière.

Et parmi eux, un nom :

Maurice Papon,

gardien zélé de l’ordre et du mensonge,

crut protéger la cité en noyant la vérité.

Il jeta ses ordres comme des pierres,

et la Seine recueillit ce que la République refusait de voir.

Le fleuve devint une tombe,

et la nuit, un linceul de silence.

On effaça les pas,

on étouffa les cris,

on enferma la honte derrière des mots d’État.

Mais la lumière ne s’éteint pas.

Elle revient, patiente, obstinée,

dans le murmure de l’eau,

dans le souvenir des fils et des filles

qui refusent l’oubli.

Car on ne sort jamais vraiment de la caverne

tant qu’on n’a pas regardé ses propres ombres.

Et ce soir-là, à Paris,

c’est la France qui s’y est perdue,

en renvoyant ses enfants dans le noir.

Pourtant, quelque part,

au bord du pont de Bezons,

la lumière persiste.

Elle se glisse sur les eaux,

éclaire les visages sans nom,

et murmure aux vivants :

“Souviens-toi.

Ne détourne plus le regard.

Car le jour où la mémoire s’éteint,

c’est la caverne qui recommence.”

Khadija Aoudia

11 Octobre 2025·

•  La manifestation pacifique du 17 octobre 1961 répondait au couvre-feu imposé aux familles algériennes de la Région parisienne sur décision du Premier ministre Michel Debré dans le but de faire échouer les négociations en cours entre Louis Joxe délégué par le général De Gaulle et le FLN. La répression sous les ordres du sinistre Papon fut terrible, mais le FLN ne tomba pas dans le panneau, les négociations se poursuivirent et aboutirent aux Accords d’Evian du 18 mars 1962. BD