J'ai acheté ce matin "De nos frères blessés", le roman de Joseph Andras ( Actes Sud, avril 2016) qui relate les derniers instants de Fernand Iveton guillotiné le 11 février 1957 à la prison Barberousse d'Alger. Je ne l'ai pas encore lu mais je suis tombé sur la dernière page qui reproduit cet extrait de poème:
"Puis le coq a chanté
Ce matin ils ont osé.
Ils ont osé vous assassiner
En nos corps fortifiés
Que vive notre idéal
Et vos sangs entremêlés
Pour que demain ils n'osent plus
Ils n'osent plus nous assassiner."
dont l'auteure, nous dit Joseph Andras (sans indiquer son nom) est "une européenne d'Algérie, indépendantiste et condamnée à cinq années de détention." Cette européenne est notre chère amie Annie Steiner que nous rencontrons lors de chacun de nos voyages à Alger. Ancienne moudjahida membre du réseau FLN d’Alger. Cheveux blancs, coupés court, l’allure d’une jeune grand-mère. Née le 7 février 1928 à Marengo, sa famille était originaire de Florence (Italie). Le papa directeur d’hôpital. La maman enseignante. Une famille aisée qui lui permit de faire des études supérieures. Diplômée de droit, mariée à l’architecte suisse Rudolf Steiner, elle s’engage à 20 ans dans la Résistance algérienne. Européenne d’origine, elle combat pour l’indépendance de son pays, l’Algérie. Arrêtée en 1956, elle fera six prisons : Barberousse, Maison Carrée, Blida, la Petite Roquette à Paris, Rennes et Pau. Cette héroïne est restée d’une grande simplicité et d’une grande gentillesse. De sa cellule dans la prison de Barberousse, elle assista au supplice de Fernand Iveton, Ahmed Lakhnèche et de Mohamed Ouenouri. Amie du poète Jean Sénac, le soir même, Annie a écrit ces vers:
« Ce matin ils ont osé
Ils ont osé vous assassiner
C’était un matin clair
Aussi doux que les autres
Où vous aviez envie de vivre et de chanter
Vivre était votre droit
Vous l’avez refusé
Pour que par votre sang d’autres soient libérés. »
Je lis ces vers lorsque nous allons sur la tombe de Fernand Iveton au Cimetière de Bologhine. Fernand Iveton est mort en criant : « Je meurs pour que l’Algérie soit indépendante. » Il était de ceux dont Jean Sénac disait :
« S’ils sont armés
C’est de roses nocturnes
Ils ne savent battre
Que le rappel des cœurs »
-« Espoir et Paroles, poèmes algériens » recueillis par Denise Barrat - Seghers