
par Bernard Deschamps.
La mobilisation populaire en Algérie a connu hier 8 mars de nouveaux développements. Tous les observateurs s’accordent pour dire qu’il s’agit des manifestations les plus importantes depuis les années 80, mais à la différence de ces dernières, elles n’ont pas aujourd’hui une tonalité religieuse. De nouvelles personnalités – y compris des élus du parti du Président Bouteflika - ainsi que la puissante Organisation Nationale des Moudjahidines et des syndicats importants de l’UGTA proche du pouvoir les ont rejointes.
Très responsables, elles n’ont été émaillées d’aucune violence et les forces de l’ordre, si elles ont utilisé les canons à eau et les gaz lacrymogènes, ont de l’avis général, fait preuve de retenue. Des scènes de fraternisation entre policiers et manifestants ont même été observées. Le drapeau algérien – issu de la Révolution – y était très présent et à Guelma des portraits de Houari Boumediene étaient brandis.
Les amis de l’Algérie suivent bien sûr avec passion ces journées historiques et s’interrogent sur leur issue.
Tout est possible. L'enlisement - que rien ne laisse présager pour l'instant - et la tenue de l’élection présidentielle le 18 avril. Son report ou son annulation. Le retrait de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika. Ou son maintien et, comme il le propose, la tenue après l’élection d’une « conférence inclusive » avec les partis de l’opposition qui déboucherait sur une fuite en avant dans le néo-libéralisme économique avec comme résultat, selon l’analyse du PADS (communiste) , de parachever le virage des années 80 en privatisant ce qui reste du secteur nationalisé ; en « réformant » le code du travail ; en s’attaquant aux protections sociales ; en supprimant les subventions d’Etat pour les produits de première nécessité (farine, pain, sucre, huile…) etc.
Une autre issue est possible. L’entrée dans l’action de l’ONM et des anciens moudjahidine de la guerre d’indépendance dont Djamila Bouhired qui de nouveau était vendredi dans la rue, ainsi que des syndicats de salariés , outre qu’elle ouvre une sérieuse brèche dans le camp présidentiel, contribue à donner un contenu plus politique et plus social à un mouvement populaire qui au départ, exigeant le retrait de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika et plus de démocratie, avait un contenu surtout institutionnel.
Dans l’action, les idées mûrissent et il n’est pas exclu que ce mouvement aille au- delà de ses objectifs initiaux et remette en cause la nature même du régime politique, économique et social de l’Algérie.
Certains prédisent une intervention de l’armée. Les dernières déclarations du Général Gaïd Salah, ministre de la Défense (à lire sur ce blog) témoignent de la réticence de celle-ci à s’engager dans cette voie…
Bernard DESCHAMPS
09/03/2019, 14h.27