A l'heure où j'écris ces lignes, vos amis sont réunis, au cimetière du Père Lachaise, pour accompagner Gilberte dans son ultime voyage. Malheureusement, en raison de l'état de santé d'Annie, je ne peux être auprès de vous. Mais nous pensons très fort à vous.
Vous vous étiez connus en juin 1944, lors d'une réunion de cellule du Parti Communiste Algérien, au cours de laquelle tu avais remarqué, Henri, cette "jeune fille brune et vive, distinguée" qui n'était pas encore adhérente du PCA et se révèlera "cultivée, pleine d'humour et caustique". Depuis, seules la clandestinité, puis la prison pour Henri avaient pu vous séparer.
Lorsque Henri est arrêté, le 12 juin 1957, chez Josette et Maurice Audin, jeune mathématicien communiste, dont on ne retrouvera jamais la dépouille, vous mettrez tout en oeuvre, Gilberte, pour sauver votre mari, à Alger d'abord, puis à Paris après votre expulsion d'Algérie par les autorités françaises. On sait par La Question, les horribles souffrances endurées par Henri, dont un des tortionnaires le lieutenant ERULIN, devenu par la suite colonel, commandera l'expédition aéroportée sur Kolwezi au Zaïre en 1978. Devant l'émotion soulevée par son témoignage, Henri sera transféré à la prison de Rennes en 1960, et vous serez Gilberte, avec Léon Feix et Albert Ouzoulias, les artisans de son audacieuse évasion...
Vous avez, Gilberte et Henri, au prix de beaucoup de souffrances et d'amour, tout au long de votre engagement pour une Algérie indépendante, démocratique et progressiste, réalisé le rêve de Paul Eluard "Faire de sa vie un chef d'oeuvre"