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Frida et Marcel. Un couple uni, d’une rare élégance. Une élégance qui n’était pas que vestimentaire. Elle était aussi dans leur façon d’être. Frida et Marcel aimaient les belles choses et les idées neuves. Ils étaient Communistes.
J’ai fait la connaissance de Frida en 1965, quand Emile Jourdan, alors secrétaire départemental du PCF fut élu Maire de Nîmes et nous demanda d’intégrer son Cabinet. Frida était une des meilleures secrétaires de la mairie. Très estimée des élus – de tous les élus - et du personnel. Elle était d’autant plus respectée qu’elle était professionnellement irréprochable.
Sa connaissance des services municipaux fut précieuse pour Emile Jourdan qui certes avait une expérience politique et une expérience d’élu – il était conseiller général de Saint-Ambtoix - mais la mairie du chef-lieu du département posait des problèmes d’une autre échelle. Grâce à l’aide de Frida, Emile put se familiariser rapidement avec les rouages de cette grande administration.
Il avait tenu à conserver dans son Cabinet, une partie des membres du Cabinet de son prédécesseur, le Maire socialiste Edgar Tailhades. Sa confiance ne fut pas trahie et nous avons travaillé en parfaite harmonie avec eux. En effet, Frida avait cette qualité assez rare – d’être ferme dans ses convictions et capable de travailler avec des personnes qui ne partageaient pas ses opinions.
C’était une remarquable secrétaire, qui savait prendre sous la dictée et qui maîtrisait l’orthographe à la perfection. Une secrétaire doit aussi parfois interpréter avec justesse la pensée de son patron. Ce n’était pas une sinécure. Cette responsabilité n’entraînait aucun avantage matériel. La règle était de recevoir un salaire équivalent à celui de l’administration d’où nous étions issus. Par contre, cela impliquait de nombreuses contraintes. Il n’y avait pas de limites horaires et les jours de congés étaient problématiques.
Une secrétaire de « direction » comme c’était le cas de Frida, devait être à la disposition de son patron; être avec lui à la fois d’une grande franchise et d’une absolue discrétion. Avec Monique, l’épouse d’Emile, elle devait veiller y compris au choix de ses vêtements et à la couleur de ses cravates pour les multiples cérémonies protocolaires et l’empêcher, par exemple, de mettre sa pipe brûlante dans la poche de sa veste comme cela lui arrivait parfois avec les conséquences que vous devinez.
Emile devint le Maire emblématique que nous avons connu, mais il n’est pas exagéré de dire qu’il fit son apprentissage avec l'aide de Frida qui n’hésitait pas à donner son avis sur telle ou telle décision et savait le mettre en garde contre les pièges qui parfois lui étaient tendus. Elle resta à ses côtés durant ses trois mandats jusqu’en 1983.
Née en 1924 à Laval-Pradel, elle avait donc 16 ans en 1940 et c’est en dactylographiant des tracts pour les Francs-Tireurs et Partisans Français de la région d’Alès, tracts que distribuait clandestinement Marcel son futur mari, qu’elle acquit la dextérité qui lui servira ensuite dans sa vie professionnelle.
Son engagement communiste, auquel elle resta fidèle jusqu’à son dernier souffle, plongeait ses racines dans son enfance. Avec sa sœur Raymonde qui sera conseillère municipale d’Alès du temps de Roger Roucaute, Frida Llisa, de son nom de jeune fille, était née dans une famille ouvrière qui avait quitté l’Espagne après la première guerre mondiale. Son papa fut successivement mineur de charbon, épicier-primeur puis cardeur. Elle vécut donc son enfance et son adolescence dans ce bassin minier des Cévennes, au milieu de cette classe ouvrière multinationale qui donna de nombreux cadres au mouvement ouvrier révolutionnaire en France et hors de nos frontières, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Russie, en Algérie…
Elle disait souvent qu’elle voulait mourir en Communiste.
Que Lise sa nièce et les familles Dussaud, Maloche, Perrier et Ortega dont nous partageons la douleur, sachent qu’il y aura toujours une pensée affectueuse pour Frida dans un coin de notre mémoire. Ce qui est une autre façon, pour nous mécréants, d’affirmer l’immortalité de l’âme. Bernard DESCHAMPS
9 juin 2016
Cimetière protestant de Tamaris (Alès, 30)