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13 mai 2024 1 13 /05 /mai /2024 14:52

   

Après la pluie de ces derniers jours, la Salindrenque chantonne à nouveau sur les rochers du gouffre Mourier. La végétation explose, nous offrant une palette infinie de couleurs. Du vert tendre des châtaigniers au vert argenté des chênes kermès. La virginale aubépine et l’or des genêts illuminent la montagne et les grands arbres habillent de leur ombre le velours des prés.

   Les festivaliers  ont envahi les rues de Lasalle pour ce 23e Doc-Cévennes. Sur la Place Jean Gazaix, les stands des associations lasalloises, nous proposent omelettes aux cèpes, soupes parfumées aux herbes sauvages et  crêpes nappées de confitures familiales.

   Quarante-deux films sont à l’affiche représentant les quatre continents, de l’Inde à la Colombie, du Burkin Faso à l’Ukraine, du Brésil à l’Estonie, de l’Irak à Gaza, de Chicago à Béziers, une « sélection [pour] vous faire voyager, vous bousculer peut-être, vous émouvoir sans doute et [qui] vont susciter des interrogations et des débats…» Avec comme chaque année, une participation de cinéastes québécois et une séance spécialement consacrée à la vie locale.

   Ne pouvant voir autant de films que les années précédentes, j’en ai sélectionné cinq en lien avec la situation internationale actuelle.

   Voyage à Gaza, est un  film franco-italien  de Piero Usberti, réalisé avant le massacre du 7 octobre par le hamas et  le génocide en cours perpétré par l’Etat israélien. Terrible télescopage entre les images de Gaza, avenante, au coucher du soleil au bord de la mer, et celles  que nous avons en tête de Gaza en ruine, jonchée de cadavres. Un réquisitoire, sans une ombre d’antisémitisme, jamais le mot Juif n’est prononcé. C’est la politique colonialiste  de l’Etat d’Israël qui est dénoncée. La population gazaouie est présente dans sa diversité, un communiste athée lecteur de Marx et d’Engels, des Musulmans pratiquant les cinq prières, des partisans du hamas et des adversaires qui condamnent les atteintes aux libertés démocratiques…Piero Usberto présent par visio-conférence, nous fera part de ses interrogations sur l’avenir.  La création souhaitable d’un seul Etat binational et démocratique, lui paraissant irréaliste, il  s’interroge sur la possibilité concrète de deux Etats vivant en paix.

   Kumva ce qui vient du silence. Sahra Mallégol, la réalisatrice, revient au Rwanda où elle a vécu enfant et où, sur décision du président rwandais Paul Kagame,   vivent désormais côte à côte et en paix, les ex-bourreaux et les survivants du génocide de 1994. Paul Kagame, est lui-même un ancien  commandant du Front patriotique rwandais, le groupe armé rebelle qui remporta la guerre civile et mit fin au génocide des Tutsi.

   Sahra Mallégol  a pris le parti de nous faire revivre cette  tragédie à travers les yeux  des filles et fils de victimes et de génocidaires qui nous disent leur douleur ou leur honte. Cette cohabitation imposée par le pouvoir est remarquable, mais toutes les leçons ont elles été tirées sur les causes de cette page noire de l’histoire de l’humanité ? On peut en douter en écoutant un ancien criminel interviewé dans le film.

   Against the tide du réalisateur indien  Sarvnik Kaur, est une histoire de pêcheurs dans la baie de Miumbai (Bombay). Contradictions et dialogues entre modernité et tradition.

   Narimène. A la lecture de cette  interview de Narimène, on comprendra que j’aie été séduit par ce film de Laure Pradal (Production Pages & Images) : « je suis issue d’une famille nombreuse (une fratrie de six enfants) et j’ai grandi en province, dans les Vosges. Je suis d’origine algérienne, trente ans, mariée et un petit garçon. » Ajoutons qu’elle  a résidé un temps à Montpellier et à Nîmes. Narimène est une artiste lyrique qui, outre les opéras italiens et français, aime le rap et la musique arabe. Elle faisait partie des 10 finalistes du Concours International des "Voix lyriques d'Afrique" qui s'est déroulé le 09 avril 2022, à Paris au Palais de la Porte Dorée.  Narimène a chanté en Grande-Bretagne, en Arabie saoudite et en France où elle rencontre cependant des  difficultés à être recrutée par les grandes scènes lyrique en raison de son turban. Qu’elle retire lorsqu’elle enseigne, mais qu’elle porte par conviction dans la vie courante et lors des concerts. J’ai été subjugué par le timbre exceptionnel de sa voix de soprano-colorature. Dans le débat qui suivit avec la réalisatrice et le producteur  présents, je suis intervenu pour rappeler que la laïcité est la liberté de croire ou de ne pas croire,  telle que la défendait Jean Jaurès, et non l’anticléricalisme qui était prôné par Emile Combes. C’est l’opinion de Jaurès qui l’emporta et fonda en 1905 « la laïcité à la française » avec laquelle la récente interdiction du voile est en contradiction. Chose rare dans de tels débats, mon intervention fut applaudie.

    Musique encore avec l’émouvant et beau film Chip, chip. Chopin par Desjardins et ses commentaires inspirés aux savoureux accents québécois.

    Ce 23e festival qui a réuni plus de spectateurs que les années précédentes – les séances auxquelles j’ai assisté ont refusé du monde aussi bien au Temple qu’au Foyer et à la Filature du Pont de fer - fut une fête qui contribua à changer notre regard sur le Monde, selon le souhait de sa présidente Laurence Barrau.

   Un grand merci à toute l’équipe de Champ-Contrechamp et aux réalisatrices et réalisateurs présent.es.

Bernard DESCHAMPS

14 mai 2024

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