Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 décembre 2022 2 06 /12 /décembre /2022 16:58

Alors que sort en salles le film Nos frangins de Rachid Bouchareb, je publie ci-après l’intervention que j’avais faite le 12 décembre 1986 au nom et sur proposition des députés du groupe communiste. Bernard DESCHAMPS

ASSEMBLEE NATIONALE

Séance publique du 12 décembre 1986

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M . CLAUDE LABBÉ,

vice-président

La séance est ouverte à dix heures.

M. le président . La séance est ouverte.

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions orales sans débat.

Je demande aux intervenants de respecter strictement leur temps de parole, qui est de sept

minutes, réponse éventuelle au Gouvernement comprise.

VIOLENCES POLICIÈRES

M. le président. M. Bernard Deschamps a présenté une question n o 153, ainsi rédigée :

« M. Bernard Deschamps exprime à M . le ministre de l'intérieur l' extrême émotion suscitée dans tout le pays par les violences policières qui ont été commises ces derniers jours. Après les brutales charges policières qui, le 4 décembre, avaient répondu à la manifestation calme de centaines de milliers d'étudiants et de lycéens demandant le retrait d ' un projet de loi sur l' enseignement supérieur, dans la nuit du 5 au 6 décembre un étudiant de vingtdeux ans est mort après avoir été sauvagement matraqué par une brigade spéciale de la police. Toute la clarté doit  être faite d'urgence pour déterminer toutes les responsabilités à tous les niveaux dans ces violences. Il lui demande : 10 d'apporter à cet effet tous les éclaircissements nécessaires ; 2. s'il entend faire adopter un code de déontologie dont les derniers événements ont souligné. »

la nécessité. »

La parole est à M. Bernard Deschamps, pour exposer sa question.

M. Bernard Deschamps . Monsieur le président, nous consta'4ons tout d'abord, en le regrettant très vivement, que M. le ministre de l'intérieur se dérobe puisqu'il n'est pas présent personnellement au banc du Gouvernement . (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste et socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du R .P.R.)

 

M . Pierre Mauger. Ce n 'est pas exact ! M. le ministre chargé de la sécurité est là.

 

M . Bernard Deschamps . Nous nous élevons contre cette absence.

 

M. Roger Corrèze . Le ministre de l'intérieur n'est pas à votre disposition !

 

M. Bernard Deschamps . Mais avant d ' aborder les questions que nous avons l'intention de poser sur les violences policières de la semaine passée, nous tenons tout d'abord, au nom de tous les députés communistes, à nous incliner devant la mémoire de Malik Oussekine et à dire notre profonde sympathie aux dizaines de blessés, victimes de la répression pour avoir, comme des centaines de milliers de lycéens et d'étudiants, exprimé leur refus de l'inégalité et de l'injustice que voulait imposer la loi Devaquet-Monory.

 

M. Eric Raoult. Et pour Martchenko, on ne s'incline pas ?

M. Roger Corrèze. Devant la mémoire de Martchenko,

vous ne vous inclinez pas !

 

M. Bernard Deschamps . Avant-hier, à Paris et dans toutes les villes de France, des foules considérables se sont rassemblées et ont défilé dans le calme et le recueillement, avec pour unique et commun mot d'ordre : « Plus jamais Fa!»

 

M. Roger Corrèze . En France . au moins on peut défiler !

M. Jacques Godfrain. C'est même un droit !

 

M. Bernard Deschamps . Leur exigence est la nôtre. Nous ne tolérons pas une telle haine, une telle violence contre la jeunesse de notre pays.

 

M. Eric Raoult. Et nous, une telle récupération !

 

M. Bernard Deschamps. Pour que cela ne se reproduise plus. ..

 

M. Roger Corrèze . Sauf dans les pays communistes !

 

M. Bernard Deschamps . . . . toute la clarté doit être faite sur les responsabilités. Nous n'acceptons pas, monsieur le ministre chargé de la sécurité, les réponses dilatoires qui nous ont été présentées jusqu ' à ce jour. C'est pourquoi nous vous posons des questions précises auxquelles vous avez le devoir de répondre devant la représentation nationale.

Premièrement, pour tenter de justifier l'intervention de ta police contre de jeunes manifestants pacifiques dans la soirée du 4 décembre, vous évoquez la présence de casseurs . Pourquoi la police n'a-t-elle pas interpellé préventivement ces él@- ments provocateurs repérables à l ' avance, comme en témoignent des films de télévision.

 

*M. Roger Corrèze . Complices !

 

M. Bernard Deschamps . Deuxièmement, ces individus prétendument incontrôlés n'étaient-ils pas téléguidés par la police elle-même . ..

 

M. Roger Corrèze . Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Maugor. Pas de diffamation !

M. Jacques Godfrain. La diffamation est justiciable des

tribunaux !

 

M. Bernard Deschamps . . . . comme ce fut déjà le cas dans le passé, notamment le 23 mars 1979, lors d'une manifestation de sidérurgistes à Paris ?

 

M. Eric Raoult. Et à S.K .F. ?

 

M. Bernard Deschamps . Pouvez-vous nous rappeler qui était alors directeur général de la police nationale ''

Troisièmement, quel est l'officier qui, comme l'a montré la télévision, a autorisé des nervis d'extrême droite u franchir les barrages de police ? Cet officier était-il couvert par un ordre supérieur et d'où émanait éventuellement cet ordre ?

Quatrièmement, qui a ordonné les charges brutales contre des adolescents place des Invalides, alors que des casseurs n'étaient pas inquiétés ''

Cinquièmement, des tirs de grenades lacrymogènes ont ires grièvement blessé plusieurs jeunes, arrachant une ni,iin à l'un d'eux . ..

 

M . Jacques Godfrain . II ne fallait pas ramasser la grenade !

 

M . Bernard Deschamps . , un autre, touché à la tète, ayant perdu un oeil . Comment cela a-t-il été possible '' Y-a-til eu tir tendu de grenades, contrairement aux instructions de mars 1969 ? Qui en a donné l'ordre ?

Sixièmement, en ce qui concerne l ' assassinat du jeune Malik Oussekine, des témoignages concordants confirment l'acharnement meurtrier de plusieurs policiers . A quel corps appartiennent-ils ? L'anonymat qui continue de les couvrir

sept jours après ira-t-il jusqu' à l'impunité ?

Septièmement, qui a donné l'ordre d ' intervenir aux brigades spéciales motocyclistes ? Les dissoudrez-vcus, comme cela s'impose ?

Huitièmement, ne pensez-vous pas que les déclarations selon lesquelles vous couvririez « par avance tous les actes des policiers », encouragent les éléments racistes, xénophobes et antijeunes, ce que déplorent les éléments sains de la police ?

Ce ne sont là, monsieur le ministre, que quelques-unes des questions que se pose aujourd'hui l'opinion publique après les tragiques événements de la semaine dernière.

Le ministre de l'intérieur a lui même déclaré que « le préfet de police a parfaitement appliqué les instructions qui lui avaient été données » et, au nom du Gouvernement, il a rendu « hommage à son calme, à sa lucidité et à ses qualités exceptionnelles » . C'est dire combien M . Pasqua est informé, donc en mesure de répondre aux questions que nous lui

posons.

Le Gouvernement a le devoir de répondre à ces questions.

La nation tout entière doit connaître la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

 

M . Eric Raoult . Charognards !

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ww.bernard-deschamps.net
  • : Blog consacré pour une grande part aux relations entre l'Algérie et la France.
  • Contact

Recherche

Pages

Liens