Mercredi, 05 Décembre 2012 09:50 QUOTIDIEN LIBERTE ALGERIE
La guerre voulue par Paris freinée par la négociation prônée par Alger
Par : Djamel Bouatta
Le médiateur burkinabé poursuit activement ses efforts pour faire aboutir la solution négociée au Mali. Le processus est au stade des rencontres directes entre les autorités maliennes et les opposants du Nord-Mali, la rébellion touareg et sa composante islamiste représentée par le tout nouveau Ansar Dine.
Des négociations se sont ouvertes à Ouagadougou hier entre les différentes parties concernées par la crise malienne. L’Algérie, qui a toujours joué le rôle de pompier et de facilitateur dans les crises maliennes, a ainsi fini par amener la branche islamiste des Touareg maliens à rompre avec les franchises d’Al-Qaïda dans le Sahel, que sont Aqmi et le Mujao, pour s’insérer dans le jeu diplomatique. Le dialogue inter-malien prôné par l’Algérie a ainsi fini par s’imposer sur la scène internationale : le SG de l’ONU ne vient-il pas d’avertir que la guerre serait une aventure dangereuse ? Le France, tête de file des va-t-en-guerre, semble avoir mis en sourdine son tapage : François Hollande a admis que son orientation de déclencher une guerre dans le Sahel aurait plutôt des conséquences totalement imprévisibles, d’autant qu’il s’est trouvé seul à défendre l’idée d’envahir le nord-Mali pour chasser les franchises d’Al-Qaïda qui s’y sont fixées depuis le printemps dernier. Les États-Unis, dont Paris avait tablé sur le soutien, se sont fait plus hésitants, préférant donner eux aussi du temps à la négociation.
Paris, incapable de gérer son pré carré africain, avait misé sur la participation américaine dans sa guerre dans le nord-Mali pour contrôler, ensemble et directement, l’accès à des ressources essentielles, l’uranium et le pétrole notamment, et de s’attribuer, ensemble également, une profondeur stratégique sur tout le nord du continent africain. Obama a renversé les prévisions du ministre français de la Défense, qui était persuadé en avril dernier que les États-Unis allaient entrer en conflit ouvert avec la Chine pour les ressources en Afrique. Le premier président noir américain, qui inaugure le mois prochain son second mandat, aurait choisi de contrecarrer l’“Empire du milieu” de manière feutrée. Obama, qui ne s’est pas remis des guerres héritées de son prédécesseur, Bush-junior, va-t-il effacer de son agenda ces stratégies militaristes de courte vue et catastrophiques pour son propre pays ? On sait qu’il a rejeté le plan français qui consiste à profiter de la déliquescence de l’État malien pour réintroduire directement une présence militaire euro-américaine camouflée derrière une force de la Cédéao, dont nul n’ignore l’insigne faiblesse. Cet abandon a été annoncé par Mme Hillary Clinton, lors de sa visite à Alger. Il faut cependant nuancer l’attitude américaine, car cela ne veut nullement dire que Washington a abandonné ses ambitions en Afrique. Il y a 6 ans, Washington, par le biais d’Africom, a décidé d’un cadre militaire spécifique au continent afin de faciliter sa mise sous tutelle, étoffant sa présence militaire, notamment par des bases plus ou moins secrètes. Africom a commencé son installation au Mali en 2009 par des programmes de formation à l’intention de quelque 6000 soldats de l’armée malienne, dans l’incapacité de contrôler le territoire parce que insuffisamment formés et armés. Le changement d’attitude américaine serait à chercher dans l’appréciation que Washington s’est fait de l’islamisme depuis les “Printemps arabes” : les Américains disent faire la part entre l’islamisme radical terroriste et les islamistes genre Frères musulmans ou salafistes qui ont accepté le jeu électoral et qui sont sponsorisés par les Qataris et les Saoudiens pour servir, il faut ne pas être naïf, les intérêts des Occidentaux, particulièrement ceux des Américains. Ansar Dine n’a-t-il pas été boosté par le Qatar via ses ONG très présentes au Sahel ? Alger, qui a pressenti toute cette évolution, a fait prévaloir une position juste et capable de déjouer les desseins contraires aux intérêts des Maliens eux-mêmes, premières victimes, et à ceux de la sous-région, voire du continent. Les Mauritaniens, les Nigériens, les Burkinabés, les Guinéens, les Ivoiriens les Sénégalais, puis les autorités de transition maliennes, autant dire que toute l’Afrique sahélienne et de l’Ouest, ont compris qu’ils pourraient s’embraser et s’enfoncer dans une guerre sans fin à l’instar de celles menées en Irak et en Afghanistan.
Pour Alger, il fallait établir une distinction nette entre subversion djihadiste, incarnée par Aqmi et Mujao, et le groupe militaro-politique, Ansar Dine et MNLA, qui ont un réel ancrage dans les populations locales du nord-Mali. Dans l’optique de l’échec du dialogue, Alger a accepté la guerre contre les groupes armés, promettant d’offrir son appui à la future force africaine d’intervention dans le nord du Mali.
Alger, tout le monde en a convenu, ouvre les portes vers le Sahel avec ses richesses énergétiques et son potentiel souterrain. Alger sait également aussi qu’il suscite des convoitises pour sa position géographique, mais aussi à cause de ses propres ressources.
D. B