Je ne l’ai jamais appelé Bacchus. Pourtant, y compris certains membres de sa famille le nommaient ainsi; mais il avait, à quelques années près, l’âge de ma mère et il était, avec le Dr Jean Bastide, ancien Médecin-chef des FFI du Gard et DIrecteur du Sanatorium du Grau du Roi, une des personnalités importantes du canton d’Aigues-Mortes. Nous l’admirions. J’avais fait sa connaissance par l’intermédiaire de Gisèle son épouse, institutrice au Grau du Roi quand je fus nommé instituteur à Aigues-Mortes. Gisèle était la sœur de l’éminent historien Albert Soboul spécialiste de la Révolution française, dont la tante Mme Marie Usciati-Soboul conseillère municipale de Nîmes, ancienne directrice de l’Ecole Normale d’Institutrices, nous avait mariés avec Annie en 1954. Une complicité idéologique nous rapprochait en plus de l’amitié que je lui portais. C’est à lui que l'Education Nationale commanda un projet de décoration pour le futur Groupe scolaire Irène Joliot-Curie d’Aigues-Mortes. Il réalisa en 1957 deux bas-reliefs, « La mère et l’enfant » et « Le père et l’enfant » qui sont désormais installés dans un jardin public près du nouveau collège depuis le déplacement de celui-ci. Les photos en sont exposées aux Archives départementales du Gard qui présentent une rétrospective de l’œuvre de Jean-Charles Lallement.
Je viens de visiter cette exposition qui m’a agréablement impressionné par son ampleur et par la diversité des études, des documents et des œuvres qui reflètent les multiples facettes de son talent : sculpteur, peintre, peintre-cartonnier, graveur… C’est une heureuse initiative de présenter dans la même salle et au même moment l’histoire de la Libération dans le Gard. La Résistance et la Libération furent en effet parmi ses principales sources d’inspiration. Les études, les croquis, les dessins permettent de suivre la genèse de la création puis de la réalisation des grands monuments à la mémoire de la Résistance au nazisme à Nimes, Tarbes, Troyes…Les dessins des bas-reliefs du Mémorial de Nîmes - sans doute le plus abouti avec ses deux maquisards de pierre qui gardent l’entrée - sont impressionnants : la Résistance, les Crimes, les 17 pendus de Nîmes et le pendu de Saint Hippolyte du Fort, le Gisant de bronze de la crypte…Ce mémorial fut inauguré en 1954 par le Dr Bastide, président du comité d’érection. Avec les nombreux bas-reliefs pour des établissements scolaires, réalisés dans toute la France, ce sont ses œuvres les plus connues, d’un réalisme stylisé qui évoque la période des « Deux femmes courant sur la plage » de Picasso (1922).
Les gouaches, les huiles sur toiles (Pêcheurs), les tapisseries (Phoebus et son char, conquête de l’énergie, visible au Palais des sports du Grau du Roi-30, photo ci-contre), les médailles (Picasso, Le Corbusier…) seront sans doute une découverte pour de nombreux visiteurs de l’exposition. Amateur de tapisseries, je regrette qu’il n’en ait pas réalisé davantage. Son choix des aplats de couleurs franches, l’apparente à Jean Picart Le Doux et s’inscrit dans la démarche des rénovateurs de la tapisserie française en rupture avec le maniérisme du XVIIIe siècle. A voir aussi, l’ébauche d’une étonnante Pietà représentant un martyr de la Résistance sur les genoux de sa mère…
"Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas.
Q'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas "
Un grand merci à Mmes, MM Damien Alary, Président du Conseil général; Patrick Malavieille, Vice-Président à la Culture ; Marie-Claire Pontier, Directrice des Archives départementales et Fabienne Griot pour cette remarquable exposition et pour le luxueux catalogue qui l’accompagne, digne des grandes rétrospectives parisiennes. Enfin un merci ému à Françoise qui s’est tellement investie pour que cette présentation des oeuvres de son père, dont elle avait tant rêvé, devienne réalité.
Bernard DESCHAMPS
06/08/2014
La photo du Mémorial de Nîmes est du Midi Libre.
Photos Bernard Deschamps, Aigues-Mortes, ci-dessous.