
Le mécréant et le « Notre Père »
En ce dimanche 3 décembre 2017, en prononçant le « Notre Père qui êtes aux cieux… », les chrétiens ne diront plus «Et ne nous soumets pas à la tentation » mais «Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». Ce n’est pas une modification mineure. En effet, d'après le Nouveau Testament, cette prière a été enseignée par Jésus-Christ lui-même à ses apôtres. Le texte se trouve, avec quelques variantes, dans les évangiles de Matthieu et de Luc. Sa traduction fut longtemps sujet de débats. Finalement, le 12 juillet 2013, le Vatican a approuvé la publication de cette nouvelle traduction en français de la Bible liturgique.
Pourquoi, cette modification m’interpelle-t-elle ? Bien qu’athée, j’ai conservé une certaine tendresse – sans nostalgie – pour cette prière si souvent prononcée lorsque j’étais enfant. Elle était un élan d’affection vers une divinité supposée que nous assimilions à un parent affectueux. Dite en choeur, elle prenait une force singulière.
Mais c’est une raison plus fondamentale qui motive mon intérêt. Cette modification ne remet pas en cause la notion de transcendance. Elle en appelle toujours à une puissance supérieure. Mais – au-delà des débats sur les traductions successives – elle modifie l’image que les Chrétiens souhaitent donner de leur Dieu. Selon eux, Dieu n’est pas un tentateur, il est au contraire Amour. Il peut agir afin que les humains ne cèdent pas aux tentations, sous-entendues avilissantes. Tout au long de l’histoire de l’Eglise catholique, Dieu fut, selon les circonstances, plutôt un Dieu punisseur ou plutôt un Dieu d’Amour. C’est ce message d’amour que l’Eglise veut transmettre aujourd’hui. En d’autres termes, il s’agit pour elle de conserver le socle qui constitue son identité en s’adaptant aux impératifs de notre époque. Une nouvelle fois, je suis subjugué par sa capacité, depuis 2000 ans, à s’adapter aux évolutions de son temps. Pour le meilleur (Vatican II) et parfois pour le pire (l’Inquisition).
Dans le prolongement d’une récente conférence de Dominique Vidal
Je suis avec intérêt les articles et les ouvrages de mon vieil et toujours jeune ami Dominique Vidal. Son étude signée avec Akram Balkaïd et publiée dans l’édition de décembre du Monde diplomatique est particulièrement stimulante en ce qu’elle remet en cause un certain nombre d’a-priori sur les motivations des auteurs des attentats dits « jihadistes ». Mais les réflexions qui suivent ont été suscitées par la conférence qu’il a prononcée récemment à Nîmes à l’initiative de France-Palestine-Solidarité dans le cadre du 100e anniversaire de la Déclaration Balfour. Il est évident que la poursuite forcenée de l’occupation des territoires palestiniens par Israël rend de plus en plus difficile l’existence de deux Etats. Les amis de la Palestine sont ainsi amenés à s’interroger : faut-il continuer à lutter pour cet objectif – qui est aussi celui de l’ONU – ou revendiquer un seul Etat démocratique et laïc, dans lequel tous les citoyens auraient les mêmes droits quelle que soit leur origine ? Nombreux sont ceux qui sont favorables à cette seconde alternative. Ce n’est pas mon opinion. L’adopter serait prendre acte de l’échec de la lutte pour deux Etats. Cet échec n’est pas écrit d’avance. Les récentes prises de position de l’ONU peuvent contribuer en Israël et dans le Monde, à un élargissement du champ des partisans de deux Etats. En Israël même, peut grandir l’idée qu’un Etat unique conduirait nécessairement à une situation comparable à celle de l’Afrique du Sud où les Blancs ont perdu leur hégémonie. A mon sens, cela vaut la peine de poursuivre le combat en faveur de deux Etats, Palestinien et Israélien, qui s’appuie sur la légalité internationale.
La mission prétendument civilisatrice de la France
Au cours d’un débat récent, plusieurs personnes, ont affirmé la valeur universelle des philosophies du siècle des Lumières. L’universalisme de l’exemple français. J’ai été amené à rappeler que cette prétention qui fonde la soi-disant mission civilisatrice de la France a toujours – et encore aujourd’hui – servi de prétexte aux expéditions militaires contre des pays que les nations dominantes voulaient asservir. Sans leur apporter l’instruction comme en témoigne la réalité de la scolarisation des enfants des pays colonisées avant les indépendances : 10% en Indochine et en Algérie ! J’ai également rappelé la relativité du progressisme des idées des philosophes des Lumières. Pour la plupart d'entre eux, la défense libertés politiques accompagnait celle de la propriété privée et la revendication du libéralisme économique face aux structures féodales qui entravaient le développement du capitalisme. La philosophie des Lumières était une adaptation aux besoins du capitalisme naissant.
Bernard DESCHAMPS
03/12/2017