Mon camarade. Lorsque tu as été hospitalisé au Ponteils, j’avais promis d’aller te voir. Je n’ai pas pu tenir ma promesse, tu es parti avant et je suis douloureusement meurtri de ta disparition. Tu étais Edon, de ces militants ouvriers qui sont des exemples. Des exemples de courage, de dévouement, de fidélité à leur classe sociale et à leurs frères de combat. Nous avions tellement pris l’habitude de te rencontrer dans les réunions et les manifestations que nous n’imaginions pas qu’un jour tu puisses nous quitter. Car tu étais un lutteur. Tu fus confronté très jeune aux épreuves cruelles que le fascisme italien imposa à ta famille. Ton père ouvrier agricole puis carrier à Tarare eut le crâne fracassé par les chemises noires de Mussolini. Un de tes frères subit le supplice de l’huile de ricin. Embauché à la mine de Trescol à l’âge de 14 ans, tu t’engageas dans l’action syndicale à la CGT puis politique au sein du PCF. Ta participation à la grève nationale de 1948 contre les décrets Lacoste qui supprimaient les avantages acquis par les mineurs à la Libération, te valut d’être condamné avec 200 de tes camarades de travail; emprisonné six mois et révoqué de la mine. Le ministre socialiste de l’Intérieur Jules Moch avait, au cours de cette grève, fait occuper le carreau des mines par des tanks, des chenillettes militaires et les gardes-mobiles. Ce n’est qu’en 2014 que tu seras réhabilité ainsi que les autres mineurs révoqués. La Grand’Combe était alors le cœur battant du bassin minier des Cévennes et les militants communistes feront de toi le responsable de leur section. Tu assumeras cette responsabilité pendant quarante ans et tu siègeras au comité fédéral du Gard de 1949 à 1976 ! Tu seras élu au conseil municipal puis adjoint au Maire communiste de 1995 à 2001 chargé notamment des questions sociales. Une des dernières réunions publiques à laquelle j’ai assisté et où tu étais présent, eut lieu à l’occasion du 50e anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie et les Algériens de La Grand’Combe te décorèrent en présence du Consul d’Algérie (photo ci-contre) pour ton rôle actif à leur côté de 1954 à 1962. (Voir Le fichier Z, essai d’histoire du FLN algérien dans le Gard). Ils te considéraient comme un des leurs. Quand je téléphonais, c’est Marie de sa voix chantante qui répondait et me disait aussitôt : « Je te passe Edon » Et nous parlions. Marie, Edon. Vous formiez un couple. Dans la vie depuis 1952 et dans l’activité militante. Car Marie est aussi une militante qui, elle aussi, a subi la répression, victime d’un coup de crosse en 1952 lors d’une manifestation pour la libération de Jacques Duclos (l’affaire des pigeons) Marie, bien seule désormais. Heureusement elle a ses filles auprès d’elle. Quatre filles sont nées de leur union : Annie, Martine, Michèle et Nadine. Qui ont sept enfants : Claire, Clément, Loïc, Nicolas, Olivier, Stéphanie, Virginie. Edon et Marie sont huit fois arrière-grands-parents de Anna, Badis, Chens, Louise, Mahé, Martin, Sahel et Sara. Je pense très fort à eux ce soir et à Léa la sœur d’Edon ainsi qu’à toute leur grande famille. Bernard DESCHAMPS 18 mars 2015