Tous les journaux algériens consacrent, certains depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, de nombreux articles et même des dossiers de plusieurs pages au 50e anniversaire de l'Indépendance. C'est dire l'intérêt que revêt à leurs yeux cet anniversaire bien que ,depuis 1962, ce soit surtout la date du déclenchement de l'insurrection, le 1er novembre 1954, qui soit commémorée. Selon leur sensibilité, qu'ls soutiennent ou non le pouvoir en place, ils mettent l'accent soit sur la dimension historique de cet évènement planétaire, soit sur le bilan de ces cinquante années.
Cette place donnée au 50e anniversaire de l'indépendance, par la presse écrite privée donc en partie tributaire de son lectorat, témoigne de l'importance de cette date historique aux yeux de l'opinion publique algérienne. Un autre fait, qui nous surprend, est l'utilisation du 50e anniversaire à des fins publicitaires. Quelques exemples: "5 juillet Fête de l'Indépendance et de la Jeunesse...Partout avec vous, PRODUIT UNTEL"..."50 ans d'indépendance...Votre téléphone, TRUC"; "50 (sur photo du drapeau algérien)... consommez CHOSE". Ainsi va l'économie de marché! A l'évidence, ces marques considèrent qu'une telle publicité est rentable. Certes, 1954 et 1962, pour la jeunesse algérienne qui représente l'immense majorité de la population, c'est loin; mais ces dates ont dans leur esprit une résonnance particulière, comme en ont pour nous 1789 ou 1945. Et ce d'autant plus que pratiquement toutes les familles algériennes ont eu à pleurer la mort ou la disparition d'un des leurs entre 1954 et 1962 et que les atrocités commises par l'armée française puis par l'OAS sont encore très présentes à leur esprit.
Bien évidemment plusieurs quotidiens font référence aux 16 pages publiées par Le Monde. L'Expression sur toute la première page: "Avenir des relations algéro-françaises .Bouteflika plaide pour un partenariat d'exception." El Moudjahid cite en Une cette phrase du Président Bouteflika : "L'Algérie a réussi à rétablir la paix et renforcer ses capacités financières.". El Watan: "Il a acheté 16 pages dans le quotidien français Le Monde. Quand le gouvernement algérien chante sa gloire...". Diversité des approches.
En dehors de cette commémoration, quels sont les sujets traités par la presse, en ces premiers jours de juillet ? Plusieurs s'inquiètent de la chute des prix du pétrole. L'Expression cite le ministre des finances Mohamed Djoudi: "Le niveau des dépenses est inscrit sur la base du prix du baril à 120 dollars et nous dépensons effectivement autour de 75 dollars." et, sous la plume de Mohamed Touati, le quotidien interroge: "Qui veut saborder les réformes ?". Dans un autre article, le quotidien se fait plus précis: "Quant aux réformes [proposées par le Président Bouteflika, précise La Tribune], elles doivent tout simplement les gêner (le quotidien mentionne les sociétés d'export-import et les hauts fonctionnaires qui se sont enrichis, ndlr), car elles doivent marquer le tarissement de leurs revenus et la fin de leur business." Cet article fait allusion aux décisions prises par le gouvernement algérien de recréer une industrie nationale afin de limiter les importations qui grèvent les finances. Dans le publireportage publié le 4 juillet par le journal français Le Monde, le ministre de l'économie Mohamed Benmeradi écrit ceci: "Pendant plus de vingt ans, nous n'avons pas investi dans l'industrie, ce qui a entraîné un recul des capacités industrielles [...] Notre démarche tend au renforcement de l'économie nationale." (pour plus de précisions voir le 13 juillet le commentaire n°2 dans ma polémique avec Hassane Zerrouky) Simultanément, les pressions s'accentuent pour que ces financements publics soient réservés au secteur privé. Liberté (considéré comme un journal de gauche) du 4 juillet, consacre la totalité de sa première page et sept pages intérieures aux "50 personnalités qui ont marqué l'économie algérienne." Quelques dirigeants d'entreprises publiques, bien sûr, mais surtout des "managers privés". Je cite: "Un défenseur acharné de l'entreprise privée."; "L'homme qui fait autorité sur les marchés financiers"; "Le patron des patrons"; "Le représentant de la génération des jeunes entrepreneurs."; "Un banquier passionné par l'Algérie", etc. A l'évidence il s'agit d'un véritable enjeu, car l'Algérie est à la croisée des chemins, et la bataille fait rage. On dit même qu'il y a afftontement à ce sujet au sein du pouvoir entre ceux qui veulent redynamiser le tissu économique national et ceux qui, partisans du libéralisme économique, sont prêts à laisser le champ libre aux importations de l'étranger.
L'autre sujet d'affrontement est la situation au Mali. Comme l'indique La Tribune (3 juillet): "Forcing diplomatique sur l'Algérie" pour qu'elle s'implique avec la CDAO et les Occidentaux dans une intervention armée. Et le journal précise aussitôt: "Alger et Bamako privilégient la "solution politique". Position identique exprimée par El Moudjahid qui note le soutien à l'Algérie du Congrès américain. Par contre, El Watan (4 juillet) titre en Une sur toute la largeur: "L'Algérie s'implique dans la crise malienne"
El Watan (6 juilet) s'indigne de l'arrestation de Mohamed Smaïn, soutien du FIS, qualifié de "militant humanitaire" et condamné pour dénonciation calomnieuse de patriotes ayant combattu les terroristes à Relizane pendant la décennie de sang. Et El Watan titre en Une "Le 5 juillet gâché".
Citons enfin Alger Républicain qui, n'ayant plus les moyens financiers d'une édition imprimée, doit se limiter à une parution trimestrielle ronéotée et à une édition électronique. Cette denière et c'est ce qui fait son originalité, relate les luttes revendicatives nombreuses qui ont lieu en Algérie, dont beaucoup sont vctorieuses et développe une argumentation résolument anti-capitaliste.