Qoussair a été reprise par les forces gouvernementales avec l’aide du Hezbollah. L’ONU, la Russie et les États-Unis tentent de mettre sur pied la conférence de Genève II, où sont invités des représentants de Bachar Al Assad et de l’opposition.
«Si vis pacem, para bellum. » Il semblerait que les pays occidentaux, qui soutiennent la rébellion syrienne, aient fait leur cette devise latine. Tout en expliquant qu’ils souhaitent la tenue d’une conférence de paix baptisée Genève II, ils ont obtenu de l’Union européenne la levée prochaine de l’embargo sur les armes. Une annonce tout officielle alors qu’en réalité les armes circulent – et pas seulement légères – depuis des mois dans la région. Il est vrai par ailleurs qu’avant la tenue de cette conférence les parties en présence sur le terrain tentent de s’assurer des succès militaires qui les mettront en position de force au moment des discussions.
Sortir de l’enfer des armes
Dans ce cadre, la reprise de Qoussair (tenue depuis près de dix-huit mois), mercredi, par les forces gouvernementales aidées par les troupes du Hezbollah libanais représente une carte importante pour Bachar Al Assad. Située dans la province centrale de Homs, près de la frontière du Liban, la ville est stratégique car elle relie Damas au littoral, comprend plusieurs routes d’approvisionnement en armes aussi bien pour l’armée que pour les rebelles, et ouvre la voie au régime pour la prise totale de la ville de Homs. Cette victoire reflète la capacité du pouvoir central à passer à l’offensive. Celle-ci pourrait d’ailleurs maintenant se dérouler autour d’Alep, lieu tout aussi stratégique et symbolique.
En réalité, cette victoire militaire n’est pas seulement le fruit d’un armement plus conséquent. Pas seulement. Les tergiversations de l’opposition syrienne, réunie en Turquie, mais incapable de se mettre d’accord et de prendre la moindre décision politique, sont sans doute le pire qui pouvait arriver. Notamment pour la France qui, niant longtemps la domination islamique sur ce corps politique puis sur les groupes armés, se trouve maintenant empêtrée dans une douteuse dialectique qui l’a empêchée d’être à l’initiative de ce qui apparaît maintenant comme la seule solution : une conférence de paix. Avec, à la clé, un accord politique permettant au peuple syrien de sortir de l’enfer des armes et de choisir son propre destin. De fait, la préparation de cette conférence – et même si le chemin est pavé d’embûches – est maintenant entre les mains de l’ONU, de la Russie et des États-Unis. La réunion préparatoire tripartite s’est tenue hier au siège des Nations unies à Genève. Elle a réuni autour de l’émissaire spécial des Nations unies et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhail Bogdanov, et la sous-secrétaire d’État américaine Wendy Sherman. Sans faire preuve d’un optimisme béat, on peut penser que cette conférence se tiendra. D’abord parce que, pour la première fois, le gouvernement syrien est officiellement invité à y participer, de même que l’opposition. Il a répondu par l’affirmative.
Pressions occidentales
L’opposition, réticente et posant des conditions (notamment le départ de Bachar Al Assad et le retrait des combattants étrangers du Hezbollah libanais et de l’Iran impliqués aux côtés du gouvernement) aura sans doute du mal à résister aux pressions occidentales. D’autant que les risques d’explosion régionale ne cessent de grandir (ce qu’a très bien compris Damas) et que, pour l’heure, personne n’y tient. Reste évidemment la question de la participation de l’Iran. La France s’y oppose. Ce qui est une erreur. Si Téhéran n’est pas impliqué, on voit mal comment on pourrait le contraindre à respecter un éventuel accord international. Selon certaines sources diplomatiques, on s’acheminerait vers une conférence ne prétendant pas régler immédiatement les questions politiques les plus sensibles mais plutôt souhaitant marquer une première étape apte à faire baisser la tension sur le terrain et imposer la solution politique comme seule voie de sortie.
L’opposition prête à continuer
L’opposition syrienne s’est engagée, hier, à poursuivre « la révolution » contre le régime du président Bachar Al Assad malgré la capture du fief rebelle de Qoussair par l’armée et le Hezbollah libanais. « La révolution bénie va continuer et la victoire sera du côté de ceux qui militent pour la bonne cause, de ceux qui ont résisté face à l’injustice et à l’oppression et défendu leurs compatriotes de la manière la plus magnifique qui soit », a affirmé la Coalition nationale dans un communiqué. Elle « met les Nations unies et les grandes puissances devant leurs responsabilités (les appelant) à intervenir rapidement por protéger les civils et mettre fin (…) aux massacres du peuple syrien ».
Pierre BARBANCEY, L'Humanité du 6 juin 2013