18-01-2013 | |
Contribution Qui critique l'Algérie ? L'intervention conduite hier par les forces spéciales algériennes au niveau du complexe gazier d'In Amenas donne lieu à de nombreuses réactions négatives dans le monde occidental. Face à la multiplication de critiques sans fondement, il convient de rappeler quelques évidences, que de nombreux esprits chagrins, jamais satisfaits, semblent oublier. En effet, rappelons que, début janvier, ils ont pris l'initiative de rompre les discussions initiées par la diplomatie algérienne sur les otages et le Nord Mali. Ils savaient donc pertinemment que les autorités ne négocieraient pas. A moins qu'ils ne se soient imaginés que le nombre élevé de ressortissants étrangers parmi les otages multiplie les pressions extérieures et infléchissent leur position. Or, la réaction du gouvernement algérien a totalement annihilé leur stratégie. La décision d'intervenir rapidement – qu'elle soit délibérée ou due à une tentative de sortie des djihadistes – a été extrêmement efficace. Elle n'a pas permis aux terroristes de bénéficier de l'écho médiatique qu'ils recherchaient, ni de préparer la mise en scène qu'ils avaient probablement planifiée. Surtout, ils ont été surpris par la rapidité de l'assaut. Rappelons qu'au-delà des vies humaines en jeu, les djihadistes auraient aussi pu faire sauter le complexe gazier, provoquant des dégâts considérables… et davantage de victimes. Certes, l'intervention a provoqué l'exécution d'une partie des otages. Nous n'oublions nullement ces victimes innocentes et le drame humain que représente leur barbare assassinat de sang-froid mérite toute notre compassion. Certes, les actions antiterroristes «chirurgicales» ne sont pas la priorité des forces spéciales algériennes. Mais ce n'est pas du mépris de la vie des otages, comme certains l'affirment péremptoirement dans la presse occidentale. C'est une psychologie différente, celle d'un pays qui a connu deux décennies d'attentats et de massacres terroristes, qui sait donc l'importance du danger et la nécessité d'y répondre. Au demeurant rien ne permet de dire que d'autres auraient fait mieux. Plusieurs pays tdisent avoir proposé l'aide de leurs meilleures unités antiterroristes. Mais que ne l'ont-ils fait quand l'Algérie connaissait ses «années noires» qui ont fait plus de 100 000 victimes ? Ils ne l'ont pas soutenue, ont souvent condamné la «répression» et veulent lui donner aujourd'hui des conseils ? Ceux qui critiquent l'Algérie et son gouvernement, les accusant de ne pas les avoir informés ou de n'avoir pas tenu compte de leur avis – essentiellement les Etats-Unis et la Grande-Bretagne – doivent se voir rappeler certaines vérités. - Une intervention antiterroriste de cette nature relève de la souveraineté nationale, d'abord parce qu'elle se passe sur le territoire algérien, ensuite parce que la très grande majorité des personnes présentes sur le site, otages ou non, étaient des Algériens. Washington, Londres, Tokyo et quelques autres réagissent comme si la vie de leurs ressortissants avait infiniment plus de valeur que celle des Algériens. - Vouloir gérer une crise sur un territoire souverain, sans l'accord des autorités locales, est une ingérence caractérisée. Je n'ai pas le souvenir que l'Algérie ait adressé des conseils ou des reproches lors du désastreux assaut du FBI à Waco (Texas) en 1993, qui s'est soldé par 72 morts. Pas plus d'ailleurs que lorsque les drones de la CIA font de nombreuses victimes collatérales dans les zones tribales pakistanaises. De même, il est paradoxal de voir Londres – dont tout le monde connaît la politique expéditive et intransigeante en Irlande du Nord – réprimander Alger. N'oublions pas que David Cameron futavec Nicolas Sarkozy, un des principaux artisans de l'intervention de l'Otan en Libye à l'origine de tout le chaos régional actuel. En effet, Alger n'oublie pas que ceux qui le critiquent aujourd'hui sont les principaux responsables de la déstabilisation régionale que connaît le Sahel depuis 18 mois, suite à l'intervention désastreuse de l'Otan en Libye, laquelle a permis le renforcement significatif en armes et en effectifs des groupes djihadistes et des narcoterroristes. L'Algérie ne pouvait accepter d'assistance étrangère. D'abord en raison d'un nationalisme sourcilleux. Ensuite parce que cela aurait considérablement allongé le délai pendant lequel les terroristes pouvaient piéger le site et pérorer devant les médias du monde entier. Les critiques qui s'élèvent laissent songeur. Elles émanent pour l'essentiel de commentateurs de mauvaise foi ou mal informés, car il fallait être totalement naïf pour attendre une autre issue. Eric Denécé (*) Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) |