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La Note de conjoncture du ministère français de l’Economie et des Finances du 2 mars 2025 indiquait, à partir des observations du Fond monétaire international (FMI) : « Sur le plan économique, le pays affiche le troisième PIB du continent africain, estimé à 260,1 Mds USD en 2024 selon le FMI, et le PIB par habitant le plus élevé du Maghreb, atteignant 5 130 USD la même année.
Après un rebond de 3,8 % en 2021, la croissance s’est stabilisée à 3,6 % en 2022 avant d’accélérer à 4,2 % en 2023, portée par une reprise de la production d’hydrocarbures et la bonne performance des secteurs de l’industrie, de la construction et des services. Pour 2024, le FMI anticipe un léger ralentissement de la croissance à 3,8 %, suivi d’un taux de 3,0 % en 2025. Cette décélération s’explique en grande partie par une contribution moins soutenue du secteur pétrolier et gazier, dont la croissance passerait de 3,3 % en 2023 à 2,7 % en 2024, avant de ralentir à 1,5 % en 2025. En revanche, l’activité hors hydrocarbures demeure un moteur essentiel, avec une prévision de croissance de 4,0 % en 2024, avant un ralentissement à 3,2 % en 2025.
L’inflation, après avoir atteint 9,3 % en 2022 et 2023, devrait amorcer une décrue progressive, tout en restant supérieure à la moyenne de 3,9 % observée entre 2000 et 2020. Elle s’établirait à 5,3 % en 2024 et 5,2 % en 2025. »
Pour sa part, le dernier Rapport de la Banque mondiale (Novembre 2024) , « met en lumière la solide performance du pays […] qui a enregistré une croissance de 3,9% au premier semestre 2024 […] malgré la baisse de la production des hydrocarbures » Il note « un secteur agricole résilient […] et une amélioration notable de la stabilité des prix avec une inflation réduite à 4,3% sur les neuf premiers mois 2024 […] les réserves de change demeurent confortables ». Il prévoit « Une reprise de la production d’hydrocarbures »
Ces appréciations positives de la part d’organismes connus pour n’être pas favorables à l’Algérie, sont à prendre au sérieux.
Selon l’Office national algérien de la statistique (ONS) et conformément aux normes de l’Office international de travail (OIT) le taux de chômage en 2024 a été de 9,7% contre 12,25 en 2023. Par contre le chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans est estimé à 27, 9%. Pour apprécier ces chiffres, il faut tenir compte de l’importante économie informelle qui selon Mansouria Mokhefi (1) (L’Algérie face aux dérives intérieures et extérieures de l’économie grise, OpenEditions) représenterait « selon les estimations les plus basses, entre 37 % et 40 % de l'économie algérienne ». Elle concerne plus de 15 secteurs d’activité, notamment le textile, la chaussure, les logiciels informatiques et les cosmétiques. Les plus affectés sont le bâtiment (34 % de l’emploi informel), le commerce (20 %) et les transports (6 %). Faute de pouvoir l’éradiquer l’Etat algérien tente de le « formaliser à travers des incitations destinées à en réduire l’ampleur ».
« Le nombre d’emplois créés durant le dernier trimestre (2024, ndlr) [qui] avoisine 70 000 postes.» (El watan, 9/03/2025)
Rappelons que le Conseil des ministres avait en décembre 2022, décidé sur proposition du Président Tebboune :
« -L’augmentation des salaires, au cours de 2023-2024, entre 4.500 DA/an et 8.500 DA/an selon les catégories, soit des augmentations au cours de 2022, 2023 et 2024 atteignant 47%.
-L’augmentation du seuil minimum de la pension de retraite en Algérie à quinze-mille dinars (15.000 DA) pour ceux qui percevaient une pension inférieure à dix-mille dinars (10.000 DA) et à vingt-mille dinars (20.000 DA) pour ceux qui percevaient une pension de quinze-mille dinars (15.000 DA), pour l'harmoniser avec le seuil minimum des salaires qui a lui aussi augmenté de 18.000 DA à 20.000 DA depuis 2021.
-L’augmentation de l'allocation-chômage de 13.000 DA à 15.000 DA nets d'impôts en plus de la prise en charge par l'Etat des charges de la couverture sanitaire des chômeurs pendant la période de bénéfice de l'allocation. » (TSA, 25 décembre 2025)
Les conséquences des mesures Trump
Les USA imposeraient aux produits importés d’Algérie des droits de douanes à hauteur de 30% contre 18,9% aujourd’hui, (source TSA, 03/041/2025). Par comparaison, l’Europe est imposée de 20%, la Tunisie 28%, le Maroc 10%10 %. A l’évidence, Trump veut faire payer à l’Algérie son adhésion à la banque des BRICS qui contestent l’hégémonie du dollar. Pour l’instant cette mesure est suspendue pour une durée de 90 jours.
Les USA sont le 5e client des produits algériens. Ceux-ci représentant 5% des exportations algériennes. Les USA étaient en 2023 le 2e importateur de produits algériens hors hydrocarbures, après la France, l’Espagne et la Turquie. Les hydrocarbures représentent 14% du PIB de l’Algérie, 86% des exportations, 47% des recettes budgétaires.
La taxe de 30% va toucher essentiellement les produits pétroliers raffinés ou brut, les barres de fer forgé, les engrais azotés, les ciments. Les entreprises algériennes suivantes vont être impactées :
* Principalement les 18 cimenteries (Biskra, Constantine, etc. L’Algérie est le 2e exportateur mondial.
*Les raffineries : Skikda, Arzew (Oran), Alger, Hassi Messaoud.
*Les usines de fer forgé :Hammadi, Sidi chami, Oran, Tlemcen, Akbou, etc
*Les usines d’engrais Engrais : La Sofert Algérie (Oran, Tlemcen)
A la taxe Trump s’ajoutera la future taxe carbone imposée par l’Union européenne. Or les ciments notamment sont fortement carbonés (calcaire, argile, sable chauffés à 1450°).
Face à cette hausse brutale des droits de douane, l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal) plaide pour des mesures de soutien ciblées. L’Algérie applique déjà un taux de 59% aux produits importés des USA. L’une des pistes avancées serait une augmentation du soutien étatique au coût du fret aérien, le portant de 50 à 80 %. Cette méthode a déjà fait ses preuves, notamment pour les exportations vers l’Irak et la Libye. Autre levier stratégique suggéré : le développement de réseaux de distribution directs aux États-Unis, notamment pour les pneumatiques. Ce mécanisme permettrait de réduire l’exposition aux droits de douane en maximisant la valeur ajoutée sur place, tout en renforçant la compétitivité des produits locaux. Enfin, répondre à la forte demande de l’Afrique et de l’Europe.
Bernard DESCHAMPS
16 avril 2025
1- Mansouria MOKHEFI. Docteur en Histoire (IEP Paris), Mansouria Mokhefi a collaboré avec l'Ifri (Institut français des relations internationales) entre 2010 et 2016. Née en Algérie, elle est diplômée de Sciences Po (section Relations Internationales), de l'INALCO (l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales) et de New York University.