Télérama consacre, cette semaine, un dossier à la ville d'Alger. Ce qui n'est pas si courant dans la presse française et mérite une bienveillante attention.
Cinq regards sur cette ville "bouillonnante, fascinante, méconnue, inquiétante, schizophrène...". "L'une des plus belles capitales de la Méditerranée" écrit le journaliste Thierry Leclère. Une ville aussi, où "l'ombre des paras de Massu, pour qui sait y voir, hante les rues et les bougainvilliers des anciennes villas où l'on torturait."
Cinq regards dont celui d'une journaliste, d'un architecte célèbre, d'un jeune cinéaste de 28 ans et d'un jeune supporter de foot, harraga multirécidiviste qui ne rêve que de départ de cette ville qui pourtant lui colle à l'âme... Le lecteur(trice) en tirera, selon son humeur, soit une impression générale positive, soit une impression négative, tant la relation qui nous est faite est nuancée, contrastée, à l'opposé des descriptions uniformément apocalyptiques des médias de gauche comme de droite. C'est le regard "d'enfants de la guerre civile et du libéralisme sauvage" après " dix ans de libéralisme et d'ouverture au marché" qui succèdent à une expérience de socialisme autoritaire, marquée par d'importantes réalisations sociales et culturelles mais sous la chape de plomb du parti unique. "Une génération privée de rêve qui est née dans une Algérie bloquée" nous dit ce reportage. Une génération pourtant "tantôt lumineuse de vie et d'espoir, tantôt abattue" Car cette ville bouge, se transforme, vit avec "ses grands travaux, ses banlieues nouvelles et vibrionnantes", "des ponts, des autoroutes qui surgissent de partout, des voies rapides,[de] l'aéroport et [des] travaux du tramway, [de] nouveaux hôtels de luxe et [des] cités de logements de classes moyennes". "Sur ses frontières est et ouest la ville moderne gagnée aux supermarchée, pousse aussi vite qu'un semi de champignons" et le supermarché "Bab Ezzouar ne désemplit pas" Dans le centre d'Alger, le MAMA, le magnifique centre culturel de l'Avenue Ben M'hidi, dont deux photos illustrent cet article, a enfin ouvert ses portes au public et son architecte Mohamed Larbi Marhoum, le neveu de Larbi Ben M'hidi, le martyr de la bataille d'Alger, nous fait part de son opinion sur l'urbanisation de la ville. Mais les reportages nous disent aussi les taudis "aux murs lépreux" encore habités, dont les locataires en colère s'énervent en constatant que "les habitants des bidonvilles d'à côté [sont] relogés dans des appartements plus spacieux des nouvelles banlieues construite par les Chinois"
Le propos des auteurs n'est pas toujours exempt d'outrances, sur la présence policière, par exemple: "la ville toute bleue [...] des camions de police, blindés, canons à eau, bus, fourgons tout-terrains, motos, scooters, uniformes, gourdins et bouclers" alors que tous les observateurs ont remarqué la retenue (nouvelle..) de la police face aux manifestations politiques qui n'ont pas connu l'ampleur de celles d'autres pays arabes (Par contre un puissant mouvement revendicatif se développe souvent couronné de succès, comme le note le reportage)
Alger, une ville "où l'on aime la vie, malgré le cauchemar sanglant des années 1990" et dont la dignité et la fierté "la font tenir debout."
Osez Alger, nous recommandent les auteurs, dont même les plus critiques, nous disent leur foi inébranlable dans l'avenir.