
Aux élections de 1986, la droite RPR-UDF avait remporté la majorité des sièges à l’Assemblée Nationale. J’avais été réélu député du Gard et mes camarades du groupe communiste m’avaient désigné pour exposer nos explications de vote à l’issue du discours d’investiture de Jacques Chirac nommé Premier ministre par le Président de la République François Mitterrand.
Le 9 avril à 16h.30, je montai à la tribune. Face à moi, au premier rang de l’hémicycle, Jacques Chirac impassible au banc du gouvernement.
Je fus accueilli par des cris de haine anticommuniste venant de la droite et des députés lepénistes. Nous en avions l’habitude. Je développai les raisons pour lesquelles nous votions Contre le programme économique antisocial du nouveau gouvernement.
Les faits malheureusement nous donneront raison. C’est ce gouvernement qui détricotera les mesures progressistes appliquées par le gouvernement de gauche à participation communiste issu des élections de 1981 : la privatisation de Saint-Gobain (‘1986), Paribas (1987), La Société Générale (1987), Suez (1987) et de plusieurs autres grandes entreprises ainsi que TF1 (1987) ; la suppression de l’Impôt sur les Grandes fortunes et de l’Autorisation administrative de licenciement afin de faciliter ceux-ci, etc. Nous étions des adversaires résolus de Jacques Chirac.
J’avais gardé de lui le souvenir du grand fauve politique arpentant les rues de Nîmes à cent à l’heure en serrant des mains lors d’une campagne électorale nationale.
Et il y eut en 1995, la reconnaissance officielle par Jacques Chirac de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs durant la 2e guerre mondiale ; son altercation en 1996 avec des policiers israéliens lors d’une visite en Palestine qui lui valut une immense popularité dans les pays arabes notamment en Algérie et il refusera courageusement en 2002 de participer à l’intervention militaire des USA en Irak sans mandat de l’ONU.
J’ai voté Chirac au 2e tour de l’élection présidentielle de 2002 pour barrer la route à Le Pen. Je ne le regrette pas. Comme le dit un jour mon ami Georges Marchais : « Je m’allierai s’il le faut avec le diable pour empêcher le FN d’accéder au pouvoir. » Jacques Chirac n’était pas le diable. C’était un adversaire politique qui contrairement à ses successeurs n’avait pas totalement largué certaines des valeurs du gaullisme.
Bernard DESCHAMPS
29 septembre 2019