/image%2F1405552%2F20240812%2Fob_ed328a_alg-boxe.jpeg)
(Dernière mise à jour, le 02 septembre 2024 à 16h.30)
La présence à Paris de la délégation algérienne avait débuté par un geste hautement symbolique. Le soir de la cérémonie d’ouverture des Jeux, conduite par les porte-drapeaux, la judokate Amina Belkadi et le champion du triple-saut Yasser Mohamed Tahar Triki, elle avait jeté dans la Seine des pétales de roses en hommage aux centaines de martyrs algériens du 17 octobre 1961. Ainsi est le peuple algérien qui n’oublie pas le sacrifice de ses enfants qui sont tombés dans le combat pour son indépendance.
L'Algérie participe aux Jeux olympiques depuis 1964. Avec une exception en 1976 à Montréal en signe de protestation contre la présence de l'équipe de rugby à XV de la Nouvelle-Zélande, pays proche de l'Afrique du Sud sous apartheid.
Depuis, elle totalise 17 médailles remportées en athlétisme, en boxe et en judo. La première, une médaille de bronze, a été obtenue en 1984 par le boxeur Mustapha Moussa. Quant aux médailles d'or, 4 d'entre elles ont été remportée dans des épreuves d'athlétisme et la cinquième en boxe. Hassiba Boulmerka, la spécialiste du 1 500 m avait offert à l’Algérie la première médaille d’or olympique de son histoire, le 8 août 1992 à Barcelone.
La délégation aux JO de Paris 2024 comprenait 46 athlètes (27 hommes et 19 femmes). C’était la plus importante après celles de Rio 2016 (65 athlètes), Athènes 2004 (63 athlètes), Pékin 2008 (62 athlètes), Moscou 1980 (59 athlètes) et Sydney 2000 (47 athlètes).
Les athlètes algériens étaient engagés dans les disciplines suivantes : athlétisme, aviron, badminton, boxe, canoë-kayak, cyclisme, escrime, gymnastique, haltérophilie, judo, lutte, tennis de table, tir et voile.
La moyenne d'âge était de 26,56 ans. La plus jeune athlète était la gymnaste Kaylia Nemmour (17 ans), alors que l'athlète de tir sportif, Samir Bouchireb, 39 ans était le plus âgé des sportifs engagés cette année.
Une première médaille d’or a été remportée dimanche 4 août aux barres asymétriques par la jeune gymnaste Kayla Nemour avec une note de 15,700. Elle avait choisi de concourir sous les couleurs de l’Algérie bien qu’elle réside en Touraine. « Je suis vraiment hyper fière et contente d'avoir pu ramener cette médaille [d'or], la toute première en gymnastique de l'Algérie et de l'Afrique", a-t-elle confie sur France info.
La boxeuse de 25 ans Imane Khelif originaire de Tiaret un village du nord-ouest de l'Algérie, s'était quant à elle qualifiée, samedi, pour les demi-finales, après sa victoire 5-0 sur la Hongroise Anna Luca Hamori, chez les 66 kg, et elle a remporté la victoire face à la Chinoise Yang Liu, par trois rounds à zéro.
Après sa victoire, elle a quitté le ring en pleurant pour embrasser ses entraîneurs sous les cris de joie de ses fans. Elle s’était en effet retrouvée les jours précédents, au centre d’une polémique inqualifiable. On avait nié sa féminité, parce qu’elle présentait, comme beaucoup d’autres femmes, un taux de testostérone plus élevé que la moyenne. Ce qui ne remet pourtant pas en cause, scientifiquement, ni sa féminité et, encore moins, sa légitimité à concourir durant les JO de Paris-2024.
Soutenue par le Comité International Olympique (CIO) sa plus grande victoire restera celle qu’elle a arrachée à l’Association Internationale de Boxe Amateurs (AIBA) et aux sexistes qui jonglent avec les règlements de la boxe et, plus grave encore, avec les critères de féminité.
Enfin, dans le 800 m qui a battu plusieurs records, Djamel Sedjati, au terme d'une course maitrisée, en dépit d'une préparation perturbée par 16 contrôles antidopage (1 tous les 2 jours), tous négatifs, a terminé en troisième position en 1′41′'56, décrochant ainsi la médaille de bronze.
C’est depuis, un déferlement de joie sur les réseaux sociaux et la presse algérienne est dithyrambique. Les trois athlètes ont été félicités par le président Tebboune qui les a appelés personnellement, et par le ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrahmane Hammad, ancien médaillé d’or en saut en hauteur aux championnats d’Afrique.
Une partie de la presse n’en est pas moins critique. Ainsi Algerie360° du 30 juillet écrit : « …les échecs se multiplient pour les athlètes algériens aux Jeux Olympiques Paris-2024. La journée d’hier et celle d’aujourd’hui ont été marquées par des éliminations à la pelle dans différentes disciplines. La journée d’hier a connu la sortie de 10 athlètes. En escrime, Salim Haroui n’a pu même pas dépasser le premier tour. Idem pour les Dames. En tennis de table, Nadia Laghribi a été éliminée du premier tour. L’autre échec enregistré, c’est celui en Badminton, avec l’élimination de Kouceila Mameri (Messieurs) et Thanina Mameri (Dames). La boxe n’a pas fait l’exception. En effet, la journée d’hier a connu l’élimination de Hadjla Dounia Khelif chez les Dames ainsi que Jugurtha Ait-Bekka et Mourad Kadi chez les Messieurs. Les échecs se sont poursuivis pour la journée d’aujourd’hui, avec l’élimination de la judokate Amina Belkadi du 1/8e de finale. Et pourtant, tous les espoirs reposaient sur elle pour décrocher une médaille. En plus de la sortie du rameur Sid Ali Boudina du quart de finale, la journée d’aujourd’hui a également connu l’élimination de la nageuse Nesrine Medjahed. 13 éliminations en deux jours, c’est trop ! »
Même en considérant qu’un grand pays de 45 millions d’habitants dont plus de 60 % ont moins de 35 ans, peut sans doute faire mieux, trois médailles, c’est certes moins que les 5 de l’année 2000, mais c’est mieux que les années précédentes. Mieux en tout cas que le zéro médaille de Tokyo en 2020.
Pour comparaison, les nations suivantes dont le nombre d'habitants est équivalent, ont obtenu: Ukraine, 27 médailles dont 3 en or; Espagne, 19 dont 5; Argentine, 4 dont 1; Maroc, 5 dont 0; Soudan, 0.
Après les JO de Tokyo, l’ancien président de la fédération algérienne d’athlétisme, Amar Bouras, avait pointé plusieurs dysfonctionnements dans la politique du sport de son pays. Il citait les « perturbations » et « l’instabilité » au sein des instances dirigeantes, à l’instar du Comité olympique algérien, la quasi-disparition de l’éducation physique à l’école, le manque d’infrastructures « performantes et pratiques », le manque de cadres qualifiés pour la haute performance, la déconnexion entre les clubs ou les ligues, au niveau régional, et les fédérations nationales, entre autres. » De son côté, l’officielle agence TSA regrettait : « Presque la totalité des aides publiques au sport vont au football ».
Depuis, l’Etat a accru ses efforts. Les budgets pour les sports ont été augmentés dans les Lois de finances 2023 et 2024. De + 38 % en 2023 et + 45, 19 % en 2024. Cet effort commence-t-il à porter ses fruits ? Les médailles de 2024 sont-elles le signe d’un redressement ? Je le souhaite de tout cœur.
Bernard DESCHAMPS
12 juillet 2024