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21 janvier 2025 2 21 /01 /janvier /2025 08:31

 

Il faisait froid sur Paris, mais que la ville était belle sous le soleil. Les immeubles haussmanniens irradiaient et le Palais Bourbon dressait plus fièrement que jamais ses  colonnes face au pont  de la Concorde.

J’éprouve toujours, au pied de cet imposant monument, dédié à la famille royale avant de devenir le siège de la représentation nationale, un profond sentiment de continuité de la nation française par-delà les ruptures, les guerres et les révolutions. C’est sans doute cela que l’on appelle le patriotisme, sentiment fort décrié de nos jours. Mais j’assume. Pour la première fois depuis de nombreuses années je reviens assister avec Cécilia et Charles, à une séance de l’Assemblée nationale. Nous sommes chaleureusement accueillis par les fonctionnaires de l’Assemblée, parmi lesquels un Gardois de Bagnols-sur-Cèze.

L’effervescence des grands jours

L’hémicycle comble bruisse de centaines de conversations. Le silence s’installe rapidement, comme suspendu,  quand la présidente de l’Assemblée nationale, Mme  Yaël Braun-Pivet,  prend place au perchoir. La tension est palpable. Après les formules d’usage, le Premier ministre François Bayrou monte à la tribune, applaudi par la « macronie ». Il va pendant plus d’une heure trente dérouler un discours lénifiant avec l’objectif évident de désamorcer les velléités de censure de son gouvernement par des formules ambiguës donnant le sentiment de prendre en compte les souhaits des députés. Le « contorsionniste » titrera le lendemain le journal Le parisien.

Cette déclaration de politique générale débute par une longue énumération des politiques inflationnistes de tous les gouvernements depuis la Libération. La dette ! la dette ! Tous les partis, nous dit-il, qui ont participé au gouvernement sont coupables. Le RN n’y ayant participé, est ainsi dédouané. C’est le premier gage donné au parti de Marine Le Pen. Il y en aura d’autres : un pas vers la proportionnelle, la création d’une  « Banque de la démocratie » destinée au financement des partis politiques…

Et pour donner l’illusion d’un équilibre, l’annonce de l’abandon de la suppression de 4 000 postes dans l’Enseignement afin de séduire le Parti socialiste. Mais le compte n’y est pas. La proposition de conclave des « partenaires sociaux »  qui a trois mois pour conclure un accord sur les retraites, sinon c’est la réforme Borne qui sera appliquée, apparait comme un attrape C…

La prestation du Premier ministre est bien sûr émaillée d’interpellations, de lazzis, comme toujours lors des débats de l’Assemblée nationale, mais bien moins que dans d’autres séances que j’ai connues. Les différents groupes politiques vont ensuite s’exprimer. C’est le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (communistes et apparentés) qui s’exprime le premier. Suivi de Boris Vallaud du groupe socialiste qui m’est apparu mal à l’aise. En écoutant le vice-président du groupe RN, j’ai été surpris par le ton. Au-delà du discours de haine contre les immigrés, j’avais le sentiment – que je n’avais pas ressenti à la télévision – d’entendre les diatribes des chefs nazis de la Deuxième guerre mondiale. La reprise de leurs thèmes par le RN s’accompagne de la copie de leur style. Effrayant ! Mathilde Panot qui lui succède est par contre beaucoup moins véhémente que l’image qui en est donnée dans les médias.

Le résultat des votes deux jours plus tard sur la motion de censure déposée par la France insoumise confirmera mes impressions de séance. La droite, les macronistes et le RN ne la voteront pas. Elle recueillera les voix de la FI, des Ecologistes, de 8 socialistes sur 36, de 16 communistes et apparentés sur 17. Au total, 131 voix sur 577 députés. Le gouvernement de Bayrou n’est pas censuré. Il est en sursis.

La foi des bâtisseurs

Heureusement que nous avions réservé, cela nous a épargné la longue file d’attente à l’entrée de Notre Dame. Ce n’est plus le lieu sombre dont j’avais gardé le souvenir. Les piliers et la voûte de la nef et des déambulatoires ont retrouvé leur blondeur originelle  mise en valeur par un éclairage discret mais efficace. Les rosaces et les vitraux ont dans ce cadre retrouvé leur éclat.  Les baies géminées en arc brisé des tribunes sont d’une grande finesse et d’une rare élégance. J’ai remarqué dans les chapelles des tapisseries d’Henri Matisse, de Georges Braque, de Mario Prassinos…auxquelles sont venues s’ajouter les œuvres de deux artistes contemporains, Miquel Barceló et Michael Armitage.

L’être humain animé d’un idéal est capable de grandes choses. C’est dans leur foi en Dieu que les bâtisseurs de cathédrales puisèrent la force et l’intelligence pour réaliser Notre Dame, témoin irremplaçable d’un moment de notre histoire. Des gens aussi se dévouent par idéal. C’est avec la volonté de bâtir un monde meilleur que les Communards de 1871 montèrent héroïquement, comme le déclara Karl Marx,  « à l’assaut du Ciel ». Mais le génie du mal aussi existe.

Nadia Léger

Un ciel bas et sombre recouvre ce matin Paris, hier si resplendissant. Triste. Je retrouve la lumière avec Nadia Léger au musée Maillol. Dès l’entrée, une impressionnante galerie de portraits, Marx, Lénine, Marcel, Cachin, Maurice Thorez…accueille les visiteurs aux accents de l’hymne de l’Union soviétique, « Sois glorieuse, notre libre Patrie » accompagnant les marins de Cronstadt montant à l’assaut du Palais d’hiver en Octobre 1917.

Nadia  Khodossievitch-Léger née en 1904 à Minsk en Biélorussie, était communiste. Membre du parti communiste français auquel elle avait adhéré en 1933, elle fut successivement une ardente militante du Front populaire en 1936, Résistante sous l’occupation nazie, propagandiste soviétique et …peintre. Elle ne cessa jamais de peindre.  Des œuvres souvent militantes. Dans l’ombre de Fernand Léger, son apport est méconnu. Cette rétrospective au musée Maillol permet de  découvrir les multiples facettes  de son talent et la richesse de ses créations. Alternativement, suprématiste (Presse papier, 1920), cubiste, réaliste, elle faisait preuve nous dit Aragon, « d’une dextérité très grande ».  Au fil des salles, je découvre Jeune fille aux nattes (1921) ; Le serment d’une Résistante (autoportrait  1941) au regard résolu ;   Nature morte au samovar (1957) (J’ai le même à la maison rapporté d’un voyage en Union soviétique dans les années 70) ; Trois portraits aux regards étonnants de vérité : Jeannette Vermeersch (1953), naïveté ? ; Danielle Casanova (1953), lumineux ; Elsa Triolet (1955) sévère. En 1953, lors de la mort de Staline, Les lettres françaises sous la direction de Louis Aragon, lui  consacre un numéro spécial  avec en première page un portrait dessiné par Picasso qui le représente jeune. Ce n’est pas un portrait réaliste, il fait scandale. En riposte, Nadia Léger peint Staline et la pionnière. En 1953 toujours, ce   sont La marchande de poissons,  Les constructeurs et Les mineurs, dans le style de Fernand Léger, mais en l’occurrence l’élève, à mon sens, a dépassé le maître. Puis nous aurons en 1963, Gagarine et la conquête de l’espace.

J’ai revécu, visitant cette exposition, ma jeunesse de militant ayant adhéré en 1951 au parti communiste français. Deux ans donc avant la mort de Staline. En plein culte de la personnalité du dirigeant soviétique dont les crimes seront révélés au XXe congrès du PCUS en 1956 par Nikita Khrouchtchev. J’ai relaté dans Une vie, le drame de conscience que nous vécûmes alors et le réexamen douloureux des bases idéologiques de notre engagement. Mais je vibre encore à l’écoute de l’hymne soviétique qui incarnait pour nous la Révolution victorieuse.

Je terminerai la soirée par un concert dans la petite église du XVIIIe siècle, Saint-Ephrem-le-Syriaque,  dans le Quartier latin.

Jusepe de Ribera (1591-1652)

Le « ténébrisme extrême » du peintre d’origine espagnole qui fit toute sa carrière en Italie est à l’unisson du temps encore aujourd’hui sur Paris, sombre. Aux 16e et 17e siècles, la monarchie espagnole règne sur l’Europe. Ce sont les siècles de la Renaissance italienne. On connait de Ribera notamment Le Pied-bot (1642), exposé au musée du Louvre. Pour la première fois en France, le Petit Palais organise une rétrospective de l’héritier terrible du Caravage. Nous avions, avec Annie,  longuement admiré à Rome les clair obscurs de La Vocation et du Martyre de Saint Mathieu (1600)  dans  Eglise Saint-Louis-des-Français. Nous retrouvons exacerbée cette approche chez Ribera. Plus sombre et les couleurs plus éclatantes. Des portraits surprenants comme La femme à barbe (1631) qui a réellement existé ; ou d’une criante vérité comme La vieille usurière (1638). « C’est une furie de pinceau, une sauvagerie de touche, une ébriété de sang dont on n’a pas idée. » écrira Théophile Gauthier en 1877. Une dramatisation qui frôle parfois le sadisme. Le sourire satisfait des bourreaux dans Le couronnement d’épine (1591). L’horrible cri du satyre Marsyas torturé par Apollon au visage d’ange (1637).

Au total, trois riches journées en compagnie de Cécilia et de Charles.

Bernard DESCHAMPS

20 janvier 2025

PARIS 2025
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commentaires

M
Mes respects Monsieur.<br /> Je suis journaliste algérien et j'aimerai bien faire avec vous un entretien sur la situation actuelle entre Alger et Paris
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D
Merci Bernard pour ce beau récit de voyage. DJ
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