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Chronique de Francis Wurtz dans l’Huma magazine du 8 mars 2025.
« C'est la crise la plus grave entre l'Algérie et la France depuis l'indépendance ! » souligne l'historien Benjamin Stora, qui suit les relations entre les deux pays depuis cinquante ans. Il faut rappeler clairement à toutes et à tous l'origine véritable de cette situation déplorable. Ce n'est pas l'arrestation par Alger et le maintien en détention -intolérable, en effet- de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal : ce type de différend, en temps normal, se règle par voie diplomatique. Le problème de fond n'est pas davantage le refus d'Alger de réadmettre une poignée de ressortissants visés par des mesures d'expulsion de la part des autorités françaises : il s'agit là plutôt d'une conséquence de la crise que de sa cause. Si Alger a pris la décision, symboliquement très forte, de suspendre depuis sept mois la présence de son ambassadeur en France, c'est qu'existe entre les deux capitales un contentieux politique lourd, à savoir la reconnaissance officielle, en juillet dernier, par Emmanuel Macron, du plan marocain d'autonomie concernant le Sahara occidental comme « seule base de règlement » de ce conflit emblématique (1).
Soulignons que cette position est contraire à celle de l’ONU comme à celle de l’Union européenne : l’une comme l’autre considère le Sahara occidental comme un « territoire non autonome dont le statut final sera déterminé par le résultat du processus de l’ONU en cours », c’est-à-dire l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Pour sa part, la Cour internationale de justice a souligné dès 1975 que les éléments fournis parlé Maroc « n’établissaient aucun lien de souveraineté territoriale entre cet État et le Sahara occidental ». En écrivant que « le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine », le Président français savait donc qu'il faisait prendre à la position française sur ce dossier ultra-sensible un tournant radical qui serait reçu en Algérie -par delà les autorités, dans la société elle-même- comme une provocation .
Comme si ce refroidissement sans précédent de nos relations avec l'Algérie ne suffisait pas, des ténors de la droite la plus dure se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Macron. Ce fut notamment le cas du Président du Sénat, Gérard Larcher, qui, fin février, renouvela mot pour mot la provocation du Chef de l’Etat, d’abord au Maroc, puis carrément dans la partie occupée du Sahara occidental, que Larcher s'est empressé d'appeler par sa dénomination marocaine : « les provinces du Sud ». Après lui, Bruno Retailleau, suivi du Premier ministre par intérim -tous deux en mission de désamorçage du risque de censure de la part du RN- ont récité leur couplet anti-algérien aux relents colonialistes : dénonciation d’une « humiliation de la France »; ultimatum et menaces en cascade, de l’abrogation des accords bilatéraux de 1968 à la suppression de visas ou/et de l’aide au développement…
Face à cette irresponsabilité et cette indignité, il revient, une fois encore, aux citoyens et aux citoyennes de France de sauver l’honneur du pays en faisant vivre le respect, le dialogue et l’amitié avec le peuple algérien. »
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(1) Par pure coïncidence , cette volte-face de la France fut suivie par la conclusion de 40 accords entre le Maroc et Veolia, Alstom, TotalEnergie, Engie, etc…, pour une valeur de quelque 10 milliards d’euros.
Jocelyne Guiheu