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7 juillet 2025 1 07 /07 /juillet /2025 08:54

 

Comme en écho à l’ouvrage de Jacques Fath, le président des Etats-Unis se targue abusivement depuis 48 heures d’avoir rétabli la paix au Proche-Orient grâce aux frappes américaines contre des installations nucléaires iraniennes dans la nuit du 21 au 22 juin.

« La paix par la force ».C’est précisément le sujet majeur de  ce livre (1) dont la postface a été rédigée par l’universitaire libanais Antonios Abou Kasm, qui prend le contrepied de cette théorie, chère hier à Busch junior et aujourd’hui au président fascisant Ronald Trump, alors que toutes les guerres engagées par l’Occident ont été « des échecs stratégiques et politiques [...] Somalie, Afghanistan, Irak, Lybie ».

Dans une première partie, l’auteur s’interroge : « Qu’est-ce que la guerre ? La violence serait-elle dans les gênes de l’être humain, dans son ADN ? Certes, l’être humain a un potentiel de violence, mais, citant de nombreuses études sur ce sujet, il montre que la guerre – comme « conflit légitimé par la société et organisé par les hommes qui détiennent le pouvoir » (P.12), est « un fait social et politique, une construction sociale » (P.12). Les « actes de violence sont rares dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs paléolithiques : l’Homme n’est donc pas le descendant d’un singe tueur, la violence n’est pas inscrite dans ses gènes » (P.13). Ce n’est qu’à partir des premières civilisations agricoles que l’homme créé des richesses, des surplus, une capitalisation qui attise les convoitises et produit de la concurrence, d’où le développement de conflits intra et inter communautaires. Les premières guerres remonteraient à l’Age de Bronze, « après le Néolithique » (P.12), avec l’invention de l’arme comme outil spécifiquement dédié à la guerre et qui va devenir à son tour un moteur économique et social, amorçant la course aux armements. La guerre par un besoin de centralisation est à l’origine de la création des Etats qui acquièrent le monopole de « la violence physique légitime » (P.22). Une échelle de valeurs va en découler qui vont être le fondement de la bataille idéologique toujours en cours : l’exaltation de la patrie et de la bravoure apanage de la virilité. L’idée que les conflits ne peuvent se régler que par l’usage de la force. Ce qui conduit certains chercheurs à s’interroger sur  la notion de progrès. L’humanité a-t-elle progressé ? L’être humain maîtrise-t-il les techniques de plus en plus sophistiquées qu’il invente ? « Les pouvoirs politiques se montrent de moins en moins capables de maîtriser les effets d’un système  qui manifestement, atteint des limites et même des impasses face à la montée des problématiques globales d’insécurités majeures, de transformation climatique, de destructions écologiques, de reculs démocratiques, d’inégalités sociales dans des contextes de militarisation » (P.33). L’intervention US en Iran sans consultation du Congrès américain ni l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, en est une grave illustration.

Nous sommes entrés dans une « « période de violences armées désinhibées » où tous les domaines sont investis, cybernétique, spatial, spectre électromagnétique, la robotisation issue de l’intelligence artificielle, les technologies de « l’augmentation», «l’homme augmenté », etc. De nombreuses pages sont consacrées par l’auteur  aux thèmes  de la propagande militariste : « guerre dite indirecte », « guerre hybride » », « guerre avant la guerre »… Et la « guerre préventive » thème majeur utilisé par Israël et les Etats-Unis pour justifier leurs agressions.  C’est se situer volontairement dans un contexte de guerre permanente.

Après la « réduction drastique » des arsenaux nucléaires dans les années qui suivirent l’effondrement de l’URSS et la fin de l’antagonisme Est-Ouest, y-a-t-il aujourd’hui un retour du nucléaire ? Les pages 92 à 103 sont consacrées à la guerre en Ukraine qui se déroule à nos portes, en Europe. L’auteur analyse avec minutie le contexte politique et militaire dans lequel s’est produite l’agression injustifiable et condamnable de la Russie, ainsi que les responsabilités de l’OTAN et des Occidentaux dans son déclenchement. Cette guerre est le prétexte à une course dangereuse aux armements y compris nucléaires dont la puissance destructrice est infiniment supérieure aux bombes d’Hiroshima et de Nagasaky en 1945. La notion de  « dissuasion » est un leurre.  « Nous ne sommes pas à l’abri, d’un accident, d’une erreur, d’une escalade non maîtrisée »

Comme l’affirme l’auteur, dès la préface (P.9) : « Face aux défis de la guerre et de la paix, les réponses appellent donc à des changements fondamentaux dans la façon de penser et d’agir sur le monde (soulignés par moi, BD)» « Il faut laisser la place à la diplomatie, à des solutions négociées possibles, et refuser la pression prioritaire à la militarisation » (P.47).

C’est cette logique nouvelle qui avait été inaugurée par la Société des Nations (SDN, 1919), le Pacte Briand-Kellog (1928) et enfin l’Organisation des Nations Unies (ONU, 1945) dont la Charte installa le principe de l’interdiction de la menace et du recours à la force. « Ce fut une avancée politique considérable dans l’histoire des relations internationales » (P.124). On assiste aujourd’hui, avec la remise en cause où la fin des Traités de limitation ou d’interdiction de certaines armes dont l’arme nucléaire (P.73), à une « décomposition de l’ordre international libéral instauré après 1945 » (P.50) qui peut conduire au pire. Cette évolution n’est pas irréversible comme en témoignent certains mouvements tels la naissance des BRICS longuement étudiée avec leurs contradictions, des pages 82 à 87.

L’ONU, « parfois très critiquée », a pourtant a joué un «rôle crucial » pour prévenir des conflits et promouvoir des solutions pacifiques, et  les Agences qui en dépendent jouent un rôle positif. Pensons à l’UNRWA et à son action à Gaza. Mais elle a été impuissante face à certaines situations, en Palestine par exemple. Ce qui ne remet pas en cause sa nécessité, elle représente la légalité internationale, ni la justesse de ses décisions, mais Il nous faut « restaurer le droit contre la force » dans les conditions d’aujourd’hui. Ainsi du Conseil de sécurité qui n’est pas représentatif du Monde actuel et qui est paralysé par  le droit de veto hérité de 1945, dont bénéficient les 5 membres permanents, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie.

La réforme de l’ONU est le sujet de la postface passionnante rédigée par Antonios Abou Kasm, ancien doyen de la Faculté de Science politique et des Relations internationales de l’Université La Sagesse (Liban). Celui-ci, en spécialiste du droit lui consacre une étude très fouillée que je m’abstiendrai de résumer de crainte d’en édulcorer la richesse. Un livre qui arrive à son heure, à lire assurément.

Bernard DESCHAMPS

1-Jacques Fath, La guerre, le droit et la paix, éditions du Croquant, avril 2025.

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