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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 07:18

TIMBRE ALGERIEJe crois utile au débat démocratique de publier, ainsi que mon opinion, la lettre de Hassane Zerrouky que j'ai reçue à la suite du récit "J'ETAIS A ALGER LE 5 JUILLET 2012"' (voir dans "Pages" sur ce blog). BD

Monsieur le député,

De l’ensemble sur l’Algérie paru dans l’Humanité de mardi 10 juillet, tout ce qui a retenu votre attention est le fait d’avoir écrit que Boudiaf avait été « zappé ». Je n’étais pas aux premières loges comme vous, j’ai regardé cette lamentable « Comédie musicale » consacrée à la gloire du seul Bouteflika sur mon écran télé à Alger, et je n’ai pas entendu le nom de Boudiaf longuement ovationné comme vous le prétendez. Par contre, voyez-vous, je parle l’arabe algérien – c’est ma langue, je suis né et j’ai vécu en Algérie, je comprends l’arabe médian -celui utilisé par les médias – et je lis la presse arabophone. En effet, avant d’être journaliste à l’Huma, j’étais journaliste au Matin d’Alger, interdit de parution par le pouvoir algérien en 2004 !

Effectivement, Mohamed Boudiaf est apparu durant moins d’une minute sur l’écran (pas plus de 15 secondes en fait), ça m’a échappé,  en revanche, son assassinat le 29 juin 1992 a bien été « zappé » par cette longue fresque historique (1) ! Mais Longuement cité, dites-vous ? C’est faux ! Poursuivons. Comme ont été zappés durant cette fresque historique allant du 19 mars 1962 à 1999, le coup de force de 1962 ayant permis au « Groupe d’Oujda (dont faisait partie Bouteflika) » de prendre le pouvoir et d’installer Ben Bella à la tête de l’Algérie ; comme a été zappée l’exécution du colonel Chaabani en septembre 1964 sur ordre de Ben Bella ; puis le coup d’Etat du 19 juin 1965 qui a envoyé le même Ben Bella en prison durant 17 ans, et la répression qui s’en est suivie ; comme ont été zappés également les assassinats de deux dirigeants historiques du FLN,  Mohamed Khider en 1967, puis Krim Belkacem en 1970, la répression du printemps berbère en 1980 en Kabylie, puis les évènements d’octobre 1988 réprimés dans le sang, et les années de plomb des années 80… Tous ces faits ayant marqué l’histoire de l’Algérie ont été passés à la trappe par cette « comédie » musicale ! Je suis surpris que cela vous ai échappé. Et ne me dites pas que je raconte des bobards (2).

Quant aux années 90 ( années de terrorisme sanglant, plus de 100 000 morts) sur lesquelles j’ai consacré tant d’articles dans l’Humanité (et écrit un livre) en tant que correspondant de l’Huma à Alger mais aussi de RTL et de Marianne, cette fresque historique consacrée à M.Bouteflika auquel  vous avez l’air de vouer une certaine admiration,  les as réduites à un malentendu national, à une « fitna » (querelle) entre « frères » !  « Fitna » à laquelle a mis fin le président « bien aimé » Bouteflika en amnistiant des islamistes ayant commis des crimes innommables ! C’est lui, l’actuel chef d’Etat, qui avait déclaré durant sa campagne électorale en 1999 que s’il avait 20 ans, il aurait rejoint les maquis islamistes.  C’est lui qui a rétabli l’appel à la prière (cinq fois par jour à la télé et à la radio) ; c’est lui, enfin, qui a permis le retour des salafistes dans les institutions, les médias publics et sur le terrain pendant que sa police fait la chasse aux démocrates, aux militants de la société civile et aux syndicalistes !

Voyez-vous, au lieu de me traiter de « menteur » (qui vous donne ce droit ?), j’aurais aimé avoir votre point de vue sur le reportage consacré à ce pays, sur la dramatique réalité sociale algérienne, sur cette pauvreté qui gagne du terrain, ces nouveaux riches qui sont en train de piller l’Algérie, sur ces inégalités sociales en train de se creuser, sur cette répression qui continue de frapper des journalistes – des correspondants de presse ont été récemment condamnés pour diffamation – des syndicalistes, des militants des droits de l’homme… sur cette corruption qui gangrène l’Etat au plus haut niveau, sur cet argent dilapidé dans des projets servant l’image du régime comme la construction de la plus grande mosquée de la planète ( deux milliards de dollars) alors que la Casbah d’Alger est en train de s’écrouler et que s’étend l’habitat précaire … Ces faits n’ont pas attiré votre attention : ont-ils échappé à votre regard , vous qui étiez en Algérie ou avez-vous choisi de regardez ailleurs ?

Pour conclure : deux choses. Un, j’assume entièrement les écrits sur l’Algérie. Deux, sur votre blog, des propos m’ont profondément blessé car insultant et scandaleux à plus d’un titre. Vous écrivez : « Zerrouky continue donc de distiller sa haine de l'Algérie dans le quotidien qui fut saisi 27 fois et l'objet de 150 poursuites, pour son action pendant la guerre d'indépendance ». Distiller ma haine contre mon propre pays ? Sachez que mon père Zerrouky Mohamed, membre du FLN,  a été interné durant cinq ans à la sinistre prison de Berrouaghia (sud d’Alger) durant la guerre d’Algérie, que mon oncle  Zerrouky Abdelkader, ex-arbitre de football, qui nous avait pris en charge, a été arrêté et fusillé en 1957 par l’armée française et que le stade de Khemis el –Khechna (ex-Fondouk) à 20 kms d’Alger porte son nom et qu’au total ONZE Zerrouky sont tombés durant cette guerre d’indépendance !  Aussi, je vous interdis de porter des jugements de valeurs sur ma personne. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous concernant l’Algérie, mon pays,  et je continuerai à me battre pour les valeurs pour lesquelles ma famille a payé un si lourd tribut, valeurs qui ne sont pas celles qu’incarne à mes yeux ceux qui gouvernent l’Algérie aujourd’hui !

Je terminerai par ceci : je n’attends aucune réponse de votre part. Pour moi l’affaire est close.

 

Bien à vous

Hassane Zerrouky

 

(1)   Je vous signale – ce n’est pas d’hier que ça dure – que lors du 20 éme anniversaire de l’assassinat de Boudiaf le 29 juin ernier, les officiels ont brillé par leur absence. Et, à l’instar des années précédentes, la télé n’a même pas consacré une image à cet évènement. C’est pour cette raison, que la presse algérienne, à quelques exceptions près, a dénoncé le silence de l’Etat sur ce tragique évènement ! C’est cela que j’ai dénoncé et que je dénoncerai. Que cela vous plaise ou non !

(2)   Je vous invite à lire El Watan du vendredi 6 juillet, Liberté et le Soir d’Algérie du 7 juillet et les journaux en ligne Tout sur l’Algérie et le Matin.dz…. quant aux 40 journaux que vous citez, la plupart (pas tous) ont, soit  brillé par leur silence quand le GIA assassinait des journalistes et des intellectuels, soit faisaient dans le « qui tue qui ». Les journaux qui se sont engagés dans la lutte anti-islamiste et qui ont payé le prix sont connus : Le Matin, Le Soir d’Algérie, Liberté, El Khabar, El Watan. Quant au Quotidien d’Oran, journal que je respecte, créé plus tard, fin des années 90, reste sur une ligne critique à l’égard de ce régime. Et comme par hasard, ce sont ces mêmes journaux, qui ont dénoncé l’amnistie accordé aux tueurs du GIA et de l’AIS, la compromission du pouvoir avec  l’islamisme, qui ont subi les foudres du régime !

MON OPINION SUR CETTE LETTRE.,

     Hassane Zerrouky poursuit, comme il l'écrit, un combat " pour les valeurs pour lesquelles [sa] famille a payé un si lourd tribut, valeurs qui ne sont pas celles qu'incarnent à [ses yeux] ceux qui diririgent l'Algérie d'aujourd'hui." C'est son droit et puisque c'est son opinion, cela l'honore, mais ce que j'attends d'un journaliste d'un journal français est d'abord une information aussi objective que possible sur l'Algérie, avec ses ombres et ses lumières. Or c'est un procès unilatéralement à charge que Hassane Zerrouky instruit en permanence. Rien ne trouve grâce à ses yeux. Même les  réalisations contemporaines qu'il cite dans son article de l'Humanité du 10 juillet, car elles ne peuvent être cachées, sont minorées  et entachées de motivations coupables à ses yeux. Dans sa lettre ci-jointe, les cinquante années de l'indépendance n'ont été qu'une succession de crimes, d'emprisonnements, d'assassinats.  Il y en eut mallheusement. Ben Bella fut déposé et emprisonné par Boumedienne en 1965... Mais réduire ces 50 années à ces faits graves et profondément regrettables est injuste. C'est nier que l'indépendance a sorti l'Algérie de l'arriération dans laquelle la colonisation l'avait plongée. De même que le long et courageux combat pour l'indépendance ne saurait être ramené à l'assassinat de Abbane Ramdane (dont Zerrouky ne parle pas)  par les trois B (Boussouf, Ben Tobal et Belkacem Krim ). Une telle image de l'Algérie apporte de l'eau au moulin des nostalgiques de "l'Algérie française" et ne contribue pas à l'amitié entre nos deux peuples.

     D'autre part, il ne dénonce jamais le capitalisme ni la conversion de l'Algérie, dans les années 90, à l'économie de marché et les conséquences que cela a pu avoir sur son évolution ultérieure. Je constate à cet égard que y compris  plusieurs partis considérés comme démocratiques en Algérie regrettent que cette conversion ne soit pas totale. Il ne mentionne pas non plus les nombreuses luttes revendicatives et politiques qui se déroulent en Algérie et dont beaucoup sont couronnées de succès. L'Algérie bouge, évolue, vit. Zerrouky ne le dit jamais.

     Enfin et cela témoigne de sa partialité: il écrit dans l'article du 10 juillet: "Mohamed Boudiaf, dirigeant historique du FLN assassiné en 1992, alors qu'il était à la tête du pays, a été évincé du souvenir" Dans sa lettre il parle d'une apparition de 15 secondes...J'ai personnellement assisté à la soirée à laquelle Hassane Zerrouky fait allusion et je peux témoigner que le Président Boudiaf apparait à l'écran de la fresque historique, prononce un discours et qu'il fut très applaudi par l'assistance.

Bernard DESCHAMPS

PS/ Je lis tous les jours, grâce à internet, les quotidiens algériens  francophones que    Hassane Zerrouky me conseille de lire. Mais aussi les autres: La Tribune, L'expression, El Moudjah id, Le Quotidien d'Oranet bien d'autres. Alger Républicain également. Malheureusement je ne lis pas l'arabe, mais des amis le font pour moi.

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commentaires

D
Ce qui apporte de l'eau moulin des revanchards de l'Algérie française, ce n'est pas de dire ce qui va mal; il faut dire la réalité. Par contre, dire que tout va mal et accréditer l'idée que la<br /> situation aujourd'hui serait pire qu'avant 1962 est faux et leur donne des arguments.<br /> Ainsi le SNMG, salaire minimum est passé en Algérie de 12000Dinars en 2010, à 15000 en 2011, à 18000 au 1er janvier 2012(178,8€) avec l'incidence sur toute la chaîne des salaires et des retraites.<br /> Cela s'est traduit par une hausse de la consommation. Par exemple le nombre de voitures achetées est passé de 330000 en 2011 à 400000 estimé en 2012(Chiffres du journal algérien d'opposition<br /> Liberté). Certes une partie des hausses est absorbée par des hausses des prix à l'importation, d'où la décision prise par le gouvernement de réinvestir dans l'industrie (ce qui n'avait pas été fait<br /> depuis vingt ans) et l'agriculture (voir Le Monde du 4 juillet, Ministre Mohamed Benmeradi). Le nombre de logements sociaux (de bonne qualité, je l'ai constaté):57000 réceptionnés en 2010, 72000 en<br /> 2011,90000 en 2012. Enfin de grands travaux sont terminés: autoroute Est-Ouest; métro d'Alger (je l'ai pris, très moderne); tramway à Alger et plusieurs grandes villes; chemin de fer très amélioré<br /> (Alger-Oran est un plaisir)...
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C
On peut, c'est mon cas, avoir de l'admiration pour ceux qui se sont courageusement levés contre le joug colonial et avoir des désaccords avec la politique des dirigeants actuels de l'Algérie. Mon<br /> sentiment est que la corruption est une réalité aujourd'hui. Toute cette jeunesse qui soutient les murs, ce n'est pas un problème ? N'y a-t-il pas des difficultés de logement ? Et s'il n'y avait<br /> pas la manne pétrolière quel serait le sort de la population ? Ceci étant, je n'ai rien à voir avec les nostalgériques de l'Algérie française ! Oui bien sûr je ne connais pas l'arabe, ni dialectal<br /> ni autre mais quand même !
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