LE MONDE | 29.03.2014 à 10h01 | Isabelle Mandraud
AQMI ne donne aucune consigne de vote, mais son message est explicite. D'une durée d'une heure et quatre minutes, la vidéo de propagande enchaîne des images de pauvreté, de mal-logement et de chômage pour mieux dénoncer les « promesses jamais tenues » du président-candidat. Découpé en trois volets – le dossier politique, économique et social –, le scénario brossé par AQMI ne fait pas dans le détail, soulignant à satiété les affaires de corruption qui ont éclaboussé jusqu'au plus haut niveau le régime algérien. Enrôlés malgré eux, des opposants algériens témoignent.
« TUNNEL NOIR »
Le procédé ne diffère pas beaucoup de celui déjà mis en œuvre contre le roi Mohammed VI et le Maroc brocardé comme « le royaume du despotisme » dans une vidéo de 41 minutes diffusée en septembre 2013. Mais alors que la version marocaine relevait clairement d'une opération de recrutement, cette nouvelle opération médiatique d'AQMI se veut nettement plus politique. Intitulée « Algérie, le tunnel noir », la vidéo donne une version unilatérale, témoignage à l'appui d'un ancien chef islamiste, des violences commises après l'interruption par l'armée du processus électoral que le Front islamique du salut, aujourd'hui dissous, était en passe de remporter en 1992. Les principaux chefs d'AQMI, à commencer par son émir Abdelmalek Droukdel, sont tous d'anciens combattants issus de la guerre civile qui a suivi, et ont prêté allégeance à la maison mère Al-Qaida en 2007.
AQMI ne règle pas seulement ses comptes avec le passé, en mettant en accusation le régime algérien et ses alliés occidentaux, surtout français. L'organisation djihadiste dénonce aussi violemment le soutien d'Alger à l'intervention française au Mali. Puis elle aborde sur le même registre le « printemps arabe » en s'attardant sur le portrait de l'ancien dirigeant libyen, le colonel Kadhafi, « que le gouvernement algérien a aidé contre son peuple ». Dans un message audio de dix minutes, Abdelmalek Droukdel s'en prend ensuite au soutien apporté selon lui par l'Algérie, « le pays qui parle toujours de l'unité arabe », au régime syrien de Bachar Al-Assad. Les images reprennent, toujours plus dures, sur les ravages causés par la drogue, le chômage, un jeune qui s'immole par le feu, avant de s'achever par un appel à la résistance des musulmans. Un message qui aura du mal à passer dans un pays traumatisé par une guerre civile qui a fait entre 150 000 et 200 000 morts