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Le débat est vif en Algérie au sujet des explorations en cours et de l’exploitation éventuelle du gaz de schiste. Dans le sud, à In Salah en particulier, des affrontements violents ont eu lieu.
L'Algérie est le 3e détenteur de réserves de gaz de schiste au monde, après la Chine et l’Australie et devant les USA. Son exploitation a été rendue possible par la loi sur les hydrocarbures votée en 2013 par l’Assemblée Populaire Nationale. Néanmoins, le recours à la « fracturation hydraulique » demeure soumis au cas par cas à l’autorisation du Conseil des ministres.
Sept bassins dans le sud saharien sont concernés par des projets d’exploration :Tindouf, Reggane, Timimoun, Ahnet, Mouydir, Ghadames Berkine et Illizi. C’est en mai 2014 que le gouvernement algérien a annoncé le lancement des procédures officielles pour l’exploitation en lien avec des partenaires étrangers. Cette question divise la société civile et les partis politiques algériens et les positions transcendent le clivage entre majorité présidentielle et oppositions (au pluriel).
CEUX QUI SONT POUR
Le FLN et le RND, y sont favorables, ainsi que notamment le Parti des Travailleurs (trotskiste) et l’Alliance Nationale Républicaine. Pour sa part le FFS, membre de l’internationale socialiste considère, selon son conseil national, que « l’exploitation du gaz de schiste est question "d’intérêt stratégique » liée à la préservation de nos ressources» et il n’est « pas spécialement contre ». L’ancien Premier ministre Si Ahmed Ghozaly, bien que lui aussi opposant à l’actuel chef de l’Etat, y est également favorable : « C’est toujours intéressant d’exploiter des richesses, que ce soit l’eau, le gaz, le vent, ou toute autre richesse naturelle […] Plus généralement et plus exactement, il s’agit d’abord d’assurer la sécurité énergétique nationale d’aujourd’hui et de demain ce qui signifie l’élimination progressive de la dépendance vis-à-vis des sources fossiles, qui sont limitées, éphémères et de surcroît nuisibles à d’autres ressources naturelles : climat, océans, environnement. Cela signifie ensuite le recours à des sources pérennes, renouvelables, propres (solaire, éolien, géothermique)… Le nucléaire-fission, sans être ni pérenne ni propre, peut être une transition obligée en attendant le nucléaire-fusion. » (9 février 2015)
La société nationale algérienne d’hydrocarbures SONATRACH « investira pas moins de « 70 milliards (mds) de dollars sur 20 ans pour produire 20 mds de m3 de gaz de schiste par an. […] 50.000 postes sont ainsi prévus […] Nous avons comme mission, indique son directeur, d’assurer l’approvisionnement du marché intérieur en priorité, sans négliger pour autant la valeur de nos exportations nécessaires pour le développement national. […] Nous prévoyons pour 2015 une consommation de gaz naturel estimée à 35 milliards de mètres cubes par an. Nous avons atteint un pic historique en janvier de cette année avec une consommation de cent millions de mètres cubes en une seule journée » Or les réserves actuelles en hydrocarbures « conventionnels » (pétrole et gaz) qui constituent 97% des recettes de l’Etat, risquent de se tarir d’ici à une vingtaine d’années, ce qui incite l’Etat algérien à vouloir diversifier ses sources d’énergie.
CEUX QUI SONT CONTRE
Parmi les opposants au gaz de schiste, il y a la CNLTD qui regroupe plusieurs partis politiques tels que le RCD (laïque) et le MSP (islamiste) ainsi que le principal opposant Ali Benflis au Président Bouteflika lors de la dernière élection présidentielle. Les communistes du PADS qui n’adhèrent pas à la CNLTD sont également hostiles à l’exploitation du gaz de schiste et plus généralement à la loi de 2013 sur les hydrocarbures et aux faveurs qu’elle permettrait selon eux, d’accorder aux firmes étrangères.
L’association ATTAC-Europe déclarait en février 2014 : «Exploiter le gaz de schiste dans cette région revient à provoquer un véritable écocide : d'une part, en utilisant une ressource en eau non renouvelable et de manière excessive ; d'autre part en condamnant les populations sédentaires et nomades qui vivent dans cette région désertique à consommer une eau polluée par les adjuvants injectés lors de fracturations hydrauliques ou les métaux lourds qui vont se mélanger aux eaux de surface.[…] Il existe dans [cette] région des centaines d'oasis. Elles font travailler des milliers de personnes […] L'eau de la nappe albienne est le véritable moteur du développement du pays »
Ce à quoi Si Ahmed Ghozaly, lui-même expert en matière énergétique, répond : « L’Afrique du Nord est barrée du Sud-ouest au Nord-est, donc selon une large bande qui couvre principalement l’Algérie et la Libye, non pas par une nappe albienne, mais par des centaines de gisements d’eau fossile, gisements qui ne sont pas liés entre eux, et qui n’ont en commun que l’âge de leur formation (l’Albien) […] Cette eau n’est pas renouvelable mais les quantités sont tellement considérables, qu’elles ne sont épuisables qu’à travers plusieurs générations, même si l’on aménageait dans le sud du pays plusieurs millions d’hectares de terres irrigables […] Quelle incidence ces exploitations peuvent-elles avoir sur la nappe albienne que nous « partageons » avec la Libye et la Tunisie ? Nous ne partageons que les nappes qui sont à cheval sur nos frontières, c’est-à-dire moins d’un millième voire un dix-millième des réserves totales des nappes albiennes algériennes. »
FAISONS PREUVE DE RETENUE
Les avis sont donc partagés. Qui a raison ? Pour la France, dans les conditions actuelles, j’y suis opposé mais dans le cas de l’Algérie je n’ai pas d’opinion et, de plus, je ne me reconnais pas le droit de peser sur la décision des Algériens. C’est à mon sens une question de politique économique intérieure qui relève de leur seule responsabilité en toute souveraineté. Les pressions étrangères dans ces domaines ne sont pas de nature à les aider. Elles ne peuvent que polluer le débat. Elles ne contribuent pas à ce qu’il se déroule dans la sérénité. Faisons leur confiance.
Bernard DESCHAMPS 16 mars 2015