
Le « en même temps » de Macron est à la mode. Caricature de la dialectique, il vise sous prétexte d’objectivité à créer la confusion, à cacher les véritables objectifs des puissances d’argent et en définitive à nourrir le pessimisme dans un monde qui s’interroge et cherche à sortir de la spirale de catastrophes vers lesquelles elles nous aspirent.
Il n’est pas l’apanage des seuls politiciens, c’est la démarche de nombreux auteurs. C’est celle du philosophe Jean Vioulac.
S’y attarder peut sembler un peu vain, sauf que portés par les médias dominants, ils exercent une certaine influence. Vioulac a reçu en 2016 le Grand prix de philosophie de l’Académie française pour l'ensemble de son œuvre et il écrit dans le journal – comme chacun sait progressiste – Le Point, dont le propriétaire est le fils du milliardaire François Pinault, François-Henri dont la rémunération 2018 a été fixée à 5,8 millions d’euros lors de l’Assemblée générale du groupe Kering.
Comme il est désormais de bon ton – c’est un signe des temps – au plan philosophique Jean Vioulac se réclame de Marx, et « en même temps » d’Hegel, de Husserl, de Nietzsche et du nazi Heidegger (« Heidegger, toujours actuel, hélas », titrait le journal l’Humanité le 1er octobre dernier). Au plan politique il se dit proche du marxiste slovène Slavoj Zizek ; de Giorgio Agamben et de Peter Sloterdjik qui se réclament eux-aussi d’Heidegger ; du situationniste Anselm Jappe ; de Pierre Dardot et Christian Laval les théoriciens du concept de « commun » ; de Franck Fischbach et de Jean-Claude Michéa. Tout et son contraire.
Tout l’art de Jean Vioulac est de privilégier certains aspects de la réalité du capitalisme et d’interpréter, voire de déformer, la pensée de Karl Marx pour nous démontrer qu’il n’est désormais plus possible de nous affranchir de nos chaînes. Vioulac critique la prétendue nécessité de s’adapter au marché mais il affirme que : « …peut-être qu’il n’y a plus rien à faire […] peut-être que la catastrophe globale va emporter l’être humain […] des extinctions d’espèces, ça arrive, c’est même assez fréquent de nos jours. L’espèce humaine disparaîtra, ce n’est qu’une question de temps. »
Si après cela vous n’êtes pas candidat(e) au suicide, vous êtes solide. Ou tout simplement vous avez confiance en l’homme et en sa capacité à trouver les bonnes solutions aux problèmes qui se posent à lui/elle.
Comment Vioulac justifie-t-il cette vision apocalyptique ? Selon lui : « la technologie modifie les rapports de pouvoir : à partir du moment où l’on a reconnu que la technique elle-même est une puissance dominante, il faut redéfinir la domination en termes de technocratie. » et donc, contrairement à l’analyse de Marx, l’antagonisme entre « la grande bourgeoisie et le prolétariat », ne définit plus » les sociétés industrielles » d’aujourd’hui. Or, « Tout le problème de la technique aujourd’hui, c’est qu’on a dépassé les seuils de ce qui est gérable par l’être humain […] c’est vrai surtout pour la finance mondiale : à Wall Street il n’y a personne. La bourse n’est pas à Wall Street, elle est dans le New Jersey où il y a […] des centaines de serveurs informatiques. ». Et au cas où nous n’aurions pas compris, il enfonce le clou : « ceux qui dominent aujourd’hui ne sont pas ceux qui sont seulement riches, mais ceux qui ont le savoir. » et il ajoute : « Il n’y a plus de pilote dans la machine. ». Sauf que ce sont des humains qui programment ces machines. Occultée la responsabilité essentielle des propriétaires des moyens de production et d’échanges. La famille de François Pinault peut dormir tranquille!
Les humains sont désormais selon Vioulac dans l’incapacité de modifier ce cours des choses pour une autre raison : « le fondement pathologique de l’être humain […] on ne peut pas définir l’humanité par la rationalité, par la sagesse, il faut définir l’humanité par une folie originelle » et il en rajoute une couche en considérant l’être humain de plus en plus aliéné par le « système ». Fermez le ban, le tour est joué !
Conclusion : étudiez Marx et ne vous laissez pas enfumer par de faux disciples.
Bernard DESCHAMPS
22 octobre 2018
- Les citations sont extraites de « Approche de la criticité » ( Jean Vioulac, PUF, 17/01/2018) et de « Contre la machine capitaliste » sur le site de Grozeille, 12 mars 2018.