Au cours des douze derniers mois (pour nous en tenir à cette période), le Gard a connu un certain nombre d’évènements et de faits très préoccupants: la profanation de tombes musulmanes à Tarascon (si proche du Gard) ; l’agression contre un Israélite à Nîmes ; la manifestation des revanchards de « l’Algérie française » contre un colloque d’historiens en mars dernier à Nîmes et les menaces de mort adressées à son coordinateur ; puis le résultat de la candidate lepéniste arrivée en tête à l’ élection présidentielle et l’élection d’un député frontiste ; enfin ces jours derniers, les injures racistes proférées dans les arènes du Cailar et les coups de feu tirés à Aigues-Mortes...Ces faits graves que je mets volontairement sur le même plan, car ils ont un fond commun, la haine de l’étranger, feraient-il du Gard un département devenu soudainement xénophobe et raciste ?
Ce n’est pas nouveau. Le pogrom des Italiens à Aigues-Mortes en 1893 ; la présence forte de la milice pendant la deuxième guerre mondiale et, plus près de nous, les manifestations de l’OAS pendant la guerre d’Algérie, témoignent de l’existence, dans ce département, d’un tel courant d’opinion et d’une grande perméabilité de la droite dite classique et de certains éléments de la gauche, aux idées d’extrême-droite..
Mais le Gard c’est aussi la cache des Huguenots persécutés pendant les dragonnades; le soutien apporté aux résistants au nazisme, parmi lesquels des résistants allemands, vietnamiens et soviétiques ; la protection d’enfants juifs sous l’occupation. C’est, pendant la guerre d’Algérie, les grandes manifestations pour la Paix ; l’accueil de militants algériens par la CIMADE ; le refus du jeune communiste Marc Sagnier d’Aigues-Mortes de porter les armes contre le peuple algérien et son internement pendant 11 mois au bagne de Tinfouchy dans le Sahara. Le Gard c’est aussi l’action persévérante du Réseau d’Education Sans Frontières, des groupes qu’il a fédérés et de juges courageux.
A la vérité, les deux courants forgés par l’histoire se perpétuent en se renouvelant, et, selon les époques, c’est l’un ou l’autre qui prévaut.
Il est devenu commun de constater que, c’est en périodes de crise économique, de chômage, de difficultés sociales, de misère, que prolifèrent les manifestations xénophobes. C’est le cas aujourd’hui. Il faut donc agir avec détermination contre les causes de ces crises. Ainsi il est vital aujourd’hui de refuser le carcan du traité Sarkozy-Merkel qui, s’il est adopté, va générer une aggravation sans précédent de la crise économique et sociale. Le Président Hollande est, à cet égard, devant un choix crucial : ou céder devant les lobbies de la finance, ou résister.
Il faut aussi sans attendre, combattre les idées racistes. En effet, si la crise favorise leur développement, elle ne fait pas pour autant de chaque privé d’emploi, ou de chaque agriculteur en faillite, un raciste en puissance. Ce sont les idées dont les individus sont porteurs qui les font agir. Et il est évident que la propagande du parti lepéniste fait beaucoup de mal et que l’élection d’un de ses candidats à l’Assemblée Nationale contribue à banaliser, crédibiliser, à propager ces idées criminelles. Aucune manifestation raciste ne doit être tolérée. Toutes doivent être combattues avec fermeté, de façon argumentée et sanctionnées comme la loi l’exige. Je salue à cet égard la réaction immédiate et courageuse d’André Génot le secrétaire de la section « Petite Camargue » du PCF et des amis du Front de Gauche qui ont distribué un tract sur le marché d’Aigues-Mortes.
Les idées racistes, de même que l’antisémitisme, sont un cancer qui ronge le « vivre ensemble ». Elles sont aussi néfastes aux victimes de la crise car elles les divisent au lieu de les unir pour se défendre. Les exploiteurs ont de tout temps utilisé le racisme pour diviser les exploités et les empêcher de lutter avec succès. Ce que Jean-Luc Mélenchon a remarquablement résumé en une formule-choc : «Le problème, ce n’est pas l’immigré, c’est le banquier."
Bernard DESCHAMPS
Ancien député de la 2e circonscription du Gard
Conseiller général de Beaucaire de 1982 à 2001.