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13 mars 2025 4 13 /03 /mars /2025 08:08

 

Dans le N°131 de la revue « Recherches internationales », l’économiste et ancien ministre tunisien dans le gouvernement de Mehdi Jomaa (2014-2015), Hakim Ben Hammouda, s’interroge sur le retour de la question de la souveraineté nationale « au centre des préoccupations des analystes et des acteurs politiques ».

Il note que « Ce retour en force de la question de la souveraineté est venu rompre trois décennies de consensus sur la sortie de cette problématique suite au développement rapide de la globalisation qui annonçait la fin des frontières de l’Etat national», tel que défini par « la paix de Westphalie en 1684 ». (p.127)

L’article analyse la naissance et le développement des Etats-nations et de la souveraineté « fondement de la vie politique et sociale » ; les expériences « d’intégration régionale » qui  ont « amputé l’Etat-nation d’une partie de ses prérogatives » et « la fin de la souveraineté nationale ». (p.130 à 132)

Le développement des forces productives conduit certes à l’internalisation de l’économie, de même que les pandémies et le réchauffement climatique nécessitent des traitements à l’échelle du Monde, mais cela implique-t-il nécessairement un état de dépendance et l’effacement des Etats-nations ?

Les analyses de Marx nous permettent d’avoir une autre grille de lecture. La recherche du profit maximum par les détenteurs des moyens de production et la « baisse tendancielle du taux moyen de profit » conduisent à la recherche d’investissements industriels dans les zones de bas salaires et d’absence de protection sociale, à la dépendance des Etats et à la destruction d’unités de production.

Il ne suffit donc pas de constater que « Les crises à répétition […] ont démontré la fragilité de la globalisation et son incapacité à faire face aux grandes inquiétudes et aux grands bouleversements à commencer par les crises financières de 2008 et 2009… » (p.133). Il faut mettre en question et combattre le mode de production capitaliste.

HBH ne propose pas d’en revenir à la conception traditionnelle de la souveraineté nationale, mais d’inscrire celle-ci « dans une quête d’équilibre entre l’ouverture nécessaire sur le monde global » (p.134). Afin d’éviter le repli nationaliste chauvin.

Frank Baron qui a coordonné ce dossier de Recherches internationales, note à ce sujet dans sa présentation : « La notion de souveraineté […] peut être vue comme la justification d’un repli sur le cadre national et d’une affirmation de la puissance de chaque Etat au détriment des autres […] Cette conception non coopérative de la souveraineté nourrit l’impérialisme et ses manifestations que sont la guerre économique ou l’affrontement militaire. » (p.46) Les déclarations et les premières décisions du nouveau président des USA, semblent en effet confirmer ce danger.

Dans ce contexte, quid des pays du Sud global ? L’auteur s’interroge sur ce concept de Sud global. Ce « signifiant flottant » selon Claude Lévi-Strauss, en raison de la diversité des pays qu’il regroupe, aux « niveaux de croissance et de puissance économique différents » (dont l’Algérie à « revenu intermédiaire », p.140), en guerre  entre eux pour certains.

Leur  abstention majoritaire à l’égard de la guerre russe en Ukraine fut une « surprise pour les Etats-Unis et leurs alliés européens » habitués à ce qu’ils se tiennent à leurs côtés. « Elle est devenue une position générale de mécontentement et de rejet du système global » (p.135). De son « incapacité à construire des relations de coopération véritable pour stimuler la croissance ». De son maintien d’une « domination post-coloniale » (p.136).

Les BRICS -  Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Iran, Égypte, Émirats arabes unis, Indonésie, Éthiopie -  constituent à cet égard la « quête d’un ordre international plus juste », ainsi qu’un « nouveau cadre stratégique de formulation des politiques  économiques et notamment le retour à la notion de souveraineté » (p.140). « Une nouvelle vision stratégique du développement qui cherche à réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger en reconstruisant une partie de l’autosuffisance dans certains secteurs importants sans chercher à fermer les frontières nationales » (p.141). Une « souveraineté ouverte ».

Ce renforcement des capacités nationales dans différents secteurs stratégiques, ne « signifie pas la sortie de l’économie globale ou une rupture avec le monde global », nous dit l’auteur  (p.142). Le mode de production capitaliste, reste donc à dépasser. Ce que ne dit pas Hakim Ben Hammouda mais que son propos sous-entend.

Bernard DESCHAMPS

12 mars 2025

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