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13 mai 2025 2 13 /05 /mai /2025 06:47

 

Dans mon livre Les Gardois contre la guerre d’Algérie (2002).

L’année 1957 s’est terminée par l’arrestation, le 23 décembre, de 13 responsables F.L.N. de la région d’Alès. Ce  qui n’empêchera pas les actions armées du mois d’août suivant.

En 1958, tout bascule. L’armée, avec Massu et Salan, se  soulève et un «  comité de salut public et militaire » s’empare  des pouvoirs, le 13 mai, à Alger.

La IVème République se saborde. De Gaulle est investi  président du Conseil  par l’Assemblée Nationale, sans avoir été  élu, le 1er juin 1958, par 329 voix contre 224.

Ont voté contre : les 141 députés communistes : 49  députés socialistes sur 93 : 18 députés radicaux sur 57. Parmi  les opposants, on note Pierre Mendès France, François  Mitterrand, Daniel Mayer, Edouard Depreux, Tanguy Prigent,  Oreste Rosenfeld... Les députés gardois de gauche ont tous  voté contre l’investiture : Gilberte Roca, Gabriel Roucaute,  Robert Gourdon. Edouard Thibault (M.R.P.) a voté POUR,  ainsi que Georges Julliard.

Du 4 au 7 juin, le Général de Gaulle se rend en Algérie  où il prononce la célèbre phrase : « Je vous ai compris »  dont  l’ambiguïté alimentera toutes les spéculations.

Une page de l’histoire de notre pays, ouverte en 1945 à la  Libération, se tourne. Une nouvelle Constitution sera votée en  remplacement de la Constitution de 1946, le 28 septembre  1958. Elle concentre les pouvoirs entre les mains du Président  de la République, au détriment du Parlement. C’est cette  Constitution, de caractère présidentialiste  qui continue  d’être  aujourd’hui, avec quelques modifications, la loi suprême de  notre pays.

Mais revenons aux premiers mois de 1958, avant le coup  d’Etat du 13 mai. Le 8 mai, plusieurs personnalités gardoises  adressent une lettre aux députés du Gard pour demander que le  gouvernement français négocie la paix en Algérie. Parmi les  signataires, on relève les noms de Jean Coin, secrétaire général  de l’Enfance Ouvrière Nîmoise au Grand Air ; de Raymond  Huard et Maurice Cling, professeurs au Lycée Daudet ; de  Madame Schwartz de l’U.F.F. et André Bédrani, responsable  du syndicat C.G.T des cheminots.

Du 4 au 11 mai se déroule une semaine d’action du  Mouvement de la paix contre la menace atomique. La  Marseillaise indique que 60 000 signatures ont été recueillies  dans notre département, contre l’installation de rampes de  lancement de fusées dans le sud de la France.

Le 4 mai 1958, un jeune communiste d’Aigues-Mortes,  Marc Sagnier, écrit au Président de la République, son refus de  porter les armes contre le peuple algérien, prenant ainsi le  même chemin qu’Alban Liechti en 1956.

A partir du 13 mai, les actions pour la paix en Algérie et   contre la politique de De Gaulle vont être intimement  associées.

La solidarité avec Marc Sagnier, qui se manifestera  surtout dans le Bas-Gard, sera pour de nombreux militants  anticolonialistes, une motivation supplémentaire dans leur  engagement).

Les conditions dans lesquelles De Gaulle revient au  pouvoir font craindre l’instauration d’un régime de caractère  fasciste. Les sièges des partis politiques et des syndicats ainsi  que les édifices publics sont gardés jours et nuits par des  militants de gauche. Une intense activité, souvent dans l’unité retrouvée de la gauche, va se développer, jusqu’en septembre,  pour le NON au référendum.

Dès le 25 mai, 53 personnalités déclarent : « Le maintien  des institutions républicaines et le rétablissement de la paix en  Algérie [sont] indissolublement liés ». Parmi ces personnalités : le Professeur Jean Brunel, une des figures emblématiques  du Mouvement de la paix gardois; Jean Coin ; Jean Chabanis ;  Maurice Cling ; Raymond Chavagneux ; Elise Colomb ; Dr  Guigou ; Emile Grevoul ; Raymond Huard ; Camille Hugues ;  Louis Ibanez ; Pierre Jalatte ; Robert Martin ; Alfred Nègre ;  André Raulet, président départemental de la Ligue des Droits  de l’Homme ; André Sarran de la Fédération des œuvres  laïques ; Fernand Vigouroux...

Le lendemain de la parution de ce texte, le Conseil  général du Gard vote une résolution qui manifeste  l’attachement  de l’Assemblée départementale « à la  République » et, fait exceptionnel, décide de l’éditer et de la  faire apposer dans toutes les mairies. Cette résolution est  adoptée par 26 voix contre deux abstentions (Albert Drouot et  Joseph Cartier) à l’issue d’un débat au cours duquel  interviennent le Dr Jean Bastide (S.F.I.O) ; André Marquès  (P.C.F.)  qui fut interné en Algérie lors de la mise hors la loi du  Parti Communiste Français en 1939 ; le Dr Viala, maire de  Remoulins et Désiré Rousset, secrétaire fédéral du parti  socialiste S.F.I.O.

Des réunions publiques et des manifestations sont  organisées dans tout le département : le 29 mai à Aigues Mortes avec les 3 maires et le conseiller général : M.M.  Ramain, Mehoulet, Molinier et Jean Bastide. A Cassagnoles, la  fête du P.C.F., le 6 juillet, réunit plusieurs milliers de  personnes avec Georges Seguy. 3 000 personnes dans les  arènes de Beaucaire où le maire, M. Cestin, prend la parole. Le  25 juin, sous la plume d’Emile Bondurand, La Marseillaise  révèle l’existence, à l’Ardoise, d’un camp d’internement de 25  hectares, entouré de barbelés et destiné à des algériens. Le 6  juillet, le Dr Guigou qui vient de créer l’Union de la gauche  socialiste, prend des positions particulièrement avancées : « Les Algériens ont pris les armes comme ultime recours pour  faire respecter leur droit à une vie normale » et il se prononce  pour le NON au référendum et pour la « Paix en Algérie sur la  base de la reconnaissance de l’indépendance algérienne ». Un Comité départemental pour le NON au référendum qui regroupe les partis de gauche, plusieurs syndicats, des  personnalités, des organisations. Ce comité élit le Dr Emile  Guigou à sa présidence. Le 30 août, Jacques Duclos tient un  meeting à Vergèze où il appelle, en présence de M. Monteil,  maire socialiste, à voter NON au référendum.

Le parti socialiste S.F.I.O. réunit ses instances afin  d’arrêter sa position. Que va-t-il décider ?

Le congrès fédéral du Gard se tient le 31 août, sous la  présidence de Paul Béchard. Il se prononce à 75 % pour le  NON, vote d’autant plus remarquable que, majoritairement, à  l’échelle nationale, la S.F.I.O. se veut «  à l’avant-garde de la  5ème République ». Son congrès national se prononce pour le  OUI, entraînant le départ de militants socialistes en vue comme

Edouard Depreux et Jean Bastide dans le Gard, qui vont créer  le  « Parti socialiste S.F.I.O. autonome », le P.S.A. qui  deviendra par la suite le P.S.U. après la fusion avec l’U.G.S.  (Union de la gauche socialiste).

Quelques jours auparavant, le gigantesque incendie de  Mourepiane et les explosions d’Alès, le 31 août, auraient pu  jeter le trouble dans la population. Loin de condamner cet acte  de guerre du F.L.N., la fédération des Bouches du Rhône du  P.C.F, le présente comme « la conséquence de la guerre  d’Algérie » et à Alès, Gabriel Roucaute déclare : « La  provocation n’est pas exclue... Seule la paix en Algérie peut  mettre fin à de tels actes ».

Un ultime meeting pour le NON se tient à Nîmes, le 25  septembre, sous la présidence de Géo François où, prennent la  parole, André Sarran (Fédération des oeuvres laïques), Fouques  (Union des forces démocratiques), Fernand Vigouroux (Union  de la gauche socialiste), Gabriel Roucaute (P.C.F.), le Dr  Bastide annoncé s’est excusé. (Voir en annexe son analyse de  la prise du pouvoir par De Gaulle).  La bataille unitaire menée dans le Gard n’est pas sans  résultat : le NON à la Constitution gaulliste y recueille, le 28  septembre, 32,5 % alors qu’il n’obtient que 20,75 % à l’échelle  nationale.

Découragés par la gauche après l’espoir de paix de 1956,  huit Français sur dix qui se sont exprimés, font confiance à De  Gaulle, l’homme du 18 juin 1940, en qui ils voient « un homme

providentiel ».

Dans le prolongement de ce plébiscite, les élections  législatives du 23 novembre et du 30 novembre 1958 donnent  la victoire au parti gaulliste (U.N.R.) qui obtient 187 sièges de  députés sur 464. Dans le Gard, un seul siège reste à gauche,  celui de Paul Béchard. Trois députés de droite sont élus : Pierre  Gamel, Jean Poudevigne et Edouard Thibault. Le P.C.F. n’a

plus que 10 députés à l’Assemblée nationale. Gilberte Roca et  Gabriel Roucaute qui pourtant ont lutté pied à pied, dans des   conditions particulièrement difficiles, pour la paix en Algérie,  ne sont pas réélus.

Dure, dure année que l’année 1958. Léon Vergnole,  l’ancien maire communiste de Nîmes, qui fut également  Conseiller de la République à la Libération, est décédé le 23  août. En octobre, le département du Gard est frappé d’une  catastrophe, sans précédent : les pluies d’automne entraînent  des inondations qui font 34 morts, 5 disparus et 20 000 sinistrés.

Année terrible...

Bernard DESCHAMPS

2002

 

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