En Novembre 2012, grâce aux liens d’amitié noués depuis bien longtemps avec une de mes anciennes élèves du lycée Mohamed Abdou de Miliana(1969/1971), nous sommes informés, mon épouse et moi-même, que des « retrouvailles » entre élèves et professeurs sont prévues pour le 1er Mai 2013. Nous découvrons ainsi le site annonçant ces festivités.
C’est avec bonheur que je me suis donc inscrit pour ces « retrouvailles » et que j’ai pu participer avec une émotion dont j’étais alors loin de mesurer l’intensité, au 1er Mai 2013 du lycée Mohamed Abdou de Miliana en Algérie.
La matinée fut largement consacrée à permettre à chacune des personnes présentes de retrouver des amies ( c’était pour certaines la première fois qu’elles se revoyaient depuis 20, 30, 40,50 et même 60 ans ) dans une joyeuse envolée d’ hésitations à se reconnaître, d’ embrassades et de souvenirs échangés. Pour ma part, ayant apporté quelques exemplaires du palmarès annuel établi lorsque j’enseignais là, je fus assailli de dames ayant retrouvé leur exaltation d’adolescentes, cherchant leurs noms dans les listes de prix et évoquant mes cours et leur enthousiasme ancien.
Puis vint le moment plus officiel : l’évocation des disparues, le discours de monsieur le Proviseur après le lever des couleurs et le témoignage d’Eliane, âgée de 87 ans qui avait tenu à faire le voyage pour évoquer son enfance et son lycée. Plus tard ce sera le tour de Chantal, partie en 62 et tout aussi émue et heureuse de se retrouver au milieu de ses amies d’enfance.
A Midi, la cloche retentit et c’est en rang que le flot se rendit à la cantine, tandis que les anciennes et nouvelles surveillantes générales, veillaient au bon déroulement de l’entrée au réfectoire dans les rires et les bavardages incessants.
L’après midi fut consacré aux photos de groupes. Puis aux témoignages exprimés par quelques professeurs présents qui, après avoir remercié chaleureusement les initiatrices et organisatrices de la rencontre et le proviseur ainsi que tout le personnel actuel du lycée, racontèrent, durant quelques minutes, leur histoire avec le lycée Mohamed Abdou et ce qui les avait poussés à revenir participer à cette fête. Il y eut le prof de gym qui entraina l’équipe de volley qui eut son heure de gloire, le prof de dessin qui raconta qu’âgé à ses débuts d’à peine 19 ans, il appréhendait un peu de traverser la cour où une véritable volière de jeunes filles espiègles l’intimidait beaucoup….. Nous étions deux à être venus de France et marqués tous les deux par l’empreinte indélébile que nous a laissé notre enseignement dans ce lycée.
Pour ma part, voici ce qu’a été à peu près la teneur de mon témoignage :
« j’ai été professeur d’histoire –géographie au lycée Mohamed Abdou de 1969 à 1971 . je commençais alors ma carrière d’enseignant et ces deux années ont été pour moi des années qui m’ont marqué à tout jamais. J’ai appris ici mon métier avec des élèves qui ont répondu à mon enseignement avec intérêt et même passion. Le bonheur que nous avons à nous retrouver aujourd’hui montre que si elles ont été parfois espiègles , le désir d’apprendre était leur motivation profonde et j’ai le plaisir de constater aujourd’hui que nombre d’entre elles ont fait de brillantes carrières.
Tout au long de ma vie, je suis resté profondément attaché à ce pays et à ses habitants et me retrouver au milieu de vous , dans ce lycée dont l’aspect n’a pas beaucoup changé m’émeut profondément.
Toutes les rencontres, tous les échanges qui se sont déroulés depuis ce matin témoignent de cet attachement que nous avons tous envers ce lycée et ce qu’il nous a apporté. »
Chacun de nous ayant été prié de raconter une anecdote, j’ai ensuite évoqué l’histoire du criquet que mes élèves d’une classe de première avaient un jour caché sous mes feuilles de cours en entrant dans la classe. Lorsque le criquet m’a sauté à la figure, surpris, je n’ai pu retenir un cri d’effroi. Evidemment, cela déclencha les rires et les moqueries et lors de mon départ, l’une d’entre elles écrivit « je n’oublierai jamais ce trouillard qui avait peur des criquets » . Comme beaucoup de mes anciennes élèves, elle a fait son chemin puisqu’il s’agit de Zehira Yahi, l’actuelle chef de cabinet de la ministre de la culture. Ces toujours jeunes dames sont d’ailleurs allées raconter à mon épouse, tout au long de la journée, toutes les farces qu’elles faisaient alors. Plus de 40 ans après, quel merveilleux moment de confiance et d’amitié.
Michel Berthier