
Un débat toujours actuel
Lors de sa sortie en mars dernier, j’avais acheté la correspondance échangée par Louis Althusser et Lucien Sève (Editions sociales, mars 2018), mais, pris par d’autres préoccupations, j’avais mis cet ouvrage de côté. Je viens de le reprendre et je suis surpris de l’actualité de certaines des questions que traite cette correspondance.
Ainsi, à propos du livre que Lucien Sève venait d’achever La Philosophie française contemporaine et sa genèse de 1789 à nos jours, Louis Althusser lui adresse le 2 novembre 1962, une longue lettre dans laquelle il évoque ce qu’il appelle notre « chauvinisme théorique » ou « nationalisme théorique » et il a ces mots très sévères : « On sait assez que, sans doute parce qu’il a eu Louis XIV, la monarchie absolue, qu’il a fait la révolution exemplaire de 89, et promené le Code civil dans toute l’Europe, puis fait au XIXe siècles quelques autres petites révolutions, où la bourgeoisie a su tirer parti des actions du prolétariat, en l’écrasant le moment venu, que ce peuple (ce peuple des bourgeois) s’est considéré comme le nombril du monde ! Ils avaient un tel passé ! Ils avaient une telle avance ! Descartes avait tout dit ! Depuis longtemps […] Il y a dans cette bourgeoisie […] même quand elle a écrasé la Commune, une somme de chauvinisme qui passe tout ce qu’on peut imaginer. Le mal que cette position a fait à la « pensée française » si on peut employer ce mot est incalculable. (P.54,55) Et il affirme : « toute une partie du mouvement ouvrier français [est] contaminé par ces mythes bourgeois. »(P. 55). Le PCF n’a pas été à l’abri de cette contamination, qui, pour des raisons politiques comme il le note page 55, a dans les années 1934-35, surestimé le rôle de Descartes et survalorisé l’apport du rationalisme français. Les Communistes de 2018 en ont-ils tiré les leçons ?
C’est sous le prétexte d’une prétendue mission civilisatrice de la France, mais pour des raisons égoïstement mercantiles, qu’ont été entreprises dans le passé les conquêtes coloniales, et ce sont aujourd’hui de Sarkozy à Hollande et Macron, avec les mêmes arguties que la France intervient en Afrique, au Sahel et en Syrie. Le premier voyage extérieur de Macron était à Gao et il est aujourd’hui au Niger auprès des soldats de l’opération Barkhane.
BD, 23 décembre 2018